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  • Pitcairn ou le paradis perdu (théâtre)

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    Pitcairn, une île de 5 km2 et d'environ 50 habitants, à mi-chemin entre l'Amérique du Sud et la Nouvelle-Zélande, pourrait presque passer inaperçue. Pourtant, l'histoire de ses fondateurs a inspiré l'un des plus célèbres romans du 20ème siècle (signé Charles Nordhoff et James Norman Hall) et quatre films hollywoodiens, dont celui de Lewis Milestone, tourné au début des années 1960 à Tahiti et dans lequel le personnage de Fletcher Christian est incarné par Marlon Brando.

    bounty-brando2.jpgL'histoire est donc connue: en 1789, une mutinerie éclate à bord du navire britannique The Bounty, commandé par le capitaine Bligh, alors qu'il vient de quitter l'île de Tahiti. Les mutins - onze hommes menés par Fletcher Christian - s'emparent du navire, tandis que le capitaine et le reste de l'équipage dérivent jusqu'à Timor à bord d'un canot de sauvetage. Ils mettent le cap sur l'île de Tubuai, dans l'archipel des îles Australes, tentent de s'y installer avant de renoncer et de retourner à Tahiti, où plusieurs d'entre eux préfèrent débarquer. Le Bounty repart finalement, avec à son bord Fletcher Christian, huit hommes d'équipage, six Tahitiens et onze Tahitiennes.  Ils jettent l'ancre en janvier 1790 sur une petite île isolée et inhabitée: Pitcairn.

    bounty-bay.jpgMais que sont-ils devenus après cette installation, rendue définitive par l'incendie du navire? La suite de cette aventure aurait pû ressembler à l'histoire édifiante d'une petite société idéale, multiculturelle et égalitaire, fondée peu après la Révolution française par l'alliance entre des hommes épris de liberté et leurs épouses tahitiennes: "la première société métisse du Pacifique Sud", écrit Sébastien Laurier, dans la pièce de théâtre intitulée Mais que sont les révoltés du Bounty devenus? qu'il met en scène  du 7 au 13 mars 2009 au théâtre Jean Vilar de Suresnes. Sauf que les premières années de la vie à Pitcairn sont plus proches du drame shakespearien que de l'île d'Utopia imaginée au 16ème siècle par Thomas More.

    Appuyée sur une exploration bibliographique d'une rigueur et d'une étendue impressionnantes, la pièce de Sébastien Laurier évoque donc la vie des marins britanniques et des Polynésiens pris dans un huis clos insulaire auquel la plupart n'ont pas survécu. À travers les réflexions et l'imagination d'un narrateur contemporain, par le jeu de projections d'images et d'extraits de livres, le spectateur fait la connaissance de ces personnages terribles. La plupart des marins ont entre 20 et 30 ans : le plus jeune, fletcher.jpgAleck Smith, n'a que 20 ans, le plus âgé John Mills 38 ans, Fletcher Christian (ci-contre) en a 26. Parmi les femmes polynésiennes, deux sont les épouses des officiers mutins, Fletcher Christian et Edward Young, des filles de nobles tahitiens embarquées de leur plein gré. On ne sait pas grand chose des neuf autres femmes, si ce n'est leurs prénoms. Et puis il y a les six hommes polynésiens, dont  deux venus de Tubuai et Tararo, un chef de rang élevé originaire de l'île de Raiatea, une île devenue un des principaux centres religieux dans la Polynésie du 18ème siècle.

    À Pitcairn, une micro-société se construit dans la violence, au point de passer tout près de l'auto-destruction. On discute, on s'empoigne à propos de la répartition des terres, des femmes et des relations à établir entre Britanniques et Polynésiens. Sébastien Laurier a écrit un texte passionnant, très vivant, qui fait appel à plusieurs voix et navigue entre références scientifiques, littéraires, cinématographiques, entre l'existence du narrateur (arrivé à une étape de la vie où on hésite entre nouveau départ et constat d'échec) et la Polynésie du 18ème siècle. C'est une pièce où le rôle le plus marquant revient finalement non au héros britannique Fletcher Christian, mais à une des femmes polynésiennes, Mareva. Et une pièce qui, au-delà du cas de Pitcairn, s'interroge sur la condition humaine et sur tous ces rêves ou illusions associés à ce refuge imaginaire: l'île comme terre utopique où tout pourrait être recommencé, réinventé.

    Si vous avez envie d'aller la voir - ce que je vous recommande - au théâtre Jean Vilar de Suresnes, cliquez ici pour télécharger la fiche de présentation et tous les renseignements utiles. En prime, voici un micro-trottoir réalisé par Sébastien Laurier en guise de bande annonce :

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    Que sont finalement devenus les descendants des révoltés du Bounty? Il y a eu jusqu'à 250 habitants à Pitcairn, il en reste aujourd'hui moins d'un cinquième mais la petite communauté - officiellement colonie britannique, sous l'autorité d'un gouverneur également représentant de la Couronne en Nouvelle-Zélande - a survécu.

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    En 1886, les habitants de Pitcairn ont été les premiers en Océanie à adhérer à l'adventisme, un mouvement d'origine protestante apparu au milieu du 19ème siècle aux États-Unis. Ils ont donné leur nom aux Adventistes de Polynésie française, appelés petania (Pitcairn en tahitien), en référence au voilier affrêté par l'église adventiste et baptisé Pitcairn, dont l’escale en décembre 1890 à Tahiti marqua le début de la mission adventiste dans les îles de la Société. Cette conversion à l'adventisme, qui prône une stricte hygiène de vie, n'a pourtant pas suffi à faire de Pitcairn une communauté exemplaire : en 2004, l'île a occupé pendant plusieurs mois la une des journaux néo-zélandais, après la condamnation de six hommes de l'île, dont le maire, Steve Christian, pour viols et abus sexuels. Ils ont retrouvé la liberté en 2008 et la petite prison qui avait été construite à Pitcairn pour l'occasion deviendra bientôt un hôtel pour touristes.

     

    Illustrations: Bounty Bay à Pitcairn sur etriptips.com et la population de Pitcairn dans les années 1920 sur janesterure.com.

  • Individus et institution dans les églises pentecôtistes: une intervention à écouter

    Tranche-Web-Idemec_01.gifDu 26 au 28 novembre 2008 a eu lieu à la Maison méditéranéenne des sciences de l'homme (MMSH), à l'invitation de l'anthropologue Christophe Pons et avec le soutien du CNRS, de l'Université de Provence et de l'IDEMEC, un colloque intitulé "Les négociations avec et dans le religieux" auquel j'ai participé. Mon intervention était intitulée "Ce n'est pas l'église qui sauve, mais... Les négociations entre individus et autorité institutionnelle au sein du pentecôtisme classique". Grâce à la phonotèque de la MMSH, l'enregistrement de cette intervention (40 minutes d'exposé et 20 minutes de débat) est désormais accessible en ligne : vous pouvez l'écouter en cliquant sur "individus & institution en pentecôtisme" dans la colonne de gauche - rubrique "à écouter" - ou en cliquant ici.

    J'ajoute un résumé permettant de voir plus précisément de quoi il s'agit:

    Basée sur des enquêtes de terrain au sein des assemblées de Dieu de Polynésie française, cette communication analyse la manière dont le pentecôtisme classique s’efforce, par le biais d’un travail institutionnel "invisible", de faire vivre aux convertis des dispositifs d’encadrement objectivement contraignants sur le registre subjectif d’une "relation personnelle avec Dieu". Cette expérience religieuse, que l’on peut décrire comme un individualisme enchanté, repose sur plusieurs médiations spécifiques permettant aux membres d’église d’entendre "la voix de Dieu". Elle ouvre des espaces d’incertitudes, de tensions, donc de négociations et de compromis entre les individus et les représentants de l’autorité institutionnelle. Il est en effet difficile de réaliser la conciliation parfaite et durable entre d’une part, l’idée que "ce n’est pas l’église qui sauve" mais uniquement la relation intime que chacun établit avec Dieu ; et d’autre part la nécessité d’un changement effectif des existences personnelles impliquant une intervention institutionnelle efficace. Les trois principaux espaces où se joue la négociation portent sur la capacité à "faire parler Dieu", sur la régulation institutionnelle de la diversité des pratiques individuelles et sur la notion d’appartenance.