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  • Australie: Un Vert pas comme les autres ? Jim Reiher, sénateur écologiste et théologien pentecôtiste (M. Maddox)

    austrlian parliament.jpgAux dernières élections fédérales australiennes, qui ont eu lieu en août 2010, ni l’alliance de droite Liberals/Nationals ni le parti travailliste n’ont obtenu la majorité à la Chambre des représentants. Le parti travailliste mené par Julia Gillard a finalement formé un "gouvernement minoritaire" grâce au soutien du député vert et de trois députés indépendants.

    Dans la seconde chambre du Parlement – le Sénat – l’Australian Green Party a gagné 9 sièges, avec 11,76% des suffrages, et joue aujourd’hui un rôle clé, comme l’explique Marion Maddox. L’occasion de se pencher sur les relations entre écologistes et christianisme et de s’intéresser au profil franchement inhabituel d’un de ces sénateurs écologistes australiens: Jim Reiher, qui est aussi... un théologien pentecôtiste.

    maddox.jpgMarion Maddox est professeure associée à la Macquary University à Sydney où elle dirige le Centre for Research on Social Inclusion. Elle est spécialiste des relations entre religion et politique et a notamment publié en 2005 God Under Howard: The Rise of the Religious Right in Australian Politics. Ses recherches actuelles portent sur les méga-églises évangéliques.

     

    M. Maddox (trad. Y. Fer): "Le 10 juillet dernier, le Premier ministre australien, Julia Gillard, a annoncé un plan historique de réduction des émissions de gaz à effet de serre : un plan qui figurait au programme des gouvernements qui se sont succédés depuis le départ du [Premier ministre conservateur] John Howard [en 2007] mais qui n’a finalement été approuvé que cette année, par une commission multipartite.

    La principale raison qui permet à J. Gillard d’espérer son adoption au Parlement est que le nouveau Sénat vient d’entrer en fonctions, le 1er juillet de cette année. L’ancien Sénat était contrôlé par les partis conservateurs, mais dans le nouveau ce sont les Verts qui détiennent la clé du vote.

     Lors des dernières élections fédérales, les Verts ont été particulièrement montrés du doigt par plusieurs églises, qui les ont décrits comme anti-chrétiens. Par exemple, le Cardinal George Pell - qui green devil.jpg(contrairement au Pape) ne croit pas que le changement climatique soit lié à l’activité humaine - a, dans une déclaration controversée, estimé que les Verts sont "un poison déguisé en doux agneaux" (sweet camouflaged poison) et "profondément anti-chrétiens". Les lobbies protestants conservateurs ont fait le même genre de déclarations. Pendant la campagne électorale, des écoles catholiques ont remis à leurs élèves des documents mettant en garde leurs parents contre le vote vert, et un partisan des Verts s’est vu interdire de distribuer des tracts devant un bureau de vote situé sur le site d’une église catholique.

    jesus green.jpgEt pourtant, les Verts ont une très forte composante chrétienne. La vice-présidente du parti écologiste, la sénatrice de Tasmanie Christine Milne, a été membre du conseil de Catholic Earthcare Australia, un département de la commission catholique épiscopale pour la justice et le développement. Un des candidats verts, Lin Hatfield Doods, qui a manqué de peu d’être élu sénateur dans  l'Australian Capitale Territory [Nouvelles-Galles du Sud], est un chrétien pratiquant, ancien directeur de UnitingCare Australie, une organisation sociale de l’Eglise Unie [protestante] (la troisième dénomination d’Australie).

    En fait, il y a eu en Australie une proportion inhabituelle de chrétiens pratiquants parmi les candidats verts. Le 1er Vert élu au Parlement fédéral, la sénatrice d’Australie occidentale Jo Vallentine (1990-92) est une Quaker ; elle a été suivie de Christabel Chamarette (1992-96) qui est entrée en politique par le biais de son travail au sein de la commission anglicane sur les questions sociales.

    Ça n’est peut-être pas si surprenant, puisque les Quakers, l’église unie et les Anglicans sont tous des dénominations plutôt progressistes. Mais certains Verts viennent de milieux chrétiens traditionnellement plus conservateurs. L’un des cas les plus étonnants est celui du théologien pentecôtiste Jim Reiher."

     - Un théologien pentecôtiste candidat des Verts, ça paraît assez déconcertant. Est-ce que Jim Reiher est un non-conformiste ou est-ce qu’il appartient à un courant plus large du protestantisme évangélique australien ?

    "Il sort clairement de l’ordinaire. Vous pouvez vous en faire une idée en lisant l’introduction d’un entretien avec Jim Reiher publié il y a quelques années dans le magazine des Churches of Christ, Australian Christian :

     "Jim Reiher est enseignant au Tabor College de Melbourne, auteur du livre remarqué The Eye of Needle... Au fait, ai-je précisé qu’il est en lice dans l’élection de novembre comme candidat des Verts au poste de sénateur représentant l’Etat de Victoria ? Maintenant, soyons honnêtes. Quand vous avez lu « Vert », est-ce que vous n’imaginiez pas un groupe de militants gays aux cheveux longs – et barbus... - enlaçant des arbres ? L’Australian Christian s’est assis un moment avec Jim Reiher l’autre jour et a découvert un fidèle de Jésus passionné et cohérent, qui cherche à faire bouger les choses..."

     tree hug.jpgLe magazine a sans aucun doute bien deviné les réponses de beaucoup de ses lecteurs : mais un petit nombre d’évangéliques australiens se sont aussi tranquillement réjouis que quelqu’un vienne contredire les stéréotypes qui les décrivent comme des conservateurs aux cheveux courts et des électeurs de droite !

    Comme beaucoup d’autres chrétiens (et de musulmans, de juifs, ou d’autres croyants) qui ont rejoint ou soutiennent les Verts, ils voient le fait de prendre soin de la création de Dieu comme faisant partie de leur responsabilité religieuse. Ils considèrent aussi d’autres aspects de la politique des Verts, comme leur position compatissante envers les réfugiés, comme étant davantage en accord avec leur foi que la ligne dure prônée par les deux principaux partis."

     - Jim Reiher a publié The Eye of the Needle, une critique de la théologie de la prospérité. De quoi s’agit-il ?

    eye of needle.jpg"Beaucoup de pentecôtistes et d’évangéliques australiens ont été influencés par un mouvement américain appelé «l’Evangile de la prospérité» ou «Parole de Foi», qui enseigne que Dieu veut que les chrétiens soient riches, et que si vous priez de la bonne manière, vous recevrez la prospérité financière. The Eye of the Needle est pour Reiher l’occasion de contester l'influence de cette théologie en rappelant le message biblique en faveur de la justice sociale. Depuis 2007, il fait partie d’un mouvement baptisé Urban Neighbours of Hope, qui travaille avec les pauvres des villes de Melbourne, Sydney, Mae Sot [en Thaïlande] et Bangkok. Son dernier livre est un commentaire de l’épitre de Jacques (James), une interprétation de ce texte biblique comme manuel à l’intention des militants sociaux. On peut dire qu’il perpétue une très ancienne tradition de l’évangélisme, qui insiste sur le salut de toutes les dimensions de la personne, et pas seulement de l’âme."

     

    marion maddox,jim reiher,australie,politique,religion,pentecôtisme,écologie,verts,sociologie,océanie,anthropologie,évangéliquesmarion maddox,jim reiher,australie,politique,religion,pentecôtisme,écologie,verts,sociologie,océanie,anthropologie,évangéliquesA lire également, sur ce thème des relations entre écologie politique et protestantismes évangéliques, deux notes de mon collègue Sébastien Fath, à propos de Peter Garrett, ex-chanteur de Midnight Oil, évangélique et ancien ministre de l'écologie dans le gouvernement travailliste de Kevin Rudd et de Marina Silva, pentecôtiste et candidate écologiste aux élections présidentielles brésiliennes en 2010.

    Illustrations: Le parlement australien ; M. Maddox; diable vert (Dickinson College); "Step Up and Go Green for Jesus" (nestlearning.com); J. Reiher; Tree's hug (The Smallest User Blog); couverture du livre de J. Reiher.

  • An intriguing Australian Senator: Jim Reiher, a Green activist and a Pentecostal theologian (M. Maddox)

    austrlian parliament.jpgIn August 2010, the last Australian federal elections didn’t give any majority in the Chamber of Representatives. The Labor Party led by Julia Gillard finally formed a minority government with the support of one Green MP and three independent MPs. In the second house of Parliament - the Senate - the Australian Greens Party won 9 seats with 11,76% of votes and now holds the balance of powers, as Marion Maddox explains. She also examines the relations between the Australian Greens and Christianity, and throws light on the very unusual profile of one of these 9 Green Senators: Jim Reiher, who is also… a Pentecostal theologian.

    maddox.jpgMarion Maddox is Associate Professor at Macquary University in Sydney and director of the Centre for Research on Social Inclusion. She is a specialist of the relations between religion and politics and the author of God Under Howard: The Rise of the Religious Right in Australian Politics, a book published in 2005. She’s currently doing research on Evangelical megachurches.

     

    M. Maddox: "On 10 July, Australian Prime Minister, Julia Gillard, announced her government's historic carbon abatement scheme, which has been stated policy of successive governments since John Howard's final term [in 2007], but which she has only just succeeded in getting approved by a multi-party committee.

    The main reason she can expect to get it through Parliament is that, on 1 July, Australia's new Senate was sworn in. The old Senate was controlled by conservative parties, but in the new one, the balance of power is held by the Greens.

    The last federal election campaign was remarkable for the way that several churches tried to portray the Greens as anti-Christian. For example, the Catholic Cardinal, George Pell, who (unlike the Pope) green devil.jpgdoes not believe in human-made climate change, controversially declared the Greens to be "sweet camouflaged poison" and "thoroughly anti-Christian". Conservative Protestant lobbies made similar claims. During the election campaign, some Catholic schools sent material home with students warning parents not to vote Green, and one Greens campaigner was refused permission to distribute party information outside a polling booth on the site of a Catholic church.

    jesus green.jpgYet the Greens have a very strong Christian element. Greens Deputy Leader, Tasmanian Senator Christine Milne has been a member of the Advisory Committee to Catholic Earthcare Australia, an agency of the Catholic Bishops' Commission for Justice and Development. One Greens candidate who narrowly missed election, as Senator for the Australian Capital Territory [New South Wales], was Lin Hatfield Dodds, a practising Christian and former National Director of UnitingCare Australia, the social service organisation for the Uniting Church, Australia's third-largest denomination.

    In fact, the Greens have had an unusually large proportion of practising Christian candidates. The first Green in federal parliament, Western Australian Senator Jo Vallentine (1990-92), is a Quaker; she was followed by Christabel Chamarette (1992-96), who gained her entree to politics through her work on the Anglican Social Responsibilities Commission.

    Maybe these aren't so surprising, since the Quakers, the Uniting Church and the Anglicans are all quite progressive denominations. But some Greens come from traditionally more conservative parts of the church. An intriguing example is Pentecostal theologian Jim Reiher."

    - A Pentecostal theologian standing as a Green candidate may be regarded as unseemly by many. Is Jim Reiher a non-conformist or does he belong to a wider stream of Australian evangelicalism?

    "He is certainly unusual. You get the flavour from the introduction to an interview with Reiher, published in the Churches of Christ magazine, Australian Christian, a few years ago:

    "Jim Reiher is a senior lecturer at Tabor College in Melbourne, author of the acclaimed The Eye of the Needle ... Oh, did I mention that he was running as an Upper House candidate for the Greens in the Victorian election in November? Now, let's be honest. When you read "Green", didn't you imagine a group of tree-hugging gay activists with long hair? And beards...Well, it might be time to smash a stereotype or three. The Australian Christian sat down with Jim Reiher the other day and found a passionate and articulate follower of Jesus trying to make a difference..."

    tree hug.jpgThe magazine no doubt guessed many of its readers' responses correctly; but a smaller number of Australian evangelicals would have been quietly celebrating the fact that someone was breaking the stereotype of them as conservative activists with conservative haircuts and right wing politics!

     Like the many other Christians (and Muslims, Jews and other religious believers) who either join or support the Greens, they see caring for God's creation as part of their religious responsibility. They also see other Green policies, such as a compassionate stance towards refugees, as more compatible with their faith than the hardline positions of the two major parties."

    - He has recently published "The Eye of the Needle", a theological critique of the prosperity gospel. Could you just explain us what is at stakes here?

    eye of needle.jpg"Many Australian Pentecostals and evangelicals have been influenced by an American movement called 'prosperity gospel' or 'Word of Faith', which teaches that God wants Christians to be rich, and if you pray the right way you will receive financial prosperity. The Eye of the Needle was Reiher's theological challenge to remember the biblical message about social justice. Since 2007, he is part of a ministry called Urban Neighbours of Hope that works with urban poor in Melbourne, Sydney, Mae Sot and Bankok. His latest book is a commentary on the Letter of James (called James), which interprets the biblical text as a manual for social activists. We could say that he is holding out for an older tradition of evangelicalism that emphasises salvation of the whole person, not just their soul."

     

    Illustrations: The Australian House of Parliament; M. Maddox; Green Devil (Dickinson College); "Step Up and Go Green for Jesus" (nestlearning.com); J. Reiher; Tree's hug (The Smallest User Blog); J. Reiher's book.

  • JMJ 2008 à Sydney : Benoît XVI et le catholicisme down under (entretien)

    panorama sydney.jpgLes prochaines journées mondiales de la jeunesse (JMJ), rassemblement catholique organisé tous les deux ou trois ans, auront lieu du 15 au 20 juillet 2008 à Sydney, en Australie. L’église catholique attend 125,000 visiteurs internationaux et le pape lui-même effectuera à cette occasion sa première visite en Australie.
    J'ai demandé à Marion Maddox, universitaire australienne spécialiste des relations églises-État et directrice du Centre for Social Inclusion à l’Université Macquarie de Sydney dans quel contexte interviennent ces journées et quel impact elles peuvent avoir sur une jeunesse australienne qui paraît a priori peu en phase avec le discours conservateur de Benoît XVI.


    jmj2008.jpgL’église catholique a choisi Sydney comme lieu des prochaines Journées mondiales de la jeunesse (JMJ). A-t-elle la moindre chance de séduire les jeunes Australiens ?
    J’ai du mal à comprendre ce que les JMJ essaient de faire. Elles se présentent comme un événement destiné aux jeunes, avec un accent sur la jeunesse et la modernité ; mais en même temps, c’est une célébration d’un certain traditionalisme catholique. Par exemple, le Cardinal Pell [cardinal archevêque de Sydney] a demandé que la cathédrale St Mary de Sydney soit désignée comme st mary sydney.jpgun site officiel de pèlerinage, ce qui permettra à ceux qui viendront y prier pendant les JMJ d’obtenir une indulgence plénière ; des confessionnaux sont en train d’être installés dans la ville (en dépit du fait que, jusqu’aux pressions récentes de Rome pour la remise en place du confessionnal traditionnel, les Catholiques australiens ne l’utilisaient quasiment pas, préférant le « troisième rite » de la confession collective pendant la messe). Je pense que l’événement attirera des jeunes Catholiques, en particulier ceux de tendance traditionaliste, mais il semble avoir été conçu davantage pour renforcer l’identité catholique que comme une tentative pour attirer de nouveaux convertis.

    L’organisation des JMJ à Sydney mobilise-t-elle l’attention des Australiens, au-delà du seul cercle des fidèles catholiques ?
    Le principal impact de ces JMJ sur les Australiens non-catholiques est jusqu’ici négatif. Les journaux s’interrogent sur le montant des dépenses the rocks sydney.jpgengagées par le gouvernement pour l’occasion ; des routes sont bloquées et les transports publics de Sydney, déjà surchargés, seront encore plus sollicités ; on a demandé aux employés de bureau de prendre si possible une semaine de congé pour réduire les encombrements ; des lois spéciales instaurent une amende de 5000 dollars australiens pour ceux qui chercheraient à « importuner » les participants aux JMJ ; la police a dit que quiconque prendrait part à une manifestation (par exemple des groupes représentant les victimes d’abus sexuels par des prêtres) devrait au préalable soumettre pancartes et slogans pour approbation. Tout ceci nourrit les sarcasmes et l’irritation du public.
    Bien sûr, il est possible que cela change dès que le pape arrivera et que les informations négatives cèderont la place à des évènements positifs.

    Quelle est aujourd’hui l’état de l’église catholique en Australie ? Le pape lui-même semble davantage se situer dans la perspective d’une reconquête du terrain perdu (la « nouvelle évangélisation ») que dans celle d’une visite en terre conquise.
    sicdgif_logo.gifLes Catholiques australiens sont essentiellement constitués de trois vagues d’immigrants. D’abord, des bagnards et des travailleurs pauvres irlandais, suivis par le clergé et les religieux venus s’occuper d’eux ; ensuite, après la seconde guerre mondiale, des travailleurs d’Europe du Sud (des Italiens en particulier) ; et plus récemment des Catholiques du Vietnam et d’autres pays asiatiques.
    Le catholicisme est la plus importante confession d’Australie, avec environ 26% de la population, mais l’Australie est culturellement très sécularisée et seule une minorité de ces 26% assiste régulièrement à la messe. Alors que les chiffres de fréquentation des églises ont chuté depuis les années 1950 (dans toutes les confessions), cette période a été plus religieuse qu’habituellement ; depuis la colonisation européenne, la religion n’a joué qu’un rôle mineur dans la culture publique australienne et très peu ou pas du tout dans l’identité nationale. Donc, si le pape cherche à regagner le « terrain perdu », il devrait se demander si l’église a en réalité jamais eu un tel enracinement. Historiquement, les Catholiques ont souffert beaucoup de discriminations en Australie (par exemple à l’embauche) et étaient méprisés, considérés comme pauvres et sous-éduqués. Il y a eu un renversement au cours de la seconde partie du siècle dernier, avec un soutien généreux du gouvernement aux écoles catholiques, par exemple. Les Catholiques étaient aussi traditionnellement très proches de la gauche (le parti travailliste australien). En termes de votes, cela reste vrai, mais ce n’est plus aussi fort qu’au cours des dernières décennies. Mais même s’ils restent peu nombreux à pencher vers les conservateurs, les Catholiques sont maintenant fortement représentés au sein des partis parlementaires de droite.

    L’église catholique australienne est-elle de tendance plutôt conservatrice ou libérale ?
    Les deux. Ces dernières années, la tendance libérale a été prééminente, en particulier sur les questions de justice, de paix et d’environnement, les organisations catholiques ont été des voix importantes pour attirer l’attention du public sur le traitement très dur des demandeurs d’asile par le précédent gouvernement, par exemple, et ont souvent pris la défense des pauvres, des droits des travailleurs et des peuples autochtones.pell.jpg
    Néanmoins, le plus haut responsable catholique australien, l’archevêque Geogres Pell, est généralement considéré comme conservateur, surtout sur les questions théologiques mais aussi les questions sociales. Mais les différents secteurs de l’église catholique ont des orientations politiques différentes. Les voix libérales les plus éminentes viennent des ordres religieux plutôt que de la hiérarchie d’église, par exemple.
    Il faut dire aussi que même les secteurs les plus libéraux de l’église ne se distinguent pas toujours dans la défense des victimes lorsque le problème concerne l’église elle-même. On en a eu un exemple récent avec la lettre des évêques catholiques australiens condamnant unanimement un évêque retraité, Geoffrey Robinson, qui a écrit écrit un livre sur les abus sexuels dans l’église catholique.

    Peut-on dire aujourd’hui que l’Australie est une société profondément sécularisée ?
    Oui, près de 70% des Australiens déclarent une foi ou une affiliation religieuses, mais seulement une très petite proportion en fait une part centrale de sa vie. Environ 9% des Australiens disent aller à l’église chaque semaine.

    rudd.jpgDans God under Howard(1), vous décriviez les relations entre politique et religion sous le gouvernement conservateur australien dirigé jusque fin 2007 par John Howard. Le nouveau Premier ministre travailliste, Kevin Rudd, se présente quant à lui comme un fervent Chrétien, d’origine catholique, mais ne semble pas en faire un argument politique. Est-il représentatif du catholicisme australien ?
    En fait, Kevin Rudd est anglican ; il a été élevé dans la religion catholique mais il est devenu anglican à l’âge adulte (quand je l’ai interviewé en 1999, il me disait quand même que « la possibilité de se re-convertir au catholicisme reste toujours là »). Il a beaucoup parlé de sa foi, surtout avant de devenir Premier ministre. Un de ses premiers gestes pour se construire une stature de leader a  été d’écrire quelques articles de revues sur le théologien allemand luthérien Dietrich Bonhoeffer. (Je crois bien que ce doit être le premier Premier ministre australien depuis très longtemps qui puisse ne serait-ce que nommer un théologien du 20ème siècle, sans parler d’écrire un essai informé sur lui !)
    Depuis son élection, sa foi transparaît dans ses déclarations, moins explicitement qu’à travers des symboles ; par exemple en février 2008, son discours d’excuse aux « générations volées » (les Aborigènes australiens enlevés à leurs familles dès l’enfance) avait très clairement un air liturgique. Les fidèles des églises mainline ont tendance à considérer la religion comme quelque chose qui peut inspirer les décisions politiques mais dont les politiciens de doivent pas faire un usage explicite. Dans l’ensemble de l’histoire politique australienne, les politiciens ont été du même avis. L’intérêt récent pour la foi personnel de nos élus reflète une américanisation de la politique australienne et une attention croissante sur les affaires personnelles des politiciens de manière générale (mariage, vie de famille, personnalité, etc…). Sachant que seule une petite proportion des électeurs va régulièrement à l’église, il faut s’intéresser aux effets plus larges de la religiosité des responsables politiques. Dans God Under Howard, je montrais que les Australiens sécularisés apprécient un certain degré de religiosité chez leurs responsables politiques. Les politiques ont la réputation d’être cyniques et intéressés ; mais quand ils insistent sur leur identité religieuse, cela nous rassure en suggérant qu’ils sont mus par des valeurs plus élevées (même si ce sont des valeurs que très peu d’électeurs partagent dans les faits).

    L’Australie est un pays d’immigration. Les flux migratoires des trente dernières années ont-ils modifié le visage du christianisme australien et en particulier celui du catholicisme ? Plus largement, quelle place occupe la question religieuse dans les débats sur le multiculturalisme ?
    Chaque vague de migration a apporté au catholicisme australien une nouvelle dimension ethnique. Chaque vague de migration a aussi créé un groupe facilement identifiable de nouveaux arrivants qui sont devenus la cible de peurs de types raciste ou autre. En ce moment, le grand débat sur le multiculturalisme et la religion porte sur l’islam. Il y a dix ou quinze ans, il s’agissait plutôt de savoir comment les traditions religieuses des peuples aborigènes devaient être protégées par des lois contre les activités minières ou les projets économiques sur des sites sacrés. Il y a quinze ans, le point de tension était l’antagonisme entre les Catholiques et les Protestants (même si on utilisait pas alors le mot « multiculturalisme »). La religion elle-même n’est généralement pas très importante dans ces débats ; critiquer la religion est souvent une manière de stigmatiser les autres sans faire appel à la notion de race.


    1. Marion Maddox, 2005, God Under Howard. The Rise of the Religious Right in Australian Politics, Sydney, Allen & Unwin, 386 p.

     

    Photos de Sydney : Sydney Webcam.