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Anthropologie - Page 16

  • Da Vinci Code interdit à Samoa

    Les « droits fondamentaux de la personne humaine » face à l’autoritarisme des églises chrétiennes traditionnelles

    Le comité de censure des Samoa occidentales, nous apprend Tahiti Presse, a décidé ce week-end d’interdire que le film « Da Vinci Code » soit projeté dans l’unique salle de cinéma de l’archipel (le Magik Cinema d’Apia, la capitale) et loué en DVD. Selon la dépêche, cette décision fait suite à l’avis rendu par le « Conseil des églises chrétiennes », sollicité par le comité de censure. À ma connaissance, il n’existe pas aux Samoa de conseil rassemblant toutes les églises chrétiennes et il s’agit très probablement du National Council of Churches, qui rassemble les trois églises « traditionnelles » :
    - La Congregational Christian Church in Samoa (CCCS), appelée aussi lotu tahiti ("église Tahiti"), qui rassemble 35% de la population.
    - L’église catholique, soit 20% de la population.
    - L’église méthodiste (lotu tonga), soit 15% de la population.
    Les églises évangéliques et pentecôtistes, qui connaissent depuis les années 1980 une progression continue et importante, ont quant à elles créé une seconde structure fédérative, l’Evangelical Fellowship of Churches.
    Aux îles Samoa comme dans beaucoup d’îles polynésiennes aujourd’hui, les revendications de liberté individuelle s’opposent à des rappels à l’ordre communautaires (autorités villageoises) ou institutionnels (responsables d’église). Si en milieu urbain et a fortiori en situation de migration (plus de 100 000 Samoans vivent en Nouvelle-Zélande), il est plus facile d’affirmer la légitimité de choix personnels, dans les villages les changements d’affiliation religieuse en particulier suscitent encore de fortes résistances. En 2002, l’association Human Rights Without Frontiers évoquait notamment les tensions liées à la croissance des Assemblées de Dieu (7% de la population en 2001) et des cas d’expulsions de convertis.
    Le fait que des églises aient ainsi décidé d’interdire le film Da Vinci Code s’inscrit dans cette confrontation entre d’un côté des droits de l’individu à vocation universelle, une société de plus en plus plurielle, et de l’autre des églises porte-parole de la tradition chrétienne samoane qui considèrent qu’à Samoa, l’individu n’existe pas en dehors de son appartenance obligée à sa communauté d’origine et d’une soumission à ceux qui y exercent l’autorité. Cette confrontation est aussi générationnelle, l’archevêque de Samoa a d’ailleurs justifié l’interdiction du film en évoquant les jeunes, dont la foi, « moins ancrée que celle des classes les plus âgées, pourrait s’en trouver affectée ».
    Aux arguments des églises, le propriétaire du cinéma oppose le « droit fondamental de la personne humaine » de se faire une opinion, exprimant bien le fossé qui se creuse entre les jeunes générations et des églises dont le déclin relatif (au profit des Mormons – 13% de la population, des Adventistes – 4%, des évangéliques et des pentecôtistes) risque de s’accentuer dans les années à venir.

     

  • Christianisme et exotisme

    Intervention le 18 mai 2006 : "Anthropologie du christianisme en Océanie : des églises traditionnelles aux nouvelles églises"

    Qu’ils soient chrétiens ou non, beaucoup d’Européens sont habitués à considérer le christianisme comme une part exclusive de leur patrimoine culturel. Le retrouver sous les tropiques, c’est faire l’expérience un peu déroutante d’une espèce d’exotisme à l’envers : quelque chose de soudain familier (déplacé ?) dans un contexte étranger, ou au contraire une version bizarrement étrangère de quelque chose qui devrait être familier, comme une chanson de Brassens chantée en japonais.
    Pour retomber sur nos pieds, nous avons alors deux tentations : déplorer le fait que des cultures authentiques se trouvent envahies par cette religion occidentale et plaindre les chrétiens non occidentaux de s’égarer si loin de leur identité « naturelle ». Ou pister au contraire dans ce christianisme exotique tout ce qui trahit son origine locale, tout ce qui révèle une culture préservée sous le « vernis » de la conversion.
    C’est entre ces deux écueils que doit naviguer l’analyse sociologique ou anthropologique des christianismes non occidentaux, face à un renversement de situation dont on aperçoit encore mal toutes les conséquences : le christianisme est désormais – et chaque jour davantage – une religion majoritairement non occidentale et si les missionnaires sont encore souvent occidentaux, les missions chrétiennes émergentes viennent d’Asie, d’Afrique et d’Océanie. Elles ambitionnent de re-christianiser l’Occident, où les effets conjoints des migrations et de la sécularisation donnent d’ailleurs de nouvelles couleurs au christianisme.

    C’est en partant de ce constat que j’interviendrai le 18 mai prochain au (FRAO, EHESS), sur le thème « Anthropologie du christianisme en Océanie : des églises de la tradition aux nouvelles églises ».Je reprendrai les étapes suivies par les anthropologues qui, après s’en être d’abord détournés, se sont au cours des vingt dernières années intéressés aux églises chrétiennes d’Océanie. Je décrirai aussi les « vagues » successives – mormones et adventistes, puis évangéliques, pentecôtistes – qui sont venues contester la « tradition chrétienne » élaborée progressivement dans le sillage des missions du 19ème siècle. Et j’essaierai de mesurer les enjeux, pour l’Océanie, d’un pluralisme religieux qui, accentué par la globalisation des échanges et les migrations, constitue peut-être, comme l’a écrit l’historien américain Charles Forman, l’un des défis importants que les sociétés océaniennes ont aujourd’hui à relever.

    Un plan de cette intervention peut être téléchargé ici

     

    (Photo : culte dominical, Church of Melanesia de Tagabe, Vanuatu. Source : COE)
  • Hakka et protestants à Tahiti : nouvel article en ligne

    Je viens de rendre un des mes articles accessible en ligne, par le biais du système HAL : "Le pentecôtisme en Polynésie française : une histoire hakka", un article paru en 2004 dans la revue Perspectives Chinoises. Ceux qui connaissent déjà l'histoire des migrations chinoises savent que les Hakka hors de Chine forment une diaspora très importante. En Polynésie française, l'immigration a débuté en 1865, organisée par les autorités coloniales pour satisfaire les besoins de main d'oeuvre d'une entreprise de plantation.

    Voici le résumé de cet article :

    Si le pentecôtisme est aujourd’hui présent en Polynésie française comme dans l’ensemble des États du Pacifique sud, il y a suivi un chemin singulier, en s’implantant d’abord (au cours des années 1960) au sein de la communauté des immigrés chinois de culture hakka. Longtemps perçu par l’église protestante historique comme un “ protestantisme à la chinoise ”, il a d’abord donné naissance à plusieurs églises hakka, qui ont chacune élaboré des combinaisons différentes entre identité culturelle, intégration à la société polynésienne et adhésion au christianisme. Mais, de scission en scission, c’est finalement dans une église transculturelle (les assemblées de Dieu de Polynésie française) que se sont retrouvés une bonne part des convertis hakkas et de leurs enfants. L’histoire croisée du pentecôtisme et de la communauté hakka en Polynésie française témoigne ainsi, de manière tout à fait exemplaire, de la constitution progressive d’une société plurielle (multiculturelle et multiconfessionnelle), en tension entre l’appartenance de tous (ou presque) au christianisme et les identités culturelles de chacun.

    Vous pouvez le lire en cliquant ici ou sur "Une histoire hakka" dans la colonne de gauche. Bonne lecture.