Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

politique - Page 2

  • Démocratie à Tonga (post-scriptum): Un gouvernement toujours dominé par la noblesse

    arms Tonga.jpgFin novembre, j'évoquais ici les récentes élections qui ont permis aux citoyens tongiens d'élire 17 de leur 26 représentants au Parlement, tandis que les 33 familles nobles de l'archipel polynésien conservaient 9 sièges. En remportant 13 de ces 17 sièges, le Friendly Islands Democratic Party, parti pro-démocratie conduit par Akilisi Pohiva, semblait assuré de diriger le nouveau gouvernement. Un événement qui devait logiquement parachever les réformes démocratiques lancées par le nouveau roi Tupou V, depuis son accession au trône en 2008.

    Mais l'événement n'a finalement pas eu lieu: les 9 élus nobles ont en effet fait obstacle à la nomination de A. Pohiva aux fonctions de premier ministre et le gouvernement formé fin décembre, Tu’ivakano.jpgdirigé par Lord Tu'ivakano (ci-contre), ne lui accordait qu'un poste de ministre de la santé. Le parti démocratique ne comptait que deux ministres sur onze.

    Après seulement deux semaines d'exercice, A. Pohiva vient de donner sa démission, en protestant à la fois contre cette trop faible représentation de son parti au gouvernement et contre le recrutement, dans le même temps, de deux ministres non élus au Parlement. Le franchissement de la dernière marche vers la démocratie s'avère plus difficile que prévu...

  • L'offensive évangélique : les réseaux militants de Jeunesse en Mission

    couv-offensive.jpgMon nouveau livre sort ces jours-ci en librairie: L'offensive évangélique. Voyage au coeur des réseaux militants de Jeunesse en Mission. Le voyage dont il est question nous emmène des États-Unis à la Chine continentale, en passant par les îles polynésiennes, la Nouvelle-Zélande et Paris.

    Jeunesse en Mission (Youth With a Mission ou YWAM en version anglaise) est une organisation missionnaire internationale de tendance évangélique charismatique, fondée au début des années 1960 en Californie par Loren Cunningham, qui était alors pasteur des assemblées de Dieu (une église pentecôtiste), responsable des activités de jeunesse dans le district de Los Angeles. Aujourd'hui présente sur tous les continents, elle s'est rapidement implantée dans le Pacifique, d'abord en Nouvelle-Zélande puis à ywam.jpegHawaii (ou elle a ouvert en 1978 à Kona - Big Island - le premier campus de son université, connue aujourd'hui sous le nom de l'Université des nations) et enfin dans la plupart des îles océaniennes. Son développement en France , à partir des années 1970, a été plus laborieux, même si Jeunesse en Mission a trouvé à l'église réformée de Belleville (elle aussi de tendance évangélique charismatique) une base à partir de laquelle il était possible de tisser des réseaux. Quant à la Chine, c'est désormais la "nouvelle frontière" des réseaux missionnaires évangéliques et une des priorités stratégiques de YWAM.

    Il y a à mon avis au moins quatre bonnes raisons de s'intéresser à Jeunesse en Mission.

    1 La première, c'est que YWAM a été depuis les années 1970 l'un des fers de lance d'une nouvelle offensive évangélique, qui est née d'une double réaction: d'une part, l'allergie des générations d'après-guerre vis-à-vis des contraintes IMG_1468.JPGtraditionnelles de la vie d'église et d'autre part, un refus assez radical des nouvelles valeurs issues de la libéralisation des moeurs. Autrement dit, une sorte de credo libertaire (non à l'autorité institutionnelle) et conservateur (non à la déchristianisation des sociétés occidentales). Où et comment se recrutent les militants évangéliques qui participent aujourd'hui à cette offensive? Quelles sont leurs méthodes d'action? Le livre explore cette première série de questions en précisant notamment les origines de YWAM, ses relations avec la contre-culture des années 1960, puis son système de formation et le mode de fonctionnement de ce type de réseau évangélique, illustration exemplaire de la mondialisation religieuse. Il décrit aussi la diversité des terrains sur lesquels se déploie l'activisme missionnaire de YWAM, depuis la "psychologie chrétienne" jusqu'aux surfeurs, en passant par l'aide humanitaire.

    2 La seconde raison de s'intéresser à YWAM est son influence au sein du protestantisme actuel. YWAM a en effet directement contribué à plusieurs évolutions importantes. Il y a eu d'abord les chants, avec la diffusion des recueils "J'aime l'Eternel", qui ont encouragé l'arrivée des guitares électriques et des batteries dans de nombreuses églises protestantes et ont souvent été la principale référence des églises soucieuses de IMG_1449.JPG"faire jeune" jusqu'à la concurrence récente des chants édités par la méga-église australienne Hill Song. Surtout, il y a le lancement dans les années 1980 à Londres du mouvement des Marches pour Jésus, qui au-delà de sa dimension festive marque une volonté de "reprendre autorité sur la ville", en occupant symboliquement l'espace public au nom de Dieu. Cette manifestation, organisée dans plus d'une centaine de pays chaque année, puise son inspiration dans une théologie couv-dawson.jpgdu combat spirituel, dont j'ai déjà eu l'occasion de parler sur ce blog et lors d'un entretien sur la RSR (à écouter ici). Elaborées par des théologiens nord-américains soucieux de "reconquérir" les territoires urbains, la rhétorique du combat spirituel et les pratiques de Spiritual Mapping (cartographie spirituelle) qui y sont liées incitent à rechercher les "esprits tutélaires" des lieux pour engager une guerre de libération spirituelle des territoires. YWAM a activement contribué à leur diffusion, par ses enseignements et par les publications de responsables de premier plan comme Floyd McClung ou John Dawson (actuel président international de YWAM).

    3 Le troisième point digne d'intérêt, ce sont les prolongements politiques du credo charismatique de YWAM. La politique fait en effet partie de ses champs d'action missionnaire et des "YWAMers" ont même été élus au Parlement néo-zélandais, comme le raconte un des chapitres du livre, consacré à la Nouvelle-Zélande.kiwi party.jpg J'avais évoqué le Kiwi Party, le parti politique fondé par ces deux anciens responsables nationaux de YWAM (respectivement aux Philippines et en Nouvelle-Zélande), Larry Baldock et Bernie Ogilvy, dans une note de novembre 2008, à l'occasion des élections législatives néo-zélandaises. La conclusion du livre revient en outre sur le profil religieux de Sarah Palin (voir aussi sur Rue89 et Le Monde), qui reprend en la radicalisant la même posture libertaire/conservatrice (droite chrétienne libertarienne), et entretient avec les étiquettes confessionnelles et les églises les mêmes relations que beaucoup de YWAMers de sa génération.

    4 Enfin, le quatrième thème qui me paraît important, est la manière dont YWAM, au travers du mouvement Island Breeze (fondé en 1979 par le Samoan Sosene Le'au), met en scène les cultures autochtones comme mode d'expression de la foi chrétienne Pacific_23.jpget moyen d'évangélisation. En reprenant notamment les danses océaniennes, bannies des temples par les premiers missionnaires et jusqu'à aujourd'hui, par la plupart des églises protestantes des îles du Pacifique, Island Breeze a séduit beaucoup de jeunes, dans les îles et en Nouvelle-Zélande, parmi les Pacific Peoples issus des migrations polynésiennes ou chez les Maori (peuple autochtone de Nouvelle-Zélande). J'avais déjà abordé cette question dans une communication lors d'un colloque organisé en mai 2009 par l'Université de la Réunion (à lire ici). Un chapitre du livre revient donc sur l'histoire de ce mouvement, entre folklore évangélique et "réveil culturel".

    Pour consulter la table des matières de ce livre, cliquez ici. Pour un aperçu plus complet du livre, sur Google Books, cliquez ici.

  • Un petit détour par la Suisse avant quelques nouvelles du Pacifique

    lapin alice.jpgPar manque de temps, nous en étions restés depuis près de deux mois au tour de l'île de Rarotonga et j'ai laissé passer plusieurs occasions de publier de nouvelles notes sur l'actualité récente des îles du Pacifique. Voici donc un rapide tour d'horizon en trois étapes, en commençant par un petit détour en Suisse.

     

    Géographie spirituelle et référendum anti-minarets

    minaret genève.jpgComme l'a noté mon collègue Sébastien Fath, l'engagement du parti de la droite évangélique suisse, l'Union démocratique fédérale, dans la campagne référendaire pour l'interdiction des minarets puise une part de son inspiration dans la théologie du "Spiritual Mapping" ou géographie spirituelle, un courant du protestantisme charismatique lié à la notion de "combat spirituel" (Spiritual Warfare) popularisé par des auteurs comme Peter C. Wagner, John Dawson ou George Otis Jr.

    Le chercheur suisse Philippe Gonzalez a publié en mars 2008, dans la revue Terrains, un intéressant article sur cette question, intitulé "Lutter contre l'emprise démoniaque. Les politiques du combat spirituel évangélique", article dont on peut lire le résumé ici. Quant à moi,  j'ai eu l'occasion d'évoquer l'entreprise de "libération spirituelle" des villes et le réinvestissement symbolique des territoires qui découlent de cette théologie dans un article de Social Compass et dans un entretien à la radio suisse romande. L'article n'est malheureusement pas accessible en ligne mais Frédéric Dejean en avait fait en 2007 un compte rendu très complet sur son site "Géographie et religion". L'entretien à la radio est en revanche disponible (pour l'écouter, cliquez ici): je faisais notamment remarquer que la logique d'identification des esprits et des "bastions démoniaques" (evil strongholds) dans l'espace urbain conduit inévitablement à focaliser l'attention sur les lieux de culte non-chrétiens. Le résultat du référendum suisse souligne donc les enjeux politiques de cette reterritorialisation de l'imaginaire évangélique en contexte multiculturel et multiconfessionnel.