Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

polynésie - Page 12

  • Une coopérative de pêcheurs aux îles Australes: texte en ligne

    1177209814.jpg

    (Mis à jour le 26 août 2008)

    Avant de m'intéresser aux églises protestantes, j'avais réalisé en 1993 une première étude consacrée à une coopérative de pêcheurs sur l'île de Rurutu (archipel des Australes, Polynésie française). J'y analysais la mise en place de cette coopérative, précédée par celle d’un syndicat professionnel de pêcheurs et suivie de l’acquisition d’un thonier semi-industriel, sur une île où la pêche était jusque-là davantage intégrée à des relations d’échanges non-marchands. L'échec de ce projet financé par le Fonds européen de développement (FED) ne faisait qu'annoncer le fiasco constaté cette année par la chambre territoriale des comptes de Papeete, que l'on peut consulter en ligne (cliquer ici ou rendez vous sur le site de la Cour des comptes). Les Nouvelles de Tahiti en ont aussi publié quelques extraits, dans leur édition du 11 août 2008.

    Le rapport évoque un "bilan consternant": insuffisances des politiques de formation , trop faible diffusion des techniques modernes de pêche et de commercialisation, inadaptation du statut et de la rémunération du pêcheur hauturier, régression des exportations. Le gouvernement local avait lancé un programme de construction en défiscalisation de 56 navires de pêche, dont 43 thoniers de pêche en haute mer. 43 ont été construits jusqu'en 2005, "une dizaine de thoniers palangriers restent amarrés en permanence au quai, sans preneur ni activité. Sur les 33 bateaux exploités, une dizaine d'armateurs seulement paient régulièrement les échéances de loyer et d'emprunt". Pour payer ces échéances, il faut non seulement pêcher (beaucoup), mais encore vendre... Faute d'y arriver, les pêcheurs de Rurutu ont rapidement été contraints de vendre leur bateau, le Toerau Moana, aux enchères. Les débouchés locaux sont restés limités et l'exportation n'a jamais décollé. Elle devait atteindre 3 milliards de Francs Pacifique (25 millions d'euros), on en était à 8 fois moins en 2005.

    Cette étude a donné lieu à la publication d'un article en 2000, dans la Revue juridique polynésienne, article désormais disponible sur le serveur HAL-SHS, en cliquant ici. Bonne lecture.

     

    Photo: le thonier toerau moana en 1993 dans le port de Moerai (Rurutu), Y. Fer.

  • Christianisme en Océanie: journées d'études en mai 2008

    "Innovations religieuses et dynamiques du changement culturel en Océanie contemporaine"

    581841126.jpgJournées d'études internationales (Réseau Asie-Imasie, GSRL, IRIS), 29-30 mai 2008 à Paris

    La présence et l'influence des églises chrétiennes en Océanie sont aujourd'hui devenues des données incontournables de l'analyse de ces sociétés insulaires et des dynamiques régionales. Les églises dites «historiques» ou «traditionnelles» avaient accompagné les indépendances politiques en élaborant un discours chrétien sur les identités culturelles locales face à l'occidentalisation. À partir des années 1980, ce discours sur la tradition a donné lieu  à d'importants débats au sein de l'anthropologie, autour du concept d' "invention de la tradition". Il s'agissait au départ de souligner le rôle des mobilisations politiques contemporaines dans la reformulation de l'identité culturelle et de la tradition. Autrement dit, la tradition ou la culture n'étaient pas quelque chose d'immuable, intemporel, mais un contenu malléable en fonction d'intérêts, de contextes, d'enjeux politiques. De là, on a parfois glissé vers des tentatives de disqualification des discours océaniens sur la tradition, avec des anthropologues se posant en gardiens de l'authenticité culturelle contre les élites océaniennes.  

    1814299025.jpgDepuis plusieurs années, l'essor des églises mormones et adventistes, puis de la «troisième vague» du christianisme océanien - les mouvements évangéliques et pentecôtistes - semble contester, fragiliser cette "tradition culturelle chrétienne" élaborée par les églises historiques et faire entrer l'Océanie dans une nouvelle phase de globalisation religieuse. De nombreux anthropologues considèrent notamment  que ces églises sapent les fondements de la vie communautaire et détruisent la mémoire culturelle. Une des questions que l'on peut se poser est de savoir si à leur tour, ces églises sont susceptibles de faire émerger de nouvelles "traditions", de nouvelles articulations entre christianisme et cultures, traditions locales.

    L'anthropologie a parfois du mal à appréhender ces changements religieux et les renversements de perspective qu'ils produisent. En Océanie comme ailleurs, le fait que les pays occidentaux (surtout européens) soient désormais perçus par beaucoup de Chrétiens du "Sud" comme des sociétés en voie de déchristianisation, voire comme des terres de mission, incite à ne plus appréhender uniquement le christianisme comme un facteur d'occidentalisation.

    957632340.jpgLes journées d'études qui auront lieu les 29 et 30 mai visent à la fois à dresser un état des lieux du christianisme océanien contemporain et à réfléchir aux approches anthropologiques disponibles pour rendre compte des rapports complexes entre christianisme et cultures locales. Elles rassembleront plusieurs des meilleurs spécialistes de ces questions, pour deux jours de discussion organisées en trois ateliers et une table ronde. Pour lire le programme détaillé, cliquez ici.

     

     

    Illustrations:  1ère page du programme (photo G. Malogne-Fer, vitraux de la cathédrale de Papeete) ; temple mormon à Moorea (G. Malogne-Fer) ; petite église à Manus Island, Papouasie Nouvelle-Guinée (original sur le site Britannica).

     

  • Pacific Party: Un parti chrétien chez les Pacific Peoples de Nouvelle-Zélande

    899297544.jpg Le 20 février dernier, le député indépendant Taito Philip Field a officiellement déposé auprès de la commission électorale néo-zélandaise les statuts d’un nouveau parti baptisé Pacific Party et se réclamant des «valeurs chrétiennes». Né en 1952 à Apia (la capitale de Samoa), T. Ph. Field est une figure historique de l’engagement en politique des Pacific Peoples, ces communautés originaires des îles de Polynésie – principalement Samoa (50%), les îles Cook et Tonga – installées en Nouvelle-Zélande à partir des années 1950 et qui représentent aujourd’hui 6,9% de la population (266,000 personnes). Il a en effet été le premier d’entre eux élu au Parlement en 1993, sous l’étiquette du parti travailliste (Labour Party) et dans la circonscription d’Otara, un des quartiers du Sud-Auckland où se concentrent les Pacific Peoples. Ancien ministre associé des Pacific Islands Affairs, il a régulièrement été réélu depuis, dans la circonscription voisine de Mangere. Il siège aujourd’hui en indépendant après avoir été exclu du Labour Party en février 2007 à la suite de sa mise en examen pour corruption.
    Les Pacific Peoples ont été à l’origine recrutés en Nouvelle-Zélande sur des contrats de travail temporaires, comme main d’œuvre non qualifiée de l’industrie. Leur situation sociale reste dans l’ensemble modeste, même si on observe une certaine mobilité sociale des jeunes générations vers des emplois de «cols blancs». Dans les années 1970 et à la fin des années 1980, ils ont durement subi les retournements de la conjoncture économique et une politique de libéralisation de l’économie qui a réduit les droits sociaux. Souvent dépendants des aides sociales, ayant aussi gardé en mémoire les positions anti-immigrés de la droite néo-zélandaise à la fin des années 1970, les Pacific Peoples votent massivement pour le Labour Party.
    1570236787.jpg Ils ont pourtant été heurtés par certaines initiatives législatives récentes du gouvernement d’Helen Clark et de ses alliés, lorsque ceux-ci n’ont pas hésité à prendre à rebrousse-poil les valeurs chrétiennes tradi- tionnelles: légalisation de la prostitution en 2003, union civile (ouverte aux couples homosexuels) en 2004 et en 2007 la loi de pénalisation des châtiments corporels sur les enfants initiée par le Green Party, qualifiée de loi « anti-famille » par plusieurs leaders protestants.
    Les Pacific Peoples se distinguent en effet de l’ensemble de la population néo-zélandaise, parmi laquelle une personne sur quatre se déclare aujourd’hui «sans religion» et où la pratique religieuse a sévèrement décliné depuis les années 1970. Le protestantisme pakeha (les Néo-zélandais d’origine européenne) se partage aujourd’hui entre d’un côté des paroisses mainline (anglicanes, presbytériennes et méthodistes) généralement clairsemées et âgées ; et de l’autre la progression des courants évangéliques – au sein même de ces églises ou en dehors, avec notamment le développement de mega-churches urbaines. Les Pacific Peoples au contraire, issus de pays qui ont fait du christianisme (implanté dans ces îles par les missions du 19ème siècle) un élément central de leur identité culturelle, sont massivement présents dans les églises protestantes, au point que celles-ci ont mis en place des structures particulières pour les accueillir (paroisses polynésiennes, instances de représentation nationales). Des églises polynésiennes historiques (Free Wesleyan Church of Tonga, Congregational Christian Church of Samoa, Cook Islands Christian Church) se sont en outre implantées en Nouvelle-Zélande pour accompagner la migration. Les Pacific Peoples constituent donc la grande majorité des pratiquants réguliers et se montrent plus attachés que leurs coreligionnaires pakeha à une définition classique des valeurs chrétiennes.

    Sont-ils prêts pour autant à rallier la bannière du Pacific Party? Jusqu’ici, aucun des partis néo-zélandais se réclamant des valeurs chrétiennes n’a réussi à les détourner du vote travailliste. Il faut dire qu’en dépit de nombreuses recompositions et de quelques tentatives d’alliance avec le centre-droit, ces partis restent1764551035.jpg généralement dominés par une droite chrétienne conservatrice dont le programme en matières sociale et économique peut difficilement séduire les Pacific Peoples. À la fin des années 1990, la création de Future New Zealand a marqué les débuts d’une stratégie de déconfession- nalisation visant à convaincre des électeurs au-delà du seul cercle des chrétiens pratiquants, en mettant fin à la Christian Coalition qui associait jusque-là un parti strictement chrétien – le Christian Heritage Party – et un parti plus modéré, le Christian Democrat Party.
    En 2002, un second pas a été franchi avec la fusion entre Future New Zealand et le parti centriste United Future pour former United Future New Zealand, qui a obtenu 6,69% des voix et huit sièges au Parlement – dont quatre pour des militants chrétiens (majoritairement évangéliques). Mais le parti a éclaté en 2007, pour cause de désaccord sur la loi de pénalisation des châtiments corporels ! Retour à la case départ, avec la reformation de Future New Zealand (officiellement rebaptisé Kiwi Party depuis le 15 février 2008) dont un des leaders, Larry Baldock, a lancé une pétition afin d’obtenir un référendum pour la révision de la loi. Tout en refusant d’être réduit à l’étiquette «parti chrétien», le Kiwi Party entend défendre les «valeurs judéo-chrétiennes». Il a été quitté par sa frange la plus conservatrice, qui s’est rapprochée du parti Destiny New Zealand lancé en 2003 par la megachurch pentecôtiste Destiny Church (voir ma note du 11 octobre dernier), pour former le Family Party. Des discussions avancées ont alors eu lieu entre Taito Philip Field et les leaders de ce parti,
    1525765426.jpg qui ont longtemps cru avoir trouvé en lui le chaînon manquant pour faire se rejoindre le vote pakeha chrétien conservateur et les convictions chrétiennes des Pacific Peoples. C’est peut-être parce qu’il ne croyait pas à cette possibilité que Taito Philip Field a finalement choisi de créer son propre parti, le seul parti chrétien qui soit issu de la gauche de l’échiquier politique.
    Les prochaines élections, qui auront lieu fin 2008, permettront donc de savoir dans quelle mesure les convictions chrétiennes des Pacific Peoples peuvent être converties en mobilisation politique ou, pour le dire autrement, si leur opposition latente à la sécularisation de la société néo-zélandaise peut prendre un tour plus militant. Elles préciseront également le poids respectif des différents courants du christianisme politique, puisqu’ils n’auront sans doute jamais été aussi nombreux en lice: un courant très conservateur (Family Party), un courant polynésien (Pacific Party) et entre les deux, le Kiwi Party qui considère les «valeurs judéo-chrétiennes» comme le socle à la fois historique et nécessaire de l’identité néo-zélandaise.
    Si aucun d’eux ne peut espérer égaler les deux puissants partis qui structurent la vie politique néo-zélandaise – le parti travailliste et le National Party –, tous rêvent d’être le prochain «kingmaker» : celui qui, dans le système électoral semi-proportionnel de la Nouvelle-Zélande (MMP, Mixed Members Proportional, inspiré du système allemand) a en mains les quelques sièges décisifs dont dépend la formation d’une coalition gouvernementale.

     
     Photos: Taito Philip Field ; culte samoan à la Wesley Church (méthodiste) de Wellington (G. Malogne-Fer) ; parlement néo-zélandais (Y. Fer).