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sociologie - Page 6

  • Tahiti : Retour sur l'histoire du pasteur pentecôtiste "invité" chez les Catholiques

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    A la suite de ma note intitulée "Tahiti: Quand les Catholiques invitent un pasteur pentecôtiste pour parler sexualité", j'ai reçu  hier d'Aline Cicero, en commentaire, ce qu'on peut considérer comme un droit de réponse. Je reprends donc cette note. Voyons où sont les erreurs et quels enseignements on peut en tirer (mes commentaires sont en gris, le texte initial est en clair):

     La note débutait sur les articles publiés par les journaux locaux: jusque-là, pas de problème, sauf que - comme on verra plus loin - si ces réunions ont bien lieu dans un local catholique, elles ne sont pas pour autant organisées par ou pour l'église catholique.. Il y a quelques jours, le site d'information Tahiti Presse annonçait la visite prochaine à Tahiti du pasteur évangélique Philippe Auzenet, pour un séminaire de formation et une série de conférences publiques à la paroisse catholique "Sacré Coeur" d'Arue (côte ouest). Le thème de ces conférences: "sentimentalité, sexualité où mettre Dieu dans tout ça ?", "dysfonctionnements de l'identité et de la sexualité", "dépendances sexuelles: comment s'en libérer". Les articles publiés par Tahiti Presse et par les deux quotidiens locaux - les Nouvelles de Tahiti et la Dépêche de Tahiti - insistent surtout sur les dangers de la pornographie: "un fléau ravageur" (La Dépêche), un "tsunami sexuel" (Tahiti Presse).

     A partir du second paragraphe, les choses se compliquent. Les considérations générales sont justes, mais le cas qui devait les illustrer - la viste du pasteur Auzenet à Tahiti - s'avère en dépit des apparences moins "idéal-typique", moins exemplaire que je ne l'avais cru.

    Un pasteur évangélique chez les Catholiques ? Les articles restent très vagues sur l'identité confessionnelle de ce conférencier, laissant supposer que lui-même n'a pas fourni beaucoup d'indications sur ce point à ses interlocuteurs. Il a néanmoins semé des indices, qui valent la peine d'être relevés car ils mènent sur un terrain religieux particulièrement intéressant, au coeur de "l'offensive évangélique" décrite dans mon dernier livre (L'offensive évangélique, Labor & Fides, 2010): les programmes de "counseling chrétien" (ou "relation d'aide", "psychologie chrétienne").    

    1er indice: Ce n'est pas l'église catholique qui a organisé le déplacement du pasteur Auzenet, mais l'association "Vision de la moisson" dirigée par Edualdo Cicero, en photo dans l'article de la Dépêche. Ancien étudiant des universités évangéliques cln togo.jpgnord-américaines, collaborateur de l'organisation Wycliffe (fondée en 1933, ce réseau évangélique travaille à la traduction de la Bible en langues locales), à l'origine (avec son épouse) de la librairie chrétienne "Au vin nouveau"  à Arue puis à Papeete (elle a fermé en 2007), initiateur de soirées de musique chrétienne, de séminaires de formation, etc..., E. Cicero est depuis les années 1990 un promoteur infatigable des dernières tendances du pentecôtisme "troisième vague", ce credo évangélique charismatique qui met l'accent sur le combat spirituel et l'expérimentation poussée des "manifestations du Saint-Esprit". Il est aujourd'hui missionnaire de l'église "Christ Lumière des Nations" (CLN), une "église de réveil" basée à Cergy-Pontoise. VRAI et FAUX. On bute ici sur le statut d'E. Cicero: est-il ou non missionnaire? Travaille-t-il pour une institution, un réseau, une église? A. Cicero précise que ni son mari ni elle n'ont jamais été missionnaires de l'église CLN.

    Au-delà de leur cas personnel, c'est en fait le mode de fonctionnement des réseaux évangéliques charismatiques qui complique inévitablement la tâche des observateurs. Jusqu'à ce qu'une petite église Christ Lumière des Nations (CLN) n'ouvre récemment à Papeete (sous la direction du pasteur Tua, ancien pasteur de l'Assemblée de Dieu de Faa'a, dans la banlieue de Papeete), le site Internet  de CLN mentionnait en effet E. Cicero, sans préciser s'il s'agissait de son contact, correspondant, représentant ou missionnaire à Tahiti. Peut-on "faciliter l'installation d'une église" à Tahiti, comme l'indique A. Cicero, sans à proprement parler "travailler pour" cette église? On voit bien que les catégories  qui permettent de décrypter le fonctionnement du pentecôtisme classique deviennent facilement trop rigides lorsque l'on se tourne vers les milieux évangéliques charismatiques.

    2ème indice: Le pasteur Auzenet n'est pas à la tête d'une église, mais d'un "ministère itinérant", au travers une association dont il est le président, "Oser en parler", qui dispose d'un Jesus online.jpgsite Internet très détaillé: oserenparler.eu, "le site chrétien qui parle de la sexualité sans tabou" (Ph. Auzenet a par ailleurs un site personnel). Ce type d'entrepreneurs religieux indépendants, fonctionnant en réseaux relayés par Internet, sans affichage confessionnel autre que l'identité générique "chrétienne", s'est particulièrement développé dans les milieux évangéliques charismatiques: le "marché religieux" charismatique, où règnent libre concurrence et multiplication exponentielle de l'offre, se distingue de ce point de vue des formes d'"économie religieuse" plus encadrées, plus institutionalisées, comme celle des Assemblées de Dieu. 

    3 ème indice: Justement, les Assemblées de Dieu, principale église pentecôtiste de Polynésie française, ne sont pas au programme. Ces églises - qui appartiennent au pentecôtisme classique, passion_05_worship_edit.jpghistorique - prônent pourtant la mise en ordre des vies personnelles et une morale rigoureuse, notamment dans le domaine de la sexualité. FAUX. A. Cicero précise que le pasteur Auzenet a non seulement animé un culte des Assemblées, mais aussi participé à leur pastorale, qui réunit les pasteurs de cette église.

    Pourquoi cette idée, qui semblait confirmée par le programme diffusé dans les médias locaux (où les Assemblées n'apparaissent pas) était-elle crédible, vraisemblable? Pour les raisons que j'indiquais plus bas: il existe bien un écart entre pentecôtisme classique et évangéliques charismatiques, à Tahiti comme ailleurs. En dépit des relations amicales qui relient les uns ou autres, cet écart génère inévitablement, de temps à autre, des malentendus et des tensions, comme le montre l'histoire du pentecôtisme en Polynésie française. Ceux-ci s'expliquent par des conceptions différentes du rôle de l'église, de la notion d'appartenance et de l'équilibre souhaitable entre encadrement institutionnel et liberté individuelle des croyants. Ils portent en particulier sur deux points: l'implantation de nouvelles églises, concurrentes des Assemblées de Dieu, et la circulation de prédicateurs indépendants.

    Pour E. Cicero, et dans la conception évangélique charismatique, "Dieu est un Dieu qui aime la diversité et qui ne préconise pas l’unité dans la conformité mais dans la diversité" (entretien de 2002). Autrement dit, la multiplication d'églises pentecôtistes/charismatiques n'est pas source de confusion mais de richesse. Pour la plupart des pasteurs des Assemblées de Dieu, c'est au contraire une source potentielle de confusion, qui complique objectivement l'encadrement des fidèles. C'est pourquoi j'écrivais que ces pasteurs se méfient beaucoup de la "confusion" entretenue, à leurs yeux, par les charismatiques "troisième vague" et leurs expériences tous azimuts: larmes et cris exubérants, nuits de jeûne et prière, danses, transes et évanouissement ou exorcisme... Les membres de ces églises sont souvent moins réticents et circulent en "curieux" d'un lieu à l'autre, à la recherche de la nouveauté.

    Le rattachement officiel du "ministère" de Ph. Auzenet à la Fédération des églises du plein évangile de France (FEPEF) confirme cet écart avec le pentecôtisme classique: un réseau d'églises qui jusqu'en 1990 s'appelait "Fédération des églises libres de Pentecôte". Nous sommes bien en terrain "charismatique indépendant".

    4ème et dernier indice, pour ceux qui auraient encore un doute: La focalisation du militantisme évangélique conservateur, notamment dans sa version charismatique, sur les questions de sexualité - No_Gays(1).jpgconsidérées comme les symboles de la faillite morale des "sociétés sans Dieu". Ce militantisme s'exprime par le biais d'associations de défense des "valeurs familiales" ou "chrétiennes", qui s'opposent en particulier à l'égalité des droits entre homosexuels et hétérosexuels et au droit à l'avortement. Il se traduit également par le développement des programmes évangéliques de "counseling chrétien" ou "relation d'aide", programmes où l'identité homosexuelle  et autres "désordres sexuels" sont retraduits en "mal existentiel" qu'un mélange de psychologie et d'action du Saint-Esprit peut "guérir", en redonnant aux personnes concernées leur "véritable identité"... en Christ. Parmi les programmes les plus connus: ceux de Desert Stream Ministries, fondés par Andrew Comiskey (cité en référence biblio sur le site "Oser en parler") et importés en France sous les noms de Torrents de Vie et Torrents d'Espoir.

    sexualité& Dieu.jpgSur ces questions d'éthique sexuelle, un fossé sépare désormais les pasteurs évangéliques de leurs collègues réformés ou luthériens, comme le montrent les sondages pilotés dernièrement en France par S. Fath et J.-P. Willaime. 41% des pasteurs réformés et 42% des luthériens estiment que "les couples homosexuels devraient pouvoir être bénis dans les églises", ils ne sont que 2% chez les évangéliques. Respectivement 77 et 78% des pasteurs réformés et luthériens sont favorables au droit à l'avortement, contre 12% des pasteurs évangéliques (sondage à télécharger ici). Parmi les fidèles évangéliques, l'écart est moins net sur le droit à l'avortement (40% des évangéliques s'y disent favorables) mais il est sans appel concernant l'homosexualité: 85% des évangéliques sont opposés à la bénédiction des couples homosexuels (voir les résultats complets ici).

    benoit16.jpgC'est au dernier paragraphe et surtout dans la phrase de conclusion que se situe la seconde erreur majeure de ma note: l'idée que le pasteur Auzenet aurait été invité par l'église catholique. S'il intervient bien dans une salle paroissiale, c'est que - indique A. Cicero - c'était une des rares salles disponibles à la location.

    Il faut donc à nouveau se poser la question: pourquoi cette idée paraissait-elle vraisemblable? D'abord, du fait des convergences que je mentionnais et du discours simplement "chrétien" tenu par les militants du protestantisme évangélique charismatique: Il existe en revanche une évidente convergence entre ces positions évangéliques - et a fortiori  celles des militants évangéliques charismatiques - et le discours de l'église catholique. Convergence d'autant plus facile à réaliser que ces militants mettent toujours en avant une identité chrétienne qui est, au premier abord, très inclusive: c'est à la fois une réalité, dans la mesure où les évangéliques charismatiques accordent peu d'importance aux étiquettes et aux appartenances confessionnelles ; et un faux-semblant, parce que leur conception de ce qu'est un "vrai chrétien" implique en fait des éléments - comme la "nouvelle naissance" de la conversion, le "baptême du Saint-Esprit" voire l'engagement militant - qui sont loin d'être partagés par tous les chrétiens.

    Mais aussi parce que le pasteur Auzenet intervient par exemple sur Radio Notre Dame, la radio catholique. L'idée qu'un pasteur charismatique soit invité à disserter sur la sexualité par des responsables de l'église catholique était à ce point crédible... qu'elle a bien failli être exacte ! A. Cicero indique en effet que l'université privée catholique (ISEPP) de Tahiti "n'a pas pu honorer son engagement initial de tenir des conférences du Ps Auzenet du fait des dates d'examens de leurs étudiants mais se sont engagés à en faire la publicité".
    Il s'en sera donc fallu de peu pour que le titre initial de ma note soit finalement conforme à la réalité, et que les étudiants de l'université catholique (si ce n'étaient pas les paroissiens catholiques, comme je l'écrivais) reçoivent bien la visite d'un pasteur évangélique charismatique...
     Ce qui bien sûr n'enlève rien aux erreurs relevées par A. Cicero, que je remercie pour toutes les précisions qu'elle a apportées. Dont acte, comme on dit.

     

    Illustrations: "God-Love-Sex" (Travis Johnson) ; Enseigne de la Mission CLN à Kpalimé - Togo (site de l'église CLN) ; "Jesus online" (couverture de Time Magazine, décembre 1996, sous-titrée "Comment l'Internet façonne notre vision de la foi et de la religion") ; louange charismatique (Kicking the Gourd) ; "No Gays" (examiner.com) ; "Sexualité, qu'en pense Dieu?" (site catholique famillechrétienne.fr).

  • Jeunesse en Mission, 50 ans en images (3): portraits de militants évangéliques

    D&C Boyd.jpgPour terminer notre série d'été "50 ans en images" consacrée à Jeunesse en Mission (voir ma note du 15 mai), voici un aperçu de l'histoire de ce réseau missionnaire évangélique en huit points, huit portraits de "Jémiens" - YWAMers en version anglaise - tirés des archives photographiques mises en ligne à l'occasion du 50ème anniversaire de JEM.

    1. Loren Cunningham et le pentecôtisme classique

    cunningham1974.jpgJeunesse en Mission (Youth With a Mission, YWAM) a été fondée en 1960 par Loren Cunningham, que l'on voit ici sur une photo prise en 1974 et ci-dessous, avec son épouse Darlène (en 1988) devant l'inévitable mappemonde, qui rappelle l'expansion mondiale de YWAM.

    D&L cunningham 1988.jpg

    L. Cunningham avait 26 ans lorsqu'il a créé YWAM. Il était alors pasteur des assemblées de Dieu, responsable des activités de jeunesse du district de Los Angeles. Fils de pasteur (ses parents étaient pasteurs de cette même église) et petit-fils de prédicateur (au début du 20ème siècle, Grand-Père Cunningham prêchait déjà le "réveil" dans le Sud-Ouest américain), il a épousé en 1963 Darlène Scratch, elle même issue... d'une famille de pasteurs et missionnaires des assemblées de Dieu. En 1960, sans renier les valeurs de cette tradition familiale - un pentecôtisme classique, plutôt conservateur et majoritairement blanc - L. Cunningham cherche à renouveler les méthodes missionnaires et les modes d'expression du credo pentecôtiste pour séduire les nouvelles générations d'après-guerre.

    2. Floyd McClung, des Hippies au "Red District" d'Amsterdam

    McCLung2.jpgFils d'un pasteur de Long Beach, en Californie, Floyd McClung découvre en 1967 le mouvement hippie à San Francisco (voir note précédente) et ressent alors un "appel" pour ces "âmes perdues", qu'il suit jusqu'en Afghanistan. Son programme missionnaire, baptisé Dilaram, essaime ensuite en Asie et en Afrique du nord (Maroc). Mais en 1973, F. McClung s'installe à Amsterdam, où il poursuit son action missionnaire auprès des Hippies puis dans le quartier de la prostitution, le Red District. Il tire de cette expérience la conviction, également présente dans le mouvement des "marches pour Jésus" et la théologie du "combat spirituel", qu'une des priorités stratégiques doit être d'engager la "libération spirituelle" des territoires urbains, dominés par de "mauvais esprits".

    3. Lynn Green et les Marches pour Jésus: à la "reconquête" des villes

    Lynn Green 1976.jpgLynn Green est aujourd'hui "International Chairman" de YWAM, ce qui peut se traduire par "président du conseil de direction international": la "Team 3" où siègent également John Dawson (président international, voir plus bas) et Ian Muir, directeur international.

    En 1982, il est responsable de YWAM à Londres lorsque le réseau missionnaire organise une première marche dans le quartier de Earls Court, à l'ouest de la capitale britannique. Une seconde marche a lieu quatre ans plus tard à Soho, cette fois à l'initiative du réseau d'églises Ichtus Christian Fellowship. Ces marches expriment la volonté des milieux évangéliques et charismatiques de s'opposer publiquement à la libéralisation des moeurs et à ce qu'ils perçoivent comme une "déchristianisation" des sociétés occidentales. Ils veulent "reconquérir" les villes - puisque c'est là que le changement des moeurs semble le plus affirmé. En 1987, YWAM Londres, le réseau Ichtus, le réseau Pioneer et le chanteur évangélique Graham Kendrick organisent une "marche pour la ville" qui rassemble 15000 personnes. L'année suivante, la manifestation prend le nom de "Marche pour Jésus". Elle s'étend à d'autres villes britanniques, puis en Europe et dans toutes les régions du monde: le mouvement Global March for Jesus est devenu international. (Ci-dessous, "marche pour Jésus" à Hawaii, en 1998).

    march Jesus Kona.jpg

    4. George Otis Jr, hérault du "combat spirituel"

    Otis Jr.jpgGeorge Otis Jr (ci-contre en 1976), dont j'avais déjà parlé dans une note de mars 2008, dirige la société Sentinel Group, qui s'est spécialisée dans la diffusion de reportages vidéo illustrant l'efficacité supposée des combats de "libération spirituelle" de différentes villes sur tous les continents, notamment à travers la série Transformations. Aux côtés de John Dawson et de Peter C. Wagner - principal théoricien de cette théologie charismatique "troisième vague" -, il a beaucoup contribué à la diffusion du "Spiritual Warfare" (combat spirituel) et du "Spiritual Mapping" (cartographie spirituelle), dont YWAM est un des relais dans les milieux évangéliques.

    5. Don Stephens et les Mercy Ships

    Stephens 70s.jpgOfficiellement, la flotille de bateaux humanitaires et missionnaires des Mercy Ships est une organisation indépendante de YWAM depuis 2003. Dans les faits, ce sont bien les YWAMers qui forment l'essentiel des équipages, dans le cadre de voyages d'initiation à l'action missionnaire ou après une formation médicale plus poussée sur l'un des campus de l'université de YWAM (Université des nations). L'organisation Mercy Ships compte aujourd'hui trois navires, dont l'imposant Africa Mercy (152 mètres de long).

    Don Stephens est à l'origine de ce projet, élaboré au cours des années 1970. En 1973, YWAM croyait avoir trouvé son premier bateau: le Maori (ci-dessous), un ancien  bateau de liaison entre les îles néo-zélandaises qui a mobilisé toutes les énergies pendant près d'un an, en vain. Le projet ne s'est finalement concrétisé qu'en 1978 avec l'achat de l'Anastasis, qui pour son premier voyage en 1983 a mis le cap sur la Nouvelle-Zélande.

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    6. Daniel Schaerer et Jeunesse en Mission France

    Schaerer 1974.jpgFils d'un pasteur de l'église réformée, Daniel Schaerer (photographié ci-contre en 1974) rejoint Jeunesse en Mission en 1972 à Lausanne. Six ans plus tard, il emmène une petite troupe d'une trentaine de jeunes francophones en terres protestantes françaises et contribue à l'implantation durable de JEM dans un pays qui paraissait jusque-là particulièrement hostile à ce genre de visée missionnaire. Il devient le premier directeur national de JEM France. Sa filiation avec le protestantisme historique a grandement facilité l'intégration de JEM, qui installe son premier centre à l'est de Paris au Gault-la-forêt, dans un ancien orphelinat protestant, et adhère rapidement à la fédération protestante de France. A partir de 1978, c'est autour de l'église réformée de Belleville que Jeunesse en Mission développe ses activités en France.

    7. Linda Panci-Mc Gowen: des chants made in YWAM

    panci.jpg

    Désolé, je n'ai pas trouvé de meilleure photo de Linda Panci, qui apparemment ne figure pas dans les archives mises en ligne par YWAM. Un oubli surprenant, quand on pense non pas aux talents d'archivistes des YWAMers (très limités!) mais plutôt au rôle déterminant qu'elle a joué dans la diffusion du style YWAM dans l'ensemble du protestantisme, au moins francophone. Originaire du Midwest américain, elle s'est installée au centre Jeunesse en Mission de Lausanne au début des années 1970. En 1974, elle édite les premiers recueils de chants signés JEM, "J'aime l'Eternel": des chants simples et très rythmés, pour guitares, synthés et batteries. Un style qui a rapidement séduit de nombreuses églises protestantes soucieuses de "faire jeune". Une "révolution musicale" selon le pasteur belge Paul Vandenbroeck qui regrettait aussi, dans un texte publié en janvier 2006 sur le site www.protestanet.be, "beaucoup de rengaines répétitives (qui) voisinent avec des textes parfois pauvres, souffrant d'approximations de traduction et ne se préoccupant pas beaucoup des règles de la prosodie". Ci-dessous, une photo des années 1970, intitulée "YWAM singing group", sans autre précision.

    YWAM singing group.jpg

    8. John Dawson, président international de YWAM

    John Dawson 1986.jpgJohn Dawson est un personnage emblématique de l'histoire et des transformations récentes de YWAM. Son père est un homme d'affaires néo-zélandais, sa mère Joy a très tôt enseigné dans les sessions de formation de YWAM et ils ont été parmi les premiers à accueillir L. Cunningham en Nouvelle-Zélande, en 1967. John Dawson n'a pas grandi en Nouvelle-Zélande, mais à Los Angeles où ses parents ont émigré lorsqu'il était adolescent. Son accession à la présidence international du réseau, où il a succédé en 2003 à un autre Néo-zélandais, Franck Naea, rappelle néanmoins l'influence importante qu'a eu ce petit pays dans l'histoire de YWAM.

    C'est aussi la Nouvelle-Zélande qui lui a inspiré au début des années 1990 un rapprochement entre la théologie du combat spirituel (dont il est l'un des promoteurs, notamment avec un livre publié en 1989, Taking Our Cities for God) et les peuples autochtones, considérés comme des acteurs-clés de l'action missionnaire, en tant que "gardiens spirituels" des territoires à "conquérir". Enfin, il a fondé en 1990 l'International Reconciliation Coalition, qui promeut une "réconciliation" aux contours souvent ambigus, entre bonne volonté et activisme missionnaire: une réconciliation ancrée dans cette même théologie du combat spirituel où le rapport au territoire et aux "racines du passé" qui y sont enfouies invite à "dénouer les liens" empêchant les camps en conflit de se réconcilier, mais surtout de se convertir au christianisme, version évangélique.

  • Jeunesse en Mission : retour en images sur 50 ans de militantisme évangélique (1)

    historical_outreach.jpgCette première note inaugure notre "série de l'été": une plongée dans les albums photos de l'organisation évangélique Jeunesse en Mission (JEM, Youth With a Mission ou YWAM en anglais), dans le prolongement de mon dernier livre, L'offensive évangélique. Voyage au coeur des réseaux militants de Jeunesse en Mission (voir note précédente).

    Il est assez rare que ce type d'organisation, entièrement tournée vers l'action et peu encline à la nostalgie - ou même à l'archivage - prenne le temps de revenir sur son passé. Pour  marquer la célébration de ses 50 ans (elle a été fondée en 1960 par Loren Cunningham), YWAM a néanmoins mis en ligne sur un site dédié une série de trois diaporamas (pour les voir cliquer ici) tirées d'archives photographiques conservées pour la plupart sur le site de partage smugmug.com. C'est l'occasion de revenir en images sur les premières années d'un des plus grands réseaux missionnaires actuels, qui s'est notamment implanté dans le Pacifique dès les années 1970 (1967 en Nouvelle-Zélande).

    A. YWAM et les hippies

    van volkswagen.jpgOn retrouve dans les récits des premiers missionnaires de YWAM (les "YWAMers") les mêmes histoires de voyage en vans Volkswagen rafistolés, poussés sur les routes de l'Asie que suivaient à la même époque les Hippies. Pour les jeunes évangéliques des années 1960-70, YWAM marque en effet une rupture générationnelle avec les contraintes des églises "à la papa", une envie de prendre l'air sans être soumis à l'autorité des pasteurs et en échappant aux normes de la société consummériste.

    Mais la photo ci-dessous, prise dans les années 1960 au carrefour de Haigth et Ashbury Streets - l'épicentre du mouvement hippie à San Francisco - souligne aussi le profond décalage entre jeunes hyppies et  jeunes évangéliques de YWAM, qui entendent surtout sauver leur génération de la "perdition morale".

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    C'est pour combler ce décalage qu'un des futurs leaders de YWAM, Floyd McClung, se lance en 1970 dans un périple en Land Rover sur le Hippie Trail, la route qui mène vers l'Orient. Les premiers pas sont difficiles, mais YWAM en tirera un principe essentiel, décliné sur tous les registres de la culture jeune McClung 1976.jpgcontemporaine: ce que F. McClung (ci-contre, en 1976) a appelé le "principe spirituel d'identification" et qui consiste à adopter une partie du style de vie et des codes culturels des groupes visés par l'action missionnaire, non pour les éradiquer mais pour les "convertir" en une nouvelle culture, incluant un credo évangélique conservateur. Autrement dit, une libération radicale des modes d'expression et une ouverture aux cultures contemporaines mises au service d'un retour aux "valeurs morales chrétiennes". En 1973 F. McClung s'installe à Amsterdam, autre lieu de rassemblement du mouvement hippie, sur une péniche baptisée "L'arche".

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    Dans cette stratégie d'adaptation culturelle, la musique a joué un rôle déterminant, surtout avec l'élaboration à partir de 1974 (premier recueil "J'aime l'éternel" édité par Linda Mc Gowen à Jeunesse en Mission Lausanne) d'un nouveau style de chants, rapidement adopté par les églises protestantes qui s'efforçaient de trouver un ton plus "jeune" pour séduire les nouvelles générations.

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    B. Premières campagnes missionnaires

    La première campagne de YWAM - un "service d'été" - emmène 146 jeunes volontaires aux îles Bahamas en 1964. Il n'y a à l'époque aucune formation préalable (la première école d'évangélisation est lancée en 1969).

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    L'action missionnaire s'appuie essentiellement sur les relations personnelles que les jeunes YWAMers établissent avec les populations des pays visités, au détour des rues ou à l'occasion de spectacles/prédications qui s'efforçent d'attirer l'attention des passants. Des rencontres et des réunions de prière (en particulier autour de la guérison) sont ensuite organisées au domicile des personnes qui se montrent intéressées.

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    Dès 1972, avec les Jeux olympiques de Munich, les grands événements sportifs fournissent un autre terrain à l'activisme de YWAM, qui peut ainsi toucher des populations originaires de pays où l'action missionnaire est interdite, notamment au-delà du rideau de fer. Ci-dessous, deux photos prises lors des Jeux olympiques de Montreal, en 1976.

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    Au cours des années 1970, YWAM arpente ainsi tous les continents et implante des centres en Amérique latine, en Afrique, dans le Pacifique. Toutes les cultures et tous les domaines de la vie sociale sont concernés par cette entreprise missionnaire, y compris la politique comme le rappelle la dernière photo ci-dessous , dont la légende indique qu'elle a été prise à l'occasion d'une "réunion de prières pour les femmes, au Pentagone" (women's prayer meeting at the Pentagone).

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    Prochain épisode: Les premiers pas de Youth With a Mission dans le Pacifique.