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  • Richard Tuheiava : la jeune génération indépendantiste au Sénat

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    Richard Tuheiava, 34 ans, a été élu hier sénateur de Polynésie française, au côté de Gaston Flosse, ancien président du gouvernement polynésien, sur la liste commune de l'UPLD (Union pour la démocratie, indépendantiste) et du tahoeraa huiraatira de Gaston Flosse (à qui l'UMP avait refusé son investiture). Cette alliance, qui paraissait aussi incroyable que contre-nature lorsqu'elle s'est mise en place en février dernier, poursuit donc son chemin et a apparemment convaincu les élus locaux polynésiens, pourtant traditionnellement fidèles - par nécessité plus que par conviction - au pouvoir en place, dont ils dépendent financièrement. Cette victoire aux élections sénatoriales souligne la fragilité du gouvernement Tong Sang, soutenu par l'UMP et le gouvernement français, mais appuyé sur une majorité très hétéroclite. Elle annonce sans doute le renversement prochain de cette majorité, minée depuis plusieurs mois par la surenchère d'alliés peu sûrs, exigeant toujours plus de postes, des avantages divers, etc... pour prix de leur soutien à Gaston Tong Sang.

    Avocat à la cour d'appel de Papeete,secrétaire général de la ligue polynésienne des droits humains et (entre autres) membre de la Jeune chambre économique de Tahiti, Richard Tuheiava incarne une nouvelle génération indépendantiste, plus engagée dans la société que dans les manoeuvres d'appareil, associant un héritage culturel et religieux fort avec des compétences indéniables. Les gouvernements Temaru avaient déçu par ce qui semblait être un manque de professionnalisme, une certaine désorganisation. Avec de jeunes cadres comme le nouveau sénateur polynésien, on peut être plus optimiste. Il dispose en tout cas de nombreux atouts pour devenir une personnalité importante de la scène politique locale.

    maupiti.jpgIssu d'une famille originaire de Maupiti (île Sous-le-Vent), Richard Tuheiava a grandi à Moorea, l'île qui fait face à Tahiti. Deux éléments de son parcours personnel et de son arrière-plan familial sont intéressants à noter.

    - D'abord, l'école. Fils d'un directeur d'école primaire, il est aussi le neveu de Sylvia Tuheiava Richaud, maîtresse de conférences en langues et civilisations polynésiennes à l'université de la Polynésie française (auteure d'une thèse de doctorat sur les codes missionnaires polynésiens). Pour devenir avocat, il a fait ses études de droit à Aix-Marseille. Cette réussite scolaire souligne, pour reprendre les termes classiques de l'analyse développée par P. Bourdieu, l'accumulation et la transmission familiale d'un double capital culturel, qui associe système éducatif français et culture polynésienne. Dans un article publié en 2001 dans la Revue juridique polynésienne, intitulée "L'éducation en Polynésie française, socialisation à la dépendance ou à l'indépendance?", Gwendoline Malogne-Fer soulignait les difficultés et les limites de l'adaptation du modèle scolaire français aux réalités polynésiennes. Pour beaucoup d'enfants polynésiens, l'école reste une expérience difficile et un parcours comme celui de R. Tuheiava est encore exceptionnel. Malgré tout, il fait partie de ces jeunes polynésiens de plus en plus nombreux qui atteignent un haut niveau de formation universitaire et constituent peu à peu une relève.

    EPM Maharepa porte.jpg- Le second élément, c'est le protestantisme. Car la famille Tuheiava, c'est aussi une grande famille protestante, où l'on compte des diacres et des pasteurs. Ses parents ont longtemps été très impliqués dans la vie paroissiale à Moorea et Richard Tuheiava est rapidement devenu l'un des avocats de l'église protestante ma'ohi, l'église historique héritière des premiers missionnaires de la London Missionary Society arrivés à Tahiti en 1797. Une église qui rassemble près de 40% des Polynésiens et dont les dirigeants, tout en refusant de devenir un soutien inconditionnel du parti indépendantiste, s'inscrivent clairement dans la perspective d'une indépendance de la Polynésie française en militant fortement pour la défense de la culture et la langue polynésiennes. Alors qu'elle était connue jusqu'en 2004 sous le nom d'église évangélique en Polynésie française, son nouveau nom traduit une volonté d'afficher plus nettement cet engagement.

     

    Illustrations : R. Tuheiava ; vue aérienne de Maupiti ; temple protestante de Maharepa (Moorea)

     

     

  • Pentecôtisme et culture en Polynésie française : nouvel article en ligne

    Tikitiki.gifLa question des relations entre christianisme(s) et culture(s) dans les îles du Pacifique est à la fois un thème classique de l'anthropologie et un point sensible qui suscite réflexions, débats et controverses. Elle touche en effet implicitement à la définition de la culture, voire de l'authenticité culturelle, à partir de laquelle les anthropologues abordent ces sociétés. Décrire le christianisme contemporain en Océanie, surtout les églises les plus récentes où l'articulation entre culture locale et foi chrétienne n'est souvent pas évidente de prime abord, c'est toujours prendre le risque d'apparaître comme quelqu'un qui choisit délibéremment d'ignorer la spécificité culturelle locale en se concentrant sur une sorte de religieux "hors sol". Le pentecôtisme est-il une religion totalement étrangère à la culture polynésienne? Peut-on identifier dans les pratiques des pentecôtistes polynésiens des correspondances avec une culture pré-chrétienne ou avec ce qu'on appelle aujourd'hui la "tradition chrétienne" (incarnée par les églises historiques, comme l'église protestante ma'ohi)? La conversion au pentecôtisme traduit-elle une occidentalisation, une forme d'acculturation, liée par exemple  à l'urbanisation et à l'individualisation des modes de vie ? Ou le pentecôtisme participe-t-il aussi aux recompositions  contemporaines de l'identité culturelle polynésienne?

    Sur toutes ces questions délicates à manier, j'ai publié en 2004 dans le Journal de la Société des Océanistes un article intitulé "Le pentecôtisme en Polynésie française: innovations religieuses et dynamiques du changement socioculturel", qui est maintenant disponible en ligne en cliquant ici. Avec quelques années de recul, les positions prises dans cet article me paraissent aujourd'hui trop tranchées, elles manquent un peu de nuances, en  voulant prendre trop systématiquement le contre-pied des analyses traditionnelles en termes d'opposition culture/importation, acculturation/authenticité. Bonne lecture !

     

    Nb. Le tiki (sculpture polynésienne) en illustration est le logo de la Société des Océanistes, qui publie le journal du même nom.

  • Sarah Palin, une drôle de paroissienne

    sarah palin.jpgBon, vous me direz, ça n'a rien à voir avec l'Océanie. Mais le profil religieux de Sarah Palin, la colistière du candidat républicain John McCain dans la course à la Maison Blanche, a plusieurs points communs avec un réseau missionnaire évangélique auquel je m'intéresse depuis plusieurs années: Youth With a Mission (YWAM, en français Jeunesse en Mission), une organisation fondée en 1960 par un pasteur de jeunesse des Assemblées de Dieu californiennes, présente aujourd'hui dans plus de 170 pays. YWAM et Sarah Palin appartiennent en effet au même courant du protestantisme, qu'on appelle couramment aux États-Unis les Charismatics (en français, on utilise aussi les expressions "charismatiques indépendants" ou "néocharismatiques"). Il s'agit d'une version récente du pentecôtisme, qui s'est particulièrement développée depuis les années 1960-70.

    Les Charismatics se méfient beaucoup de l'institution ecclésiale et considèrent que l'expérience religieuse ne doit pas être limitée aux quatre murs d'une église. Tous les  domaines de la vie sociale sont pour eux des champs de mission. Ils sont aussi, assez souvent, plus radicaux dans l'expérimentation charismatique (guérison, prophéties, parlers en langue, etc...) et plus sensibles à la théologie du "combat spirituel" (Spiritual Warfare) que la majorité des évangéliques. Quelles peuvent être les implications de ce credo charismatic sur le plan politique ? C'est le thème de deux textes que j'ai publiés récemment dans Le Monde (vous pouvez le lire en cliquant ici mais seulement en archives payantes, ou le télécharger gratuitement en version PDF) et sur Rue 89 (cliquez ici).

     

    (Mises  à jour du 29 septembre et du 12 octobre 2008)