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océanie - Page 13

  • Diasporas asiatiques dans le Pacifique : état des lieux

    À l’invitation du réseau Asie-IMASIE, un atelier en deux parties (1 et 2) sur le thème «diasporas asiatiques dans le Pacifique, histoire des représentations et enjeux contemporains» aura lieu le 26 septembre prochain à Paris, dans le cadre du congrès biannuel du réseau. L’occasion de faire un premier état des lieux des recherches sur ces communautés d’origine asiatique du Pacifique, souvent figures idéales de l’étranger symbolisant un ensemble d’évolutions qui les dépassent: globalisation économique, pluralisme culturel et religieux, migrations et urbanisation. Petit tour d’horizon.

    933a12904d9e1781873e95853ba91cf7.jpg Le dernier rapport de l’UNFPA, le fonds des Nations-Unies pour les populations, souligne que l’Océanie est aujourd’hui la région du monde qui compte le taux le plus important de migrants (15,6%), concentrés en Nouvelle-Zélande et en Australie. La Nouvelle-Zélande, dont nous parlera Paola Voci, enseignante en langues et cultures chinoises à l’université d’Otago (Dunedin), comptait au recensement de 2006 9,2% de sa population d’origine asiatique, dont les deux tiers vivent dans la région d’Auckland. La plus importante communauté est chinoise – 147570 personnes et une augmentation de 40,5% entre 2001 et 2006 – devant les Indiens (104583, +68,2%) et les Coréens (30792, +61,8%). Les politiques migratoires néo-zélandaises expliquent en partie la grande diversité religieuse observable dans une société où une personne sur quatre se déclare pourtant sans religion : bouddhistes, hindous, sikhs, mais aussi églises chrétiennes coréennes ou samoanes, etc… une mosaïque culturelle qui se combine avec la multiplicité des courants protestants (voir par exemple ma note du 16 août 2006 sur les communautés darbystes).
     
    À Fidji, comme je l'expliquais dans une note du 11 décembre dernier, les coups d’État survenus depuis 1987 ont tous à voir avec la 34763013c52ff599f2a83b1a86945efe.jpgcoexistence dans ce pays – dans une proportion proche de 50/50 – de Fidjiens d’origine autochtone («ethnic Fijians») à 99% chrétiens et de Fidjiens d’origine indienne («Indo-Fijians»), dont la présence remonte à la fin du 19ème siècle, lorsque les Britanniques sont allés chercher en Inde la main d’œuvre pour les plantations de cannes à sucre. Ceux-ci sont très majoritairement hindous, avec environ 15% de musulmans et quelques chrétiens. Certaines églises chrétiennes, comme l’église méthodiste, qui rassemble 36% de la population (66% des Ethnic Fijians), défendent aujourd'hui une conception de l’identité fidjienne fondée sur la terre (les Indo-Fidjiens n’ont pas le droit d’être propriétaires fonciers), les traditions et le christianisme. En prônant l'instauration d'un État chrétien, elles cherchent à exclure les Indo-fidjiens du pouvoir et considèrent parfois, sous couvert de "réconciliation", que la seule manière de donner au pays une unité nationale serait de convertir ces derniers au christianisme.

     

    Les communautés chinoises du Pacifique, souvent très présentes dans le commerce (dans beaucoup d'îles de Polynésie française, aller au magasin se dit "aller chez le Chinois"), ont longtemps été stigmatisées par les autorités coloniales (et parfois religieuses) ou les populations locales, surtout en période de crise économique. Pendant l'entre-deux-guerres, les milieux coloniaux français de Tahiti ne cessaient d'agiter le "péril chinois", mettant en avant la "cupidité agressive" des Chinois, face à b6ae7ae04303f9a6343e19880d10c0a1.jpglaquelle le peuple polynésien - "une race primitive, naïve, enfantine", écrivait l'abbé Rougier - serait sans résistance. Des  réflexions que l'on peut malheureusement encore entendre, sous des formes à peine différentes, au détour de quelques conversations d'aujourd'hui. L'histoire des Chinois de Tahiti, majoritairement de culture hakka, a donné lieu à de nombreuses publications et travaux universitaires, les plus récents étant le livre de B. Saura, Tinito (Au Vent des îles, 2002), Identité Hakka à Tahiti d'E. Sin Chan (Teite, 2005) - qui participera à l'atelier - ou encore la thèse de A.-C. Trémon, "Les Chinois en Polynésie française. Configuration d'un champ des identifications", soutenue en 2005 à l'EHESS. Au cours de mes recherches sur le pentecôtisme en Polynésie française, je me suis moi-même intéressé aux circonstances de l'implantation du pentecôtisme, au début des années 1960, au sein de la communauté hakka de Tahiti, qui a été à l'origine de la première église pentecôtiste polynésienne, l'église Alléluia (voir l'article "Le pentecôtisme en Polynésie française, une histoire hakka"). L'église catholique a par ailleurs créé pour les Polynésiens de culture chinoise une paroisse extra-territoriale, dans le sillage du concile Vatican II qui prônait une meilleure prise en compte des langues et des cultures locales.

     

    Dans beaucoup d'îles, les commerçants chinois ont servi d'exutoire lors de tensions politiques: les manifestations contre le gouvernement tongien et son refus de procéder à des réformes démocratiques significatives, en novembre 2006 (voir aussi ma note du 13 septembre 2006), ont frappé les magasins chinois du centre-ville de Nuku'alofa, la capitale. À Honiara, capitale des îles Salomon, plusieurs centaines de commerçants chinois avaient connu le même sort en avril 2006, comme le rappelle P. de Deckker dans un article paru 3140c5d9863da4a298a661c8259896cf.jpgen juin dernier dans le magazine Tahiti Pacifique: les manifestants les accusaient d'avoir financé la campagne électorale du premier ministre élu, qui dût finalement démissionner.

    D'autres communautés asia- tiques paraissent moins exposées et ont moins mobilisé l'attention des chercheurs. Nous aurons l'occasion de les évoquer, avec les interventions de J.-L. Maurer, auteur en 2006 d'un livre intitulé Les Javanais du Caillou. Sociologie historique de la communauté indonésienne de Nouvelle-Calédonie (Maison des sciences de l'homme), Dominique Jouve qui s'est intéressée aux représentations des Javanais et Vietnamiens de Nouvelle-Calédonie dans la littérature et Virginie Riou, qui après une thèse à l'EHESS sur colons français des Nouvelles-Hébrides (actuellement Vanuatu), s'intéresse désormais aux parcours des travailleurs tonkinois sous contrat et de leurs descendants du début des années 1920 à nos jours.

     

    Enfin, les micro-États du Pacifique sont au coeur d'enjeux diplomatiques et économiques concernant les relations entre l'Occident et les puissances asiatiques ainsi que la rivalité entre la Chine continentale et Taiwan, qui se disputent notamment le soutien des Océaniens à l'ONU. Fabrice Argounes, doctorant à Science Po Bordeaux, et Sarah Mohammed-Gaillard nous en parleront lors de l'atelier de septembre prochain. Selon le recensement établi par P. de Deckker dans son article cité plus haut, "Taiwan bénéficie actuellement du soutien des îles Marshall, Kiribati, Palau, Tuvalu et les îles Salomon", ce qui représente un cinquième de ses soutiens et après avoir perdu ceux de Tonga (en 1998), de Nauru (en 2002) et avoir espéré en vain celui du Vanuatu (en 2004). Rude concurrence, qui se joue aussi à travers les suventions accordées à des économies insulaires souvent fragiles.

     
     
     
    * Illustrations (de bas en haut): fête de la communauté chinoise à Auckland (Nouvelle-Zélande) ; temple hindou à Nandi (Fidji) ; Nouvel An chinois à la cathédrale Maria No te hau de Papeete (Tahiti) ; magasin chinois de Tahiti - pour les amateurs, cette photo fait partie d'une série de 25 photos remarquables, à voir sur le blog "Tahitian Guy".
  • Histoire des missions chrétiennes en Océanie (2): missions polynésiennes

    c3a123368d1ded6be2b130a97e79a7ae.jpgVoici comme promis un aperçu du second versant de l’histoire des missions chrétiennes en Océanie, qui met en scène des missionnaires océaniens ayant contribué, d’abord en appui des missions européennes puis au nom d’églises océaniennes devenues autonomes (jusqu’aux années 1980 dans certaines régions), à la diffusion du christianisme dans les îles du Pacifique.

    Les missionnaires d’Océanie, le plus souvent polynésiens, sont au départ décrits par les observateurs européens non comme des missionnaires à part entière mais comme des native teachers, auxiliaires des missions européennes qui débutent essentiellement (mises à part quelques incursions catholiques isolées) à la fin du 18ème siècle avec l’arrivée à Tahiti de la London Missionary Society (LMS) protestante.
    Au 20ème siècle, ils prennent progressivement en charge des églises locales dans l’ensemble des îles du Pacifique, instaurant avec les populations locales des relations faites d’échanges culturels et parfois de rapports de domination.

    Missions polynésiennes en Papouasie Nouvelle-Guinée
    abca847c20791e73dd77be68babe8f0e.jpg Selon les statistiques de la LMS, presque la moitié des missionnaires et de leurs épouses sont morts ou ont été tués entre 1871 et 1885. Ils viennent des îles Loyauté, des îles Cook, de Niue (à partir de 1874), des îles de la Société (1878) et de Samoa (1884). La Wesleyan Methodist Mission envoie elle aussi en Papouasie Nouvelle-Guinée des missionnaires tongiens (les Tongiens qui avaient auparavant, à partir de 1835, déjà contribué à l’implantation du méthodisme à Fidji et Samoa), des Samoans et des Fidjiens. Ils arrivent en Nouvelle-Guinée à partir de 1875, en Papouasie à partir de 1891, aux Salomon en 1902, puis dans les montagnes des Highlands au cours des années 1960. Dans les années 1970, cette mission méthodiste s’associe à l’église unie de Papouasie Nouvelle-Guinée et Salomon pour envoyer des missionnaires chez les aborigènes des territoires du nord de l’Australie.
    Les principales difficultés rencontrées par ces missionnaires océaniens sont liées à des maladies inconnues en Polynésie et à Fidji, comme la malaria. Leurs relations avec les populations locales sont ambivalentes : plus faciles que les relations entre missionnaires européens et Mélanésiens, mais pas sans tensions. Plusieurs auteurs évoquent en particulier des tensions avec les Tongiens et les Samoans, pour deux raisons:
    - D’abord, des préjugés culturels. Beaucoup de missionnaires tongiens et samoans étaient au début du 20ème siècle convaincus de leur supériorité physique, mentale et culturelle sur les Mélanésiens, un sentiment renforcé par la conviction d’apporter « la lumière à des peuples dans l’obscurité ».
    - Ensuite, les pasteurs samoans bénéficient, dans les villages samoans, de beaucoup d’autorité, d’attention et de dons de la part des membres d’église. Certains d’entre eux s’attendaient à pouvoir instaurer ce type de relations avec les populations de Papouasie Nouvelle-Guinée, et ont suivent suscité des résistances.
    Il semble en revanche qu’il y ait eu moins de tensions avec les Fidjiens, les mariages entre hommes fidjiens et femmes mélanésiennes étant assez courants, en particulier chez les missionnaires veufs.
    Et puis ces missionnaires ont contribué à introduire de nouvelles habitudes : ils ont enseigné de nouveaux chants, que l’on peut entendre encore aujourd’hui dans ces églises, chants en grande partie inspirés par ceux des églises de Polynésie. Ils ont introduit de nouvelles méthodes de culture, de nouvelles utilisations des plantes, du pandanus, de la fibre de coco. Ils ont diffusé de nouveaux sports comme le rugby et le cricket. Ils ont influencé le style des habitations. Sur l’île de Misima par exemple, au sud-est de la Papouasie Nouvelle-Guinée, on trouve des maisons de style tongien. Le plus souvent, c’est le style fidjien qui a été adopté.

    Histoire de Turaliare Teauariki, missionnaire des îles Cook en Papouasie (1963-1975)
    8883699f5f8e5491d63082f95c08d460.jpg T. Teauriki est l’un des derniers missionnaires polynésiens envoyés en Papouasie par une église protestante historique. Son récit a été publié en 1996 par Doug Munro et Andrew Thornley dans un livre intitulé The Covenant Makers, Islander Missionaries in the Pacific (PTC et University of South Pacific, Suva, Fidji).
    En 1962, T. Teauariki est pasteur à Penrhyn, dans les îles du nord des Cook. Il est devenu pasteur à l’âge de 35 ans, après une formation au Takamoa College de Rarotonga – l’école pastorale de la Cook Island Christian Church (CICC), issue de la LMS.
    Quand son épouse et lui partent en 1963, il n’y a plus eu de missionnaires des îles Cook en Papouasie depuis 40 ans et ils y sont les seuls missionnaires océaniens non samoans. Le voyage jusqu’au village reculé de Rouku, dans la région de Morehead River, comprend plusieurs étapes, au cours desquelles il leur est systématiquement rappelé que là où ils vont, les « gens sont sauvages et il y aura des difficultés et des maladies ».
    Après trois mois de formation à Rarotonga, ils prennent le bateau jusqu’aux Samoa puis l’avion pour Sydney, où T. Teauariki suit des cours à l’Australian School of Pacific Administration, l’école de formation des officiers gouvernementaux australiens (Son épouse reçoit une formation en puériculture et infirmerie). Troisième étape, à Port Moresby: un missionnaire blanc en poste depuis 20 ans leur enseigne la langue Motu. À nouveau, on les met en garde: trois pasteurs locaux ont dû quitter la région, « ils ont dit que les gens étaient très sauvages et qu’il y avait beaucoup de dangers ». Quatrième étape, Daru, capitale de la province occidentale, au sud, où des gens de la Morehead River leur apprennent leur langue. Enfin, arrivée à Morehead, où ils sont accueillis par le Patrol Officer australien – c’est lui qui a demandé à l’église locale, la Papua Ekalesia, d’envoyer un couple missionnaire pour le village de Rouku, où ils se rendent en pirogue.
    «Dès le départ – écrit T. Teauriki –, j’ai décidé de vivre près des gens. Quand j’ai vu leur mode de vie, j’ai laissé de côté toutes les leçons que j’avais prévu de leur enseigner parce que j’ai vu que ça ne voudrait rien dire pour eux. Au départ, je n’ai pas essayé de leur donner une éducation chrétienne. J’ai juste essayé de devenir amis avec eux. Je leur ai rendu visite dans le bush parce que c’est là qu’ils étaient toujours. Je m’asseyais avec eux et j’écoutais les hommes parler entre eux pour mieux apprendre leur langue. Je passais mes journées dans le bush. Le matin et le soir, j’avais des prières familiales à la maison et certains d’entre eux venaient et s’asseyaient avec nous. Mais ça ne les intéressait pas longtemps et parfois ils partaient avant la fin
     
    Il voulait leur apporter «la vie», il réalise qu’il doit surtout apprendre à vivre avec eux et comme 776ee61087c27090646efafa9991c0b2.jpgeux: «personne ne m’a prévenu que ma première idée était fausse»… Plusieurs caractéristiques de la vie à Daru lui paraissent devoir être «civilisés» et on voit concrètement comment les missionnaires polynésiens intro- duisent des changements dans les modes de vie:

    - "propreté". « Donc nous avons mangé avec les gens même si la nourriture était sale et que rien n’était lavé. Nous les avons invités à manger avec nous. Au début, Mama [son épouse] voulait que je les emmène à la rivière laver leurs mains avant de manger, mais j’ai dit que nous devions être patients et les laisser manger avec les mains sales ».
    - Accouchement et soins des bébés. Son épouse invite les femmes à accoucher chez elle plutôt que dans le bush (de peur que les esprits d’un enfant mort-né ne hantent le village), quelques unes acceptent mais la plupart refusent. Elle leur apprend à laver régulièrement les bébés.
    - Tressage et couture. - Son épouse vit avec les femmes, mais évite le bush de peur des serpents. Elle leur apprend à fabriquer des objets tressés en pandanus, fibres de coco et autres plantes, ainsi que la couture, un grand classique de l’action missionnaire en direction des femmes.
    - Pacification. Quand il visite les autres villages, accompagné par un Daru qui a vécu cinq ans à Port Moresby, voici comment T. Teauriki se présente :
    «Je leur disais que j’étais envoyé là par la Papua Ekalesia et que j’étais venu de Rarotonga pour apporter l’évangile. Je disais que j’étais réellement envoyé par Dieu, par le biais de l’église, et que je leur apportais la Bible. Je leur disais qu’eux et moi étions un seul peuple et que Dieu nous a fait un, et que j’étais venu pour les aider à ne faire qu’un seul peuple avec leurs voisins des autres villages.»
     
    Il a par la suite occupé plusieurs postes, dont celui de superintendent du district de Daru, en 1966 après un intérim assuré par un Samoan (époque où les missionnaires polynésiens accèdent aux responsabilités occupées jusque-là par des Occidentaux). En 1969, on annonce que la Papua Ekalesia a décidé de ne plus faire appel à des missionnaires océaniens et qu’ils n’ont plus droit qu’à un seul séjour de 6 ans. Il rentrent fin 1975, le successeur de T. Teuariki) à la tête du district de Morehead est un Papou.
    Son récit est écrit dix ans plus tard, en 1985. Il termine en évoquant les liens établis entre Cook Islanders et Papous:
    «Nous avons été heureux de voir que beaucoup de Papous dont les ancêtres ont reçu les premiers missionnaires des îles Cook souhaitent maintenir un lien avec notre église. En 1982, environ 50 d’entre eux sont venus visiter Rarotonga. En 1984, 147 sont venus. Il est maintenant prévu d’en envoyer encore 147 en décembre 1985. Chaque fois, ils restent deux semaines, comme invités de notre église
     

    Pasteurs samoans à Tuvalu, 1865-1899
    656e5148fa23faaeebaf18f5821609cc.jpgDernière histoire de missionnaires polynésiens, cette fois en Polynésie, sur l’atoll de Tuvalu. L’introduction du christianisme sur cet atoll est attribuée à un Cook Islander de la LMS, Elekana, diacre de Manihiki, qui fait naufrage en 1861 au sud de Tuvalu. Formé ensuite au Malua College, il fait partie de l’expédition de 1865 avec le missionnaire Murray et deux «teachers» samoans. À son arrivée, Murray remarque qu’il y a déjà une chapelle, que les Tuvalu ont une bible en anglais et connaissent trois chants dont deux en anglais, sans doute du fait d’un Hawaiien ayant résidé sur l’île.
    Aucun missionnaire européen n’a jamais résidé durablement à Tuvalu, la mission a été prise en charge par des missionnaires polynésiens, essentiellement samoans.
    On retrouve à Tuvalu les mêmes récits qu’en Papouasie Nouvelle-Guinée sur les attentes des pasteurs samoans vis à vis des paroissiens de Tuvalu, avec l’instauration d’un véritable régime LMS samoan : l’église de Tuvalu est un district de Samoa et les pasteurs samoans accumulent plus d’autorité et de richesses que les chefs locaux. La volonté des Tuvalu de  dé-samoanise » leur église ne se réalise qu’après la seconde guerre mondiale : en 1947, un pasteur tuvalu demande à l’église213942c4a8ade5c8ca4a10999ae423e8.jpg samoane de rapatrier ses pasteurs, retrait qui débute six ans plus tard.L’église indépendante de Tuvalu, Ekalesia Kelisiano Tuvalu, qui rassemble aujourd’hui 93% de la population, est fondée en 1969.
     
     
     
     
     
     
    Illustrations
    En-tête: Mathias Kauage, The first missionary (1977, National Gallery of Australia).
    Noir et blanc: "Young People with  Maiva Shields", Port Moresby 1881-1189, l'une des premières photos de la côte papoue, prise par  un missionnaire de la LMS, le Rev.  W.G. Lawes (Peabody Museum).
    Cérémonie papoue et Tuvalu (Vaitupu Island et Niulakita Island): superbes photos de Peter Bennets.
    Homme à la pirogue (Papouasie occidentale, Fly River): pacificislandtravel.com
     

  • Nouveautés en ligne et à paraître

    Je viens de mettre en ligne (liste "à lire en ligne") un article co-écrit avec Gwendoline Malogne-Fer et paru en 2002 dans la revue Hermes (32-33, la France et les Outre-mers, l'enjeu multiculturel) sur le thème "christianisme, identités culturelles et communautés en Polynésie française". En voici le résumé :

    L’appartenance religieuse est en Polynésie française un repère identitaire essentiel. Identités religieuse, familiale et insulaire étaient autrefois largement indissociables. Du fait de l’évolution économique et sociale et de la diversité des églises aujourd’hui représentées, cette combinaison est aujourd’hui plus incertaine, plus malléable. Dès lors, l’incorporation du christianisme aux cultures communautaires de Polynésie suppose une redéfinition, par les églises qui s’y engagent, des identités culturelles qu’elles entendent respecter. C’est en particulier le cas des deux églises historiques dominantes. La théologie de l’église évangélique de Polynésie française tend à réinterpréter la culture ma’ohi pré-missionnaire comme une sorte de « christianisme primitif ». Quant à l’église catholique, en requalifiant des pratiques traditionnelles chinoises comme « culturelles », elle permet à la communauté chinoise de concilier christianisme et fidélité à la lignée ancestrale.
     
    J'en profite pour vous signaler trois choses :
    D'abord, une présentation de ce blog et de mon livre Pentecôtisme en Polynésie française, l'évangile relationnel, suivie d'un entretien sur le site Religioscope.
     
    Et puis deux publications prévues en juin 2007 dans les revues Anthropologie et Sociétés et Social Compass dont voici les résumés :
     
    Anthropologie et Sociétés, Salut personnel et socialisation religieuse dans les assemblées de Dieu de Polynésie française
    Un des paradoxes du pentecôtisme semble reposer sur sa capacité à promouvoir à la fois individualisme et communautarisation. Cet article, fondé sur une étude extensive de la socialisation opérée par les Assemblées de Dieu polynésiennes, s’efforce de dénouer cette contradiction. Il montre comment un travail institutionnel « invisible » permet aux croyants d’établir une continuité symbolique entre l’autonomisation vis-à-vis des structures traditionnelles d’encadrement qui a précédé leur conversion et leur intégration à une communauté religieuse exigeante au sein de laquelle les contrôles communautaires et institutionnels sont subjectivement vécus comme des relations personnelles « enchantées » avec Dieu.
     
    Social Compass, Pentecôtisme et modernité urbaine: entre déterritorialisation des identités et réinvestissement symbolique de l’espace urbain
    Si le pentecôtisme apparaît comme une religion de la mobilité en affinité avec la sociabilité urbaine contemporaine, la ville est plus souvent présentée par les prédicateurs pentecôtistes comme « inhumaine », sous emprise démoniaque. Cette représentation de la ville comme lieu d’un combat spirituel de libération, diffusée par la « troisième vague » pentecôtiste, aboutit à un réinvestissement symbolique des territoires, alors même que les croyants tendent à s’en émanciper, par la conversion personnelle et des engagements religieux affinitaires. La rue est le lieu où ces deux axes contradictoires de la mission pentecôtiste peuvent converger : l’un tourné vers des individus en mobilité ; l’autre vers le territoire urbain perçu comme une entité spirituelle influençant le destin de ses habitants. L’évangélisation des rues, fréquemment conduite par des « prophètes » indépendants, cultive des affinités profondes avec le paradigme pentecôtiste fondé sur une médiation institutionnelle « invisible » et l’idée que la véritable Église ne peut demeurer entre les murs de l’église.
     
    medium_transformations.jpgCe dernier article intéressera sans doute tout spécialement les visiteurs en provenance du site de Sébastien Fath et de sa note récente intitulée Les charismatiques "troisième vague", c'est quoi? ainsi que tous ceux qui ont un jour entendu parler de "spiritual mapping", la cartographie spirituelle, une des tendances en forte progression au sein du protestantisme charismatique, qui vise à identifier - notamment dans les villes - les esprits tutélaires des lieux censés influencer (en mal, évidemment) la vie de leurs habitants et avec lesquels il faut donc engager un combat spirituel.
    La société Sentinel Group dirigée par Geogre Otis Jr s'est spécialisée dans la diffusion de reportages vidéo illustrant cette thématique du combat spirituel par des récits de "libération" de différentes villes sur tous les continents, des reportages qui circulent dans les églises du monde entier: j'ai moi-même eu l'occasion de voir plusieurs épisodes de la série Transformations (dont le site Internet de Sentinel Group propose des extraits) pendant mes recherches dans les assemblées de Dieu de Polynésie française. Il faut donc de toute évidence prendre tout à fait au sérieux cette vogue du "spiritual mapping" et le réinvestissement symbolique des territoires qu'il induit.