A l'ouest de la Polynésie française, les îles Cook sont un petit État polynésien associé à la Nouvelle-Zélande, dont j'ai déjà eu l'occasion de parler ici à propos des nuku, les spectacles commémorant chaque année l'arrivée du christianisme dans ces îles. Lors du dernier recensement, en 2006, les îles Cook comptaient officiellement 19569 habitants, soit trois fois moins que la communauté Cook Islanders en Nouvelle-Zélande (58011). Cette migration massive, qui a débuté dans les années 1950 pour répondre aux besoins de main d'œuvre de l'industrie néo-zélandaise, se conjugue avec un second mouvement migratoire, tout aussi important, des îles éloignées vers la capitale des îles Cook, Rarotonga: 72,3% de la population des îles Cook vit désormais à Rarotonga, tandis que plusieurs îles se dépeuplent : au sud, l'île de Mangaia a perdu 12,1% de ses habitants entre 2001 et 2006, la population de l'archipel du nord (Northern Group) a diminué d'un quart durant la même période.
Gwendoline Malogne-Fer et moi étions à Rarotonga le mois dernier et nous en avons profité pour réaliser un tour de l'île en images - nouvel album «Rarotonga (îles Cook)» -, un panorama de la diversité religieuse, selon le même principe que celui de Moorea en 2007 .
Ici aussi, l'église protestante historique (la Cook Islands Christian Church) domine le paysage religieux. Les chiffres du recensement de 2006 ne sont pas encore connus, mais en 2001 elle représentait 54% de la population de Rarotonga et l'architecture de ses temples, pour la plupart construits au début du 19ème siècle, rappelle qu'elle est bien la première église, à la fois en nombre et en ancienneté. A Arorangi, sur la côte ouest, on peut d'ailleurs encore voir, devant le temple protestant, la tombe de Papehia, un Polynésien originaire de Bora Bora qui fut l'un des tout premiers missionnaires de la London Missionary Society arrivés en 1821 et épousa la fille du ariki (chef) de ce district.
Mais la Cook Islands Christian Church est loin d'être la seule église de l'île, qui compte 31 lieux de culte et 15 dénominations ou organisations religieuses différentes ! A l'exception des Baha'i, installés sur la côte est de Muri, toutes sont chrétiennes et plus de la moitié (8 sur 15) sont de tendance pentecôtiste. La plupart de ces églises pentecôtistes sont concentrées sur la côte est, entre Ngatangiia et Avarua.
Les assemblées de Dieu (AoG) sont la plus ancienne, implantée à la fin des années 1970 et organisée depuis les années 1990 en quatre lieux de culte dans les principaux villages tout autour de l'île: la capitale Avarua, Ngatangiia, Titikaveka et Arorangi. Elles rassemblaient officiellement 266 membres en 2001, soit 2,8% de la population de Rarotonga - sans doute un peu plus aujourd'hui. L'église apostolique, fondée en 1988 par le pasteur Tere, dissident de la CICC, est la seconde dénomination pentecôtiste avec 173 membres en 2001 (entre 300 et 400 aujourd'hui). Elle a choisi de n'avoir qu'un lieu de culte, à l'ouest d'Avarua : après tout, il faut moins d'une heure pour faire le tour de l'île par la route côtière, longue de 31 kilomètres. Un autre pasteur protestant dissident a ouvert au début des années 1990 une église pentecôtiste/charismatique à Matavera : la Holy Spirit Revival Church, qui n'apparaît pas dans le recensement de 2001 et compte une quarantaine de membres. C'est une des caractéristiques du pentecôtisme de Rarotonga : beaucoup d'églises, mais finalement moins de fidèles que l'on pourrait le croire au premier abord - sans doute autour de 7% de la population. La plupart des églises apparues ces dernières années, signalées par des pancartes flambant neuf en bord de route, rassemblent entre 30 et 60 personnes. New Life à Arorangi, New Hope à Avarua, Community Church à Matavera et la dernière arrivée, Celebration on the Rock: une branche de la megachurch Celebration Centre de Christchurch (Nouvelle-Zélande) installée depuis seulement deux ans en face de l'aéroport. «Two many churches for a small island», disent les responsables de la CICC et des AoG. Mais la dynamique de dispersion paraît irréversible, alimentée à la fois par des scissions (au sein des AoG et de la Holy Spirit Revival Church) et l'influence des réseaux charismatiques transnationaux.
Comme à Moorea, les bâtiments de l'église mormone (Jésus-Christ des saints des derniers jours, LDS en abréviation anglaise) ne passent pas inaperçus mais leur poids est ici moins important : 4,3% en 2001. L'église catholique, implantée dans les quatre principaux villages de l'île, est en fait la seconde église de Rarotonga (16,8%), suivie par les Adventistes (6,6%). Ces derniers ont établi leur quartier général au sud de l'île, à Titikaveka, où plusieurs familles vivent sur un «compound»: des terres adventistes qui accueillent également une école, la Papaaroa Adventist School. A quelques kilomètres de là, du côté d'Arorangi, les témoins de Jéhovah (2,2%) ont construit une imposante salle du royaume, séparée de la route côtière par un grand parking.
Illustrations: Une plage d'Aitutaki, principale destination touristique des îles Cook avec Rarotonga ; portrait de Papehia ; temple de la CICC à Avarua, signalisation pentecôtiste et église catholique St Paul à Titikaveka (photos de G. Malogne-Fer)