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  • "La religion est un fait social" (entretien)

    csm_2016-07-04_Thinkstock-foule_863070e5d0.jpgJe reproduis ci-dessous un entretien publié le 6 février 2018 dans La Croix, à l'occasion du colloque "Religion et classes sociales" de l'AFSR.

     

    La Croix : Constatez-vous toujours un intérêt des chercheurs pour les religions ?

    Yannick Fer : Le domaine est à la fois en déclin et en renouvellement. Il y a un déclin si on ne regarde que les sciences sociales des religions au sens classique. Cela est lié à un arrière-plan culturel et religieux qui décline. En revanche, on note une progression au sein de la sociologie générale. C’est-à-dire qu’il y a de plus en plus de chercheurs qui travaillent sur des sujets qui ne sont pas religieux mais qui rencontrent le religieux sur leur terrain. Ils veulent ainsi avoir des outils pour l’intégrer dans le contexte général de leur objet d’études. Par exemple, une chercheuse travaille sur l’économie domestique des classes populaires et à un moment, elle croise le religieux et s’intéresse aux femmes qui fréquentent la mosquée pour déterminer si cela a une influence sur la manière dont elles gèrent leur budget. De même, quand en sciences politiques, un chercheur rencontre des acteurs évangéliques ou catholiques par exemple.

    Quelles sont les d’objets d’études qui attirent le plus  ?

    Y. F. : Le tropisme autour de l’islam est, je crois, lié à des enjeux politiques et à une façon de surmédiatiser l’islam et les musulmans en le construisant comme un problème politique. Et, cela a des effets sur le plan de la recherche car il y a des financements pour les gens qui vont travailler sur l’islam sous un certain angle, notamment la mode sur la déradicalisation. Il y a des appels d’offres sur ces sujets. C’est un peu le danger : je ne suis pas du tout convaincu de la pertinence politique et scientifique de faire travailler les chercheurs en leur indiquant plus ou moins implicitement le résultat à obtenir.

    Pour le reste, il y a toujours eu en France des travaux sur le catholicisme, des historiens… Une tradition existe. Compte tenu de la croissance des mouvements évangéliques et pentecôtistes dans le monde, il y a également un développement dans ce domaine de recherche. Finalement, l’éventail est assez large.

    Dans ce contexte, quels sont les objectifs du colloque de l’AFSR ?

    Y. F. : Pendant plusieurs décennies, l’accent a été mis sur les logiques d’émancipation. Mais si l’on poursuit trop loin dans ce registre, on oublie de resituer les gens dans leur contexte social. Il y a du « bricolage religieux », mais il n’est pas uniquement lié à une liberté absolue de l’individu car on sait bien qu’influent notre milieu d’origine, notre socialisation, notre parcours scolaire. Il est vrai que la religion ne représente plus le même système d’autorité mais il demeure des déterminants sociaux, y compris dans ce qu’on décrit comme des pratiques très personnelles.

    En choisissant pour notre colloque le thème « Religions et classes sociales », il s’agit de défendre l’idée qu’il est à la fois nécessaire et pertinent de réfléchir à la dimension sociale de la religion, de l’appartenance sociale et de la pratique religieuse… En outre, le colloque veut illustrer que pour expliquer le religieux, il faut maîtriser à la fois les contenus religieux mais aussi la façon dont il s’inscrit dans la société car il ne faut pas oublier que la religion est d’abord un fait social.

     

     Image : Thinkstock.