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moorea - Page 2

  • Pain ou coco en mars sur Polynésie 1ère

    pain ou coco 6b.jpgLa diffusion du film documentaire "Pain ou coco, Moorea et les deux traditions", que nous avons réalisé Gwendoline Malogne-Fer et moi, est annoncée le 3 et le 5 mars 2011 sur Polynésie 1ère (nouveau nom de RFO Polynésie), dans le magazine Patitifa animé par Gilles Marsauche.

    Je vous en parlais ici en avril dernier, après le tournage: ce film donne la parole aux habitants de Moorea, membres des paroisses protestantes des villages de pain ou coco 2b.jpgPapeotai et de Haapiti ou de l'église protestante dissidente de Papetoai, pour cerner les enjeux d'une histoire qui a débuté en 1999. Cette année-là, en effet, la paroisse de Papetoai s'est divisée en deux, entre partisans et opposants de la "sainte-cène ma'ohi": un changement des éléments de la cène (la communion protestante), le pain et le vin étant remplacés par de l'eau et de la chair de noix de coco.

    Pain ou coco? La question dépasse le cadre des débats de théologiens et renvoie à l'articulation complexe entre le christianisme - présent en Polynésie française dès la fin du 18ème siècle, avec l'arrivée des premiers missionnaires en 1797 - et la culture locale. Onze ans après la scission,  le documentaire revient donc sur la vie quotidienne des habitants de ces villages qui, chacun à leur manière, tentent de concilier culture IMG_3213-bis.jpgpolynésienne et héritage chrétien: en version "renouveau culturel ma'ohi" pour la paroisse protestante de Papetoai (avec guitares, ukulele et pareo) ou en version "traditionnelle" pour les dissidents de Papetoai et la paroisse protestante voisine de Haapiti (chants a capella, pantalons, robes longues et chapeaux pour les femmes). Le film montre notamment comment le tourisme, à travers le Club Med (implanté à Moorea jusqu'en 2001) a lui aussi participé indirectement à l'évolution des représentations locales de la culture, jusque dans les temples protestants.

    A l'occasion de cette diffusion, nous avons mis en ligne un nouvel album photo,  intitulé lui aussi "Pain ou coco", qui présente quelques photos du tournage.

     

    P.S. (mise à jour). "Pain ou coco" est de passage à Wallis et Futuna le 20 mars (Wallis et Futuna 1ère), à la Guadeloupe (prochaine rediffusion le 23 mars, sur Guadeloupe 1ère) et en Nouvelle-Calédonie le 31 mars à 20h (rediffusion dimanche 3 avril à 9h42), sur Nouvelle-Calédonie 1ère. A St Pierre et Miquelon, ce sera le 30 avril à 18h24.

  • Pain ou coco ? On tourne à Papetoai

    EPM papetoai.jpgLe temple du village de Papetoai, au  nord-est de l'île de Moorea, est un des lieux emblématiques de l'histoire du protestantisme en Polynésie. D'abord, parce qu'il s'agit du premier bâtiment en pierre construit par les missions chrétiennes en Océanie, en l'occurence les protestants de la London Missionary Society, arrivés à Tahiti en 1797. IMG_3237.JPGSa forme octogonale évoque à la fois la couronne royale (rapellant ainsi l'alliance scellée entre le roi Pomare II et les missionnnaires) et la légende de la pieuvre aux huit tentacules dont on dit qu'elle veille sur Moorea depuis les hauteurs du mont Rotui. Le temple de Papetoai est aussi devenu depuis plus de dix ans  l'un des lieux où la revendication d'un protestantisme autochtone (ma'ohi) émancipé de l'influence missionnaire occidentale s'est exprimée le plus fortement: noix de coco.jpgle dimanche matin à Papetoai, on danse au son des 'ukulele et le pain et le vin ont été remplacés par la chair de coco ou le 'uru (fruit de l'arbre à pain) et l'eau de coco. Ce changement des éléments de la cène a conduit en 1999 à une scission, avec la création d'une église dissidente rassemblant les paroissiens attachés à la "tradition protestante": le pain et le vin, mais aussi les chants a capella, les robes missionnaires et la veste pour les diacres et les pasteurs.

    C'est cette histoire qui sert de fil conducteur au film documentaire dont Gwendoline Malogne-Fer et moi avons tourné les images à Moorea entre mi-février et  début mars, avec une équipe de RFO Polynésie (coproductrice du film avec Wapiti Production).

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    La cène en version coco, pratiquée aujourd'hui par quelques paroisses de Polynésie française, est une déclinaison locale d'un mouvement amorcé dans le Pacifique au cours des années 1960-70 autour du Pacific Theological College de Fidji - une institution fondée en 1966 par la conférence des églises du Pacifique (protestantes historiques et anglicanes). C'est là que des théologiens océaniens, en particulier le méthodiste tongien Sione Amanaki Havea, ont élaboré une nouvelle "tradition" en prônant une sorte de décolonisation théologique au travers d'une réhabilitation des cultures autochtones comme moyen d'expression de la foi chrétienne.

    IMG_3032.JPGLa paroisse de Papetoai n'a pas attendu que ce type de discours se diffuse dans les îles de Polynésie française, au cours  des années 1980, pour défendre la langue et la culture locales. Dès 1977, un pasteur des îles Cook, le pasteur Piho (envoyé à Papetoai dans le cadre d'échanges avec son église d'origine, la Cook Islands Christian Church) avait créé un groupe de danse paroissial, les Swing Boys, rebaptisé depuis Tamarii Papetoai ("les enfants de Papetoai"). Mais pas question de danser dans le temple ! Le pasteur maintenait dans le même temps la discipline héritée des missionnaires occidentaux, soucieux d'endiguer la "nature païenne" polynésienne et de domestiquer les corps.

    En revanche, le groupe se produisait régulièrement dans les hôtels, pour récolter des fonds finançant les projets de construction de la paroisse. Car musiciens club med.jpgà Moorea, l'une des trois grandes destinations touristiques de Polynésie française (avec Tahiti et Bora Bora), il n'est pas rare que culture et tourisme se rencontrent, avec des effets parfois inattendus. Le Club Méditerranée de Moorea, ouvert au début des années 1960 entre les villages de Papetoai et Haapiti, a ainsi été jusqu'à sa fermeture en 2001 le principal employeur local. Et les joueurs de 'ukulele de la paroisse protestante sont tous des anciens du Club. Les "GO" polynésiens - animateurs, musiciens, danseurs -  qui ont fait de la représentation de leur culture un métier à part entière ont aussi soutenu le retour de la culture dans le temple.

    IMG_2802.JPGLa culture est-elle plus authentique si on la maintient à l'écart du temple et l'héritage missionnaire doit-il demeurer le socle immuable de la  tradition - protestante et polynésienne ? Ou faut-il passer par une réappropriation militante de la culture dans le temple pour sauvegarder l'identité culturelle autochtone, quitte à prendre quelques libertés avec les formes traditionnelles de la culture ?  Ces questions que se posent les protestants de Papetoai IMG_3175.JPGseront évoquées dans le documentaire au fil de la quinzaine d'entretiens que nous avons filmés. Des responsables d'église et le sénateur Richard Ariihau Tuheiava (qui a grandi à Papetoai où son père était directeur de l'école primaire) nous ont également donné leur point de vue et nous avons rendu visite aux paroissiens du village voisin de Haapiti, qui n'ont pas adopté les changements expérimentés à Papetoai. Au-delà des églises, ces relations compliquées entre christianisme, culture et tradition sont l'occasion d'évoquer la vie quotidienne des habitants d'un village polynésien d'aujourd'hui, en les suivant par exemple à la pêche ou dans les plantations.

    Le montage est prévu dans quelques mois, pour une première diffusion probablement vers la fin 2010.

     

    Photos G. Malogne-Fer, sauf musiciens du Club Med: FortOgden Image Library.

  • Nouvel album : tour de l'île et aperçu de la diversité religieuse à Moorea

    medium_catholiques_haapiti.jpgLors du recensement de 1971 – le dernier prenant en compte les appartenances religieuses – la population de Moorea était à 80% protestante, membre de l’église évangélique de Polynésie française (église protestante ma’ohi depuis 2004). Les catholiques représentaient 13,3% et les autres églises rassemblaient à peine 200 personnes, sur les 5058 habitants que comptait l’île : 120 adventistes, 62 mormons (église de Jésus-Christ des saints des derniers jours) et 13 sanito (église réorganisée de Jésus-Christ des saints des derniers jours). Pas de témoins de Jéhovah recensés, ni de pentecôtistes, un seul « protestant dissident » et 1,5% de « sans religion ».

    Aujourd’hui, Moorea compte près de 15000 habitants (14163 selon le recensement de 2002), presque trois fois plus qu’en 1971. C’est une île touristique, la seconde en termes de fréquentation, derrière Tahiti et devant Bora Bora : 61% des touristes en Polynésie française y passent au moins une nuit, soit environ 120000 visiteurs par an, essentiellement français et nord-américains. C’est aussi une île qui a connu, comme l’ensemble des îles de Polynésie française, une diversification rapide des appartenances religieuses à partir des années 1980. L’album « Moorea, tour de l’île », réalisé avec Gwendoline Malogne-Fer en février 2007, donne un aperçu de cette diversification à travers sa partie la plus visible, la plus immédiatement repérable : les lieux de culte publics qui jalonnent les 60 kilomètres de route entourant l’île.

    - Première constatation, la croissance de certains villages où se concentrent à la fois la population et les lieux de culte, comme à Haapiti, sur la côte sud-est, qui compte 3463 habitants au recensement de 2002 (1153 en 1977) et des églises de cinq confessions différentes, ou dans la vallée de Pao Pao, au nord.

    medium_EPM_papetoai.jpg - On note aussi la prédominance des temples protestants, les plus nombreux, à quoi il faut ajouter les fare ‘amuira’a, lieux de réunions des sous-groupes paroissiaux (‘amuira’a) organisés selon un découpage territorial : on en compte entre deux et quatre par paroisse – il y a cinq paroisses à Moorea. La particularité du protestantisme à Moorea tient à l’influence, plus forte ici qu’ailleurs, du renouveau théologique et culturel diffusé par la commission d’animation théologique de l’EPM. Ces travaux théologiques mettent l’accent sur le retour à la terre et à la culture ma’ohi, qu’une tradition héritée des premiers missionnaires a selon eux refoulées hors du protestantisme, niant ainsi l’identité profonde (iho tumu) des Polynésiens. Ils se sont traduit concrètement par l’introduction de la célébration de la sainte cène avec des éléments locaux comme le taro, le ‘uru (fruit de l’arbre à pain) ou la noix de coco. D’autres innovations sont directement inspirées de cette réflexion théologique et suscitent moins de réserves : l’introduction dans le temple des instruments de musique, de fleurs ou l’allègement des vêtements portés par les pasteurs et des diacres (paréo, chemises aux motifs polynésiens au lieu de la veste occidentale). Les paroisses les plus engagées dans le renouveau théologique et liturgique sont celles de Moorea*. Mais toutes les paroisses ne partagent pas cet engouement, comme celle de Haapiti où à Papetoai, où cette question a conduit en 1999 à une scission. Une partie des paroissiens de Papetoai (Moorea), qui refusaient que la sainte cène soit célébrée avec de l’eau de coco et le fruit de l’arbre à pain, ont en effet quitté l’église et rejoint un mouvement protestant dissident animé par un pasteur de Raiatea démis par l’église en 1995.

    medium_mormons_afareiatu.jpg - Ensuite, à Moorea comme dans beaucoup d’îles, on remarque le nombre et l’aspect récent des temples mormons, plus précisément ceux de l’église de Jésus-Christ des saints des derniers jours. Il existe en effet en Polynésie française – où les missions mormones se sont implantées dès 1844, à Tubuai (îles Australes) puis aux Tuamotu – deux églises mormones. La seconde, église réorganisée de Jésus-Christ des saints des derniers jours, appelée couramment « sanito » (« saint ») et qui se présente aujourd’hui sous le nom de « communauté du Christ », se contente de lieux de culte modestes et privilégie les réunions à domicile. Tandis que la première (6,5% de la population polynésienne environ, contre 3,6% pour les sanito) multiplie les constructions et les rénovations de temples. Le 22 novembre 2005, La Dépêche de Tahiti titrait ainsi en une « Un milliard FCFP [8,4 millions d’euros] investi en 2005, Mormons : toujours plus d’églises ».

    medium_temoins_haapiti.jpg - Si les Mormons étaient déjà présents en 1971, deux nouveaux mouvements religieux ont depuis fait leur apparition à Moorea : les témoins de Jéhovah, implantés en Polynésie française depuis la fin des années 1950 et qui ont construit une salle du royaume à Haapiti ; et les pentecôtistes, avec une église des assemblées de Dieu dans la vallée de Paopao. Ces assemblées, apparues officiellement en 1982 à Tahiti, n’ont lancé des campagnes missionnaires à Moorea que sept ans plus tard, en 1989. Entre-temps, des assemblées avaient ouvert aux Iles Sous-le-Vent à Huahine (en 1984) et à Raiatea en 1985. Mais l’organisation de ces campagnes et l’ouverture d’églises dépend moins souvent de la proximité géographique que des réseaux de relations disponibles : en 1989, c’est grâce à l’invitation d’une convertie fréquentant l’assemblée de Tahiti qu’une campagne missionnaire a pu être organisée à Moorea. Les premières conversions ont eu lieu à Maatea, au sud de l’île, où existe encore aujourd’hui une cellule de maison, qui se réunit chaque semaine dans une salle aménagée près de la maison d’un membre de l’église.
    - Aux lieux de culte visibles, il faudrait en effet ajouter, pour mesurer plus précisément la diversité religieuse à Moorea, tous les endroits où se réunissent régulièrement des groupes pentecôtistes locaux, au sein des assemblées de Dieu comme à Maatea ou en dehors d’elles : on en compte au moins deux sur l’île, animés par d’anciens pasteurs des assemblées. Au-delà du pentecôtisme, plusieurs mouvements, peu importants, moins institutionnalisés ou plus discrets échappent eux aussi à l’observateur qui ne repère que les lieux de culte publics. C’est sans doute le cas de la foi bahá’í. À l’occasion d’un détour par Temae, au nord-ouest, on aperçoit aussi un bâtiment annonçant une assemblée du « Nouvel Israël » (Iseraela Api). D’autres groupes, que les sociologues classent dans la catégorie des « nouveaux mouvements religieux (NMR) » ou « mystiques-esotériques », sont aussi présents en Polynésie française et vraisemblablement à Moorea : New Age, néo-hindouïsme, etc... sans oublier des groupes surveillés par les pouvoirs publics car considérés comme « sectaires » (Mandarom, scientologie, raëliens notamment).

    * G. Malogne-Fer, 2006, « L’émergence d’une théologie de la libération au sein de l’église évangélique de Polynésie française », The Pacific Journal of Theology (Fidji) n°35, pp. 84 à 108.