Le dernier numéro (octobre 2006) de Pentecôte, la revue mensuelle des assemblées de Dieu françaises, publie un texte de Paulo Kavakava, converti wallisien qui y raconte ses premiers pas de missionnaire sur l’île de Futuna, en mars 2006. « L’église – précise-t-il – compte une vingtaine de personnes ». Les îles de Wallis et Futuna comptent aujourd’hui, selon ses estimations, « environ cinquante membres actifs ».
L’implantation récente des assemblées de Dieu (principale dénomination pentecôtiste dans le monde) sur ces deux îles polynésiennes situées à 2100 kilomètres au nord-est de la Nouvelle-Calédonie et 3200 kilomètres au sud-ouest de la Polynésie française montre de manière tout à fait exemplaire les voies par lesquelles passe l’expansion mondiale du pentecôtisme.
Mais c’est oublier le rôle essentiel que jouent, en particulier dans le Pacifique, les flux migratoires dans le développement des nouveaux mouvements évangéliques et pentecôtistes. Wallis et Futuna connaissent en effet une situation similaire à celles de plusieurs petits pays du Pacifique anglophone, comme les îles Cook, Tuvalu ou Niue : un renversement démographique au profit des émigrés, plus nombreux que la population restée sur les îles d’origine. Depuis 1961, on estime que 17563 Wallisiens et Futuniens ont migré vers la Nouvelle-Calédonie, principalement dans la région de Nouméa, tandis qu’en 2003, on comptait 10088 habitants à Wallis et 4879 à Futuna.
C’est au sein de cette population émigrée, moins directement soumise aux autorités communautaires de Wallis et Futuna, que les premières conversions au pentecôtisme ont eu lieu. A partir de là, deux dynamiques classiques de l’expansion pentecôtiste ont joué en faveur d’une implantation à Wallis et Futuna.
- La première, c’est le rôle joué par l’évangélisation interpersonnelle. Etre pentecôtiste, c’est être missionnaire et les nouveaux fidèles s’efforcent donc très rapidement d’agir personnellement au sein de ce qu’un manuel pentecôtiste de « formation à la vie chrétienne » appelle leur « sphère d’influence » : amis, collègues de travail, famille. Dès lors, les relations maintenues entre l’île d’origine et les émigrés deviennent le vecteur d’une action missionnaire « douce », peu visible, qui prend par exemple la forme de discussions, de réunions de prière dans les maisons et prépare la seconde étape, plus institutionnelle et plus visible : l’organisation, sous la direction de pasteurs évangélistes professionnels appuyés par un groupe de fidèles de réunions publiques d’évangélisation.
- La seconde dynamique, c’est celle des missions en cascade, que l’on retrouve dans tous les pays où le pentecôtisme se développe. C’est-à-dire que les nouvelles églises – et leurs nouveaux convertis enthousiastes – se tournent très vite vers de nouveaux terrains de mission, avant même bien souvent d’être elles-mêmes tout à fait stabilisées. Ce principe permet, comme l’a noté Bernard Boutter dans son étude des assemblées de Dieu de la Réunion, de faire passer les fidèles « de la situation passive d’évangélisés, à celle, active, de missionnaires ». Car les églises pentecôtistes, églises militantes tournées vers l’évangélisation, sont avant tout des églises du mouvement, où il faut continuellement « aller de l’avant », dans sa vie personnelle comme dans l’engagement collectif. Et elles trouvent dans cette espèce de fuite en avant un moyen de maintenir l’enthousiasme et la mobilisation de leurs fidèles. Cet enthousiasme est d’autant plus fort qu’il s’agit pour des émigrés de lancer la mission dans leur île d’origine.
Revenons maintenant à Wallis et Futuna : c’est en 1999 qu’une assemblée de Dieu a été officiellement ouverte sur l’île de Wallis. En 2002, dans un article du magazine Tahiti Pacifique, Filihau Asi Talatini estimait à une trentaine le nombre de ses membres, soit un chiffre égal à celui avancé par le missionnaire wallisien Kavakava – ce qui semble témoigner d’une progression très limitée entre 2002 et 2006. Voici, selon le récit qu’en faisait en 2001 le pasteur Louis Levant, ancien président des assemblées de Dieu polynésiennes, les circonstances de cette implantation pentecôtiste à Wallis :
« Ce qui s’est passé, c’est qu’en Nouvelle-Calédonie, il y a une grosse communauté wallisienne, et (…) de plus en plus de Wallisiens sont venus à l’Évangile dans le cadre des assemblées de Dieu (…). Et ce qui s’est passé, le roi de Wallis est tombé malade et il a dû être évasané [évacuation sanitaire, EVASAN]. Et dans le cadre des assemblées de Nouméa, il y avait quelqu’un de sa famille qui était donc pentecôtiste (…) et qui a demandé s’il voulait qu’on prie pour lui, si un pasteur des assemblées pouvait prier. Et c’est grâce à cette possibilité-là qu’on a eu un contact et ensuite, c’était les Wallisiens convertis de Nouméa qui ont ouvert la porte à Wallis ». (entretien du 20 décembre 2001, cité dans Pentecôtisme en Polynésie française, p. 50)