Des extraits du livre que j'ai publié en 2005 sur le pentecôtisme en Polynésie française sont désormais disponibles sur Google Books. Un bon nombre de pages passent ainsi en libre accès, pour tous ceux qui souhaitent y jeter un oeil, y faire des recherches par mots-clés ou avoir un aperçu assez complet du livre avant de le commander. Il suffit de cliquer ici. Bonne lecture !
christianisme - Page 11
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Pentecôtisme en Polynésie française sur Google Books
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Nouvelle-Zélande: victoire de la droite, échec des partis chrétiens
Dans une note de mars dernier, je vous parlais de la création du New Zealand Pacific Party, un parti polynésien se réclamant des valeurs chrétiennes fondé par un ancien député travailliste d'origine samoane, Taito Philip Field. À ses côtés, deux autres partis chrétiens étaient lancés dans la bataille en vue des élections générales:
- Le Family Party, un parti très conservateur qui comprend notamment les anciens membres du parti Destiny New Zealand lancé en 2003 par la megachurch pentecôtiste Destiny Church (voir ma note du 11 octobre 2007).
- Le Kiwi Party, où l'on retrouve de nombreux missionnaires de l'organisation évangélique Youth With a Mission (YWAM), dont les anciens députés Larry Baldock (ancien directeur national de YWAM aux Philippines) et Bernie Ogilvy (ancien directeur national en Nouvelle-Zélande). Le président du parti, Franck Naea, est lui-même un ancien président international de YWAM.
Il restait à savoir quel écho ces trois partis trouveraient auprès des électeurs néo-zélandais et, plus particulièrement, combien d'électeurs polynésiens - regroupés essentiellement dans quelques circonscriptions des agglomérations d'Auckland et de Wellington - feraient passer leurs convictions religieuses avant des considérations politiques plus générales, les incitant plutôt à rester fidèles au Labour Party. Samedi dernier, les urnes ont livré leur verdict.
Elles ont d'abord confirmé ce que les sondages annonçaient depuis plusieurs mois: après trois mandats successifs (depuis 1999), Helen Clark doit céder la place au National Party, un parti de centre-droit mené par John Key (deuxième photo en partant de la gauche), nouveau premier ministre, qui disposera au Parlement d'une majorité très confortable, renforcée par le soutien du parti conservateur Act New Zealand de Rodney Hide (photo de droite), du parti centriste United Future New Zealand et du Maori Party. Avec 6% et 8 élus, le Green Party (écologiste) de Jeanette Fitzsimons gagne un peu de terrain (1 point de plus qu'en 2005 et deux sièges suplémentaires), mais moins que prévu. Enfin, le Parlement comptera désormais 5 élus d'origine océanienne, ce qui est relativement peu mais constitue malgré tout un record. Quant aux partis chrétiens, ils ont tous perdu leur pari.
Echec du New Zealand Pacific Party: pas de vote chrétien chez les Pacific Peoples
Pour le parti de Taito Philip Field, l'équation était a priori assez simple: les Pacific Peoples, Polynésiens vivant en Nouvelle-Zélande, sont aujourd'hui 266,000 (6,9% de la population). Ils sont très attachés au christianisme, beaucoup plus pratiquants que l'ensemble de la population néo-zélandaise et ont été parfois heurtés dans leurs convictions chrétiennes par des lois votées au cours des dernières années par le gouvernement travailliste: légalisation de la prostitution, union civile ouverte aux homosexuels et plus récemment, la loi réprimant les punitions corporelles sur les enfants - dénoncée par des réseaux chrétiens militants comme "anti-famille". Mais convictions religieuses et vote chrétien restent deux choses distinctes et le New Zealand Pacific Party n'est pas parvenu à opérer la conversion des premières au second.
Dans la circonscription de Mangere, un quartier polynésien au sud d'Auckland dont il était le député sortant, T.P. Field a recueilli seulement 22% des voix sur son nom et 10% en "party vote" (le Parlement néo-zélandais est élu à la proportionnelle et chaque électeur choisit un candidat et un parti). Il est loin derrière le candidat du Labour, Su'a William Sio, qui remporte le siège avec 52% des voix. Il faut dire que S. W. Sio est lui aussi Samoan, lui aussi titulaire d'un titre traditionnel samoan de matai (chef de famille) et lui aussi chrétien fervent. Lors de son entrée au Parlement, en avril 2008, il débutait son discours inaugural (maiden speech) en expliquant comment, avant de rejoindre le Parlement, il avait tenu à se rendre à Samoa pour recevoir la bénédiction des anciens de son village et des diacres de l'église protestante - hiérarchie familiale et hiérarchie ecclésiale étant étroitement liées dans le système villageois traditionnel de Samoa.
Autrement dit, entre deux Samoans chrétiens, les électeurs polynésiens ont choisi celui qui représentait de surcroît le parti ayant toujours accordé une attention particulière aux Pacific Peoples. Il y aura probablement dans les années à venir de plus en plus de mobilisations pour la défense des "valeurs chrétiennes" parmi les Polynésiens de Nouvelle-Zélande, mais l'échec électoral du New Zealand Pacific Party semble indiquer que ces mobilisations ne s'appuieront pas sur un parti politique, mais tout simplement sur les réseaux d'églises. Entre autres, parce qu'elles ne sont pas vécues comme des revendications politiques, mais sur le registre du droit à la différence culturelle, le christianisme se trouvant incorporé à une définition de l'identité distinctive des Pacific Peoples, dans le cadre d'une société multiculturelle.
Kiwi Party: les "smackers" n'étaient pas au rendez-vous
Le Kiwi Party avait démontré ces derniers mois ses capacités de mobilisation, en déposant en août 2008 une pétition signée par 310,000 Néo-zélandais en faveur d'un référendum sur la révision de la loi sur les châtiments corporels, baptisée "anti-smacking" (anti-fessée) par ses opposants. Comme le notait le New Zealand Herald dans un article du 25 octobre dernier, cette loi reste un "hot topic", un sujet brûlant qui selon les sondages passionne - et divise - au-delà des seuls réseaux militants et a refait surface au cours de la pré-campagne électorale. Pourtant, après 18 mois d'application de la loi, seuls 8 parents ont été poursuivis, ce qui a fait dire à John Key que cette loi était correctement utilisée. Les leaders du Kiwi Party, qui ont beaucoup joué sur le registre populiste du bon sens citoyen contre les politiciens forcément loin des réalités du terrain espéraient sans doute retrouver une bonne partie des pétitionnaires parmi leurs électeurs. Mais ils n'ont obtenu dans tout le pays que... 11,659 voix. À Tauranga, une ville de l'île du Nord où il a été élu local, Larry Baldock ne dépasse pas 2%. Encore une fois, un constat s'impose: les réseaux chrétiens sont capables de mobiliser des dizaines de milliers de personnes sur une cause particulière illustrant la défense des "valeurs familiales", mais lorsqu'il s'agit d'élections ces questions ne remplacent pas un programme politique plus élaboré, couvrant tous les aspects de la vie sociale et économique du pays.
Family Party: des chrétiens minoritaires mais très militants
Enfin, avec seulement 0,33%, le Family Party ne récolte pas plus de suffrages que son prédécesseur - le Destiny Party - lors des précédents scrutins. Cette minorité chrétienne conservatrice, dont le noyau dur est essentiellement constitué par les fidèles de l'église Destiny Church, rencontre davantage de succès sur le terrain religieux - avec son credo de "remise en ordre" des vies personnelles - que sur celui de la politique.
Illustrations (de haut en bas): de gauche à droite, Helen Clark, John Key, Jeanette Fitzsimons et Rodney Hide ; "Tangata o te moana" (Pacific Peoples), affiche d'une exposition du musée national Te Papa (Wellington) ; Sua William Sio ; manifestation anti-smacking.
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Richard Tuheiava : la jeune génération indépendantiste au Sénat
Richard Tuheiava, 34 ans, a été élu hier sénateur de Polynésie française, au côté de Gaston Flosse, ancien président du gouvernement polynésien, sur la liste commune de l'UPLD (Union pour la démocratie, indépendantiste) et du tahoeraa huiraatira de Gaston Flosse (à qui l'UMP avait refusé son investiture). Cette alliance, qui paraissait aussi incroyable que contre-nature lorsqu'elle s'est mise en place en février dernier, poursuit donc son chemin et a apparemment convaincu les élus locaux polynésiens, pourtant traditionnellement fidèles - par nécessité plus que par conviction - au pouvoir en place, dont ils dépendent financièrement. Cette victoire aux élections sénatoriales souligne la fragilité du gouvernement Tong Sang, soutenu par l'UMP et le gouvernement français, mais appuyé sur une majorité très hétéroclite. Elle annonce sans doute le renversement prochain de cette majorité, minée depuis plusieurs mois par la surenchère d'alliés peu sûrs, exigeant toujours plus de postes, des avantages divers, etc... pour prix de leur soutien à Gaston Tong Sang.
Avocat à la cour d'appel de Papeete,secrétaire général de la ligue polynésienne des droits humains et (entre autres) membre de la Jeune chambre économique de Tahiti, Richard Tuheiava incarne une nouvelle génération indépendantiste, plus engagée dans la société que dans les manoeuvres d'appareil, associant un héritage culturel et religieux fort avec des compétences indéniables. Les gouvernements Temaru avaient déçu par ce qui semblait être un manque de professionnalisme, une certaine désorganisation. Avec de jeunes cadres comme le nouveau sénateur polynésien, on peut être plus optimiste. Il dispose en tout cas de nombreux atouts pour devenir une personnalité importante de la scène politique locale.
Issu d'une famille originaire de Maupiti (île Sous-le-Vent), Richard Tuheiava a grandi à Moorea, l'île qui fait face à Tahiti. Deux éléments de son parcours personnel et de son arrière-plan familial sont intéressants à noter.
- D'abord, l'école. Fils d'un directeur d'école primaire, il est aussi le neveu de Sylvia Tuheiava Richaud, maîtresse de conférences en langues et civilisations polynésiennes à l'université de la Polynésie française (auteure d'une thèse de doctorat sur les codes missionnaires polynésiens). Pour devenir avocat, il a fait ses études de droit à Aix-Marseille. Cette réussite scolaire souligne, pour reprendre les termes classiques de l'analyse développée par P. Bourdieu, l'accumulation et la transmission familiale d'un double capital culturel, qui associe système éducatif français et culture polynésienne. Dans un article publié en 2001 dans la Revue juridique polynésienne, intitulée "L'éducation en Polynésie française, socialisation à la dépendance ou à l'indépendance?", Gwendoline Malogne-Fer soulignait les difficultés et les limites de l'adaptation du modèle scolaire français aux réalités polynésiennes. Pour beaucoup d'enfants polynésiens, l'école reste une expérience difficile et un parcours comme celui de R. Tuheiava est encore exceptionnel. Malgré tout, il fait partie de ces jeunes polynésiens de plus en plus nombreux qui atteignent un haut niveau de formation universitaire et constituent peu à peu une relève.
- Le second élément, c'est le protestantisme. Car la famille Tuheiava, c'est aussi une grande famille protestante, où l'on compte des diacres et des pasteurs. Ses parents ont longtemps été très impliqués dans la vie paroissiale à Moorea et Richard Tuheiava est rapidement devenu l'un des avocats de l'église protestante ma'ohi, l'église historique héritière des premiers missionnaires de la London Missionary Society arrivés à Tahiti en 1797. Une église qui rassemble près de 40% des Polynésiens et dont les dirigeants, tout en refusant de devenir un soutien inconditionnel du parti indépendantiste, s'inscrivent clairement dans la perspective d'une indépendance de la Polynésie française en militant fortement pour la défense de la culture et la langue polynésiennes. Alors qu'elle était connue jusqu'en 2004 sous le nom d'église évangélique en Polynésie française, son nouveau nom traduit une volonté d'afficher plus nettement cet engagement.
Illustrations : R. Tuheiava ; vue aérienne de Maupiti ; temple protestante de Maharepa (Moorea)