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epeli hau'ofa

  • Petits contes du Pacifique (Epeli Hau'ofa)

    medium_contes_pacifique.jpgL'écrivain tongien Epeli Hau’ofa, qui est aussi anthropologue, dirige aujourd'hui le Oceania Centre for Arts and Culture qu'il a fondé à l'University of the South Pacific de Fidji à la fin des années 1990. 

    Il a publié en 1983 un recueil de nouvelles intitulé Tales of the Tikongs (contes tikongs), récemment traduit en français et publié en 2006 par les éditions de l'Aube sous le titre Petits contes du Pacifique. Le royaume de Tiko ressemble sous bien des aspects à celui de Tonga, même si l'humour corrosif de Epeli Hau'ofa concerne aussi, plus largement, les petites sociétés insulaires du Pacifique, leurs églises, leurs administrations et leurs relations avec des parrains décrits comme aussi généreux que paternalistes: les puissances régionales (Australie, Nouvelle-Zélande) et les organisations internationales.

    Les églises sont omniprésentes et le décor est planté dès la première nouvelle, intitulée "Le septième jour et les autres", où Epeli Hau'ofa décrit la vie de Sione Falesi, un aristocrate polynésien, personnalité éminente de l'administration et de l'église locales, qui prend soin de respecter la règle voulant que "Tiko se repose six jours et travaille le septième", afin de consacrer l'essentiel de son énergie aux nombreux cultes dominicaux. Entouré de collaborateurs guère plus compétents que lui, Sione Falesi a cette phrase admirable, qui traduit bien les relations entre Tonga et sa diaspora (les îles Tonga comptent environ 100000 habitants, tandis que plus de 40000 Tongiens vivent en Nouvelle-Zélande, près de 20000 aux États-Unis): "Tous nos meilleurs éléments sont en Nouvelle-Zélande"... Argument imparable qui vient justifier ici l'inertie de l'administration.

    Si aucune église n'échappe au regard ironique de Epeli Hau'ofa, les églises protestantes historiques comme la Free Wesleyan Church of Tonga sont assez sévèrement critiquées au travers de "l'église sabbathienne" décrite comme "ennuyeuse, lourde et peu bandante" dans une des nouvelles les plus drôles, "Le voyage d'un pèlerin", qui est aussi la plus sociologique, puisqu'elle évoque la figure du pèlerin - une des figures majeures de la modernité religieuse selon Danièle Hervieu-Léger (Le pèlerin et le converti, la religion en mouvement, 1999) - et raconte le parcours de conversions successives qui conduit un jeune de l'église sabbathienne à rejoindre l'église mormone (qui représente plus de 15% de la population), puis différentes églises pentecôtistes, avant de retourner finalement une fois marié à l'église traditionnelle. Sa motivation essentielle est en l'occurence de lier connaissance avec des jeunes filles, telles que les majorettes mormones ou les jeunes évangélistes pentecôtistes qui jouent de la musique dans les rues (c'est d'ailleurs l'une d'entre elles, des assemblées de Dieu, qu'il épouse). Mais au-delà de cet aspect comique (qui parfois n'est pas complètement sans rapport avec la réalité), ce type de parcours a été observé notamment au sein de la communauté samoane de Nouvelle-Zélande, dans une étude publiée en 2001 dans le Journal of Ritual Studies par Cluny et La'avasa Macpherson.

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    La nouvelle la plus politique, "Les sentiers vers la gloire", met en scène  Tevita Popo, un jeune revenu au pays avec d'importants diplômes étrangers, interpellé par son oncle, puis son père et enfin par un chauffeur de taxi émèché.  Deux extraits :

    "Et puis, mon fils, pourquoi critiques-tu autant le Gouvernement? Pourquoi critiques-tu autant l'Église? Tu prétends vouloir dire la vérité. Mais à quoi sert la vérité à Tiko ? (...) Si tu restes du côté de la vérité, contre Son Excellence et les Grands Chefs, Tiko va te réduire en bouillie."

    "Encore autre chose. Vous aimez tellement parler de démocratie. La démocratie est une idée étrangère. (...) On est à Tiko ici, docteur. (...) Laissez-moi vous dire un truc. La démocratie est une chose extrêment difficile à obtenir à Tiko. Il vous faudra la gagner à la dure, et encore, vous ne l'aurez pas dans cette vie ; pas ici en tout cas".

    Une nouvelle qui fait directement écho aux évolutions de la situation politique à Tonga et aux rôles des diasporas, de la jeune génération dans le développement du mouvement pro-démocratique, mais aussi aux débats autour de la conciliation entre démocratie et tradition ou culture, où l'on voit que, comme le notaient en 1997 Marie-Claire Bataille et George Benguigui, "des partisans fermes et avérés de la démocratie sont également des défenseurs de la tradition, ou du moins de certains de ses aspects et, réciproquement, (…) certains farouches partisans de la royauté sont des modernisateurs actifs."  Depuis ma note du 13 septembre dernier, après la mort du roi Tupou IV, des émeutes ont éclaté en novembre 2006 dans la capitale Nuku'alofa, qui ont entraîné la destruction du quartier des affaires et l'établissement de l'État d'urgence, prolongé en février 2007 pour une durée de cinq mois, ce qui fait craindre de nouveaux affrontements entre militants pro-démocratiques et tenants d'une monarchie sans concession.