Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Yannick Fer - Page 27

  • Des églises "sans étiquette": le protestantisme évangélique à Central Wellington (Carnet de route NZ 3)

    b4d4c73da6a741c8559a7d244f9e526c.jpgDimanche 16 décembre 2007 à 17 heures, l’Arise Church présente son spectacle de Noël («Christmas Production») à l’Opera House de Manners Street, au centre de Wellington. La salle de 850 places est comble, on a installé les mères avec enfants au balcon et le parterre est essentiellement constitué de jeunes pakeha (Néo-zélandais d’origine européenne), même si on aperçoit aussi quelques Pacific People. Le culte est organisé comme une sorte de spectacle-concert: une succession de musique rock, de chants de Noël et de chorégraphies, avant que le jeune «Senior Pastor» John Cameron bondisse sur scène pour une prédication aussi brève (30 minutes) qu’énergique. En deux mots, Jésus-Christ nous apporte la lumière pour nous sauver des ténèbres, le seul cadeau qui dure plus longtemps qu’une soirée de Noël. Même si lea21f5c47f2d090259a7ef78e2522d9fd.jpg consumérisme n’apporte pas la «paix durable» de la conversion, il y aura quand même eu un peu plus tôt un heureux gagnant dans la salle, lorsque John Cameron invite les spectateurs à regarder sous leur siège à la recherche d’une petite pastille de couleur, pour gagner... un lecteur Mp3 !
    Mais le but de la soirée est d’abord de gagner de nouveaux convertis, avec un appel insistant à ceux qui veulent s’avancer jusqu’à la scène pour «donner leur cœur à Jésus». Lancée en novembre 2002, Arise Church est une des églises évangéliques sans étiquette dénominationnelle qui s’efforcent d’attirer la jeune génération néo-zélandaise vers un christianisme apparemment débarrassé de ses aspects contraignants, institutionnels et «ringards». Ses cultes dominicaux ont habituellement lieu au Paramount Theatre, sur Courtenay Place, l’un des hauts lieux de la vie nocturne à Wellington.
     
    C’est aussi ici, dans la circonscription Wellington Central, que les Greens, les écologistes néo-zélandais, ont obtenu en 2002 et en 2005 leur plus haut score (autour de 16%). En dépit de relations cordiales avec certains milieux chrétiens progressistes (comme l’aile gauche de l’église méthodiste), les Greens symbolisent pour beaucoup d’évangéliques la sécularisation de la société néo-zélandaise. Ils ont notamment été à l’origine de la dernière mobilisation des réseaux évangéliques, en faisant voter à l’assemblée en 2007 une loi (baptisée «anti-smacking Bill» par ses opposants) interdisant toute punition corporelle des enfants : une loi jugée «anti-famille» par la droite chrétienne qui cherche à l’abolir en rassemblant suffisamment de signatures pour obtenir un referendum. Wellington Central est en outre, selon le recensement de 2001, la circonscription la plus diplômée (avec 36% de la population de 15 ans et plus détenant un diplôme universitaire, soit trois fois la moyenne nationale) et celle qui compte la plus forte proportion de 20-30 ans (26,7%) (1). A priori, pas vraiment le terrain idéal pour remplir des églises évangéliques…
     
    c8875e3a1955ce20535a2d209aaad142.jpgElles sont pourtant plusieurs à y rencontrer un certain succès, en adaptant leur mode d’expression (musique et format des cultes), leur discours (style «jeune», prédications souvent plus courtes) et leur organisation (Life groups, réunions et cultes de jeunes). Certaines ont conservé une étiquette dénominationnelle classique, comme la Elim Church (l’une des plus anciennes dénominations pentecôtistes, née au début du 20ème siècle en Grande-Bretagne). Mais beaucoup sont désormais sans étiquette, une stratégie adoptée également par des organisations missionnaires de jeunesse – Youth for Christ s'est ainsi rebaptisé Incedo en Nouvelle-Zélande - pour se démarquer du christianisme institutionnel. L’une des dernières arrivées est l’église Equippers, une branche de l’église apostolique (pentecôtiste) de Grande-Bretagne, qui organise des cultes dans le centre-ville et à Porirua, la banlieue de Wellington où vivent beaucoup de Pacific People.

    Autre église sans étiquette : dimanche 25 novembre, à deux pas de Courtenay Place, culte de The Street. Ici, pas d’appel insistant à la conversion, les cultes cherchent avant tout à mettre l’assistance (membres d’église et nouveaux venus) à l’aise et même le groupe de musique rock n’agresse pas les tympans. L’évangélisation se veut relationnelle : ce dimanche, un homme vient témoigner sur scène de la manière dont il a noué des relations avec deux personnes de passage dans son quartier, à l’occasion d’une partie dec1a236b2db09610860567afc81802416.jpg pêche. Ils n’ont pas encore parlé de religion, mais ça viendra sans doute… on peut difficilement faire plus soft. L’organisation de l’église est elle aussi plus relationnelle qu’institutionnelle. Une logique de désinstitutionalisation liée à l’évolution de la société néo-zélandaise contemporaine? Pas seulement, car The Street n’est pas une église récente créée pour capter l’air du temps : c’est en fait l’une des plus anciennes églises évangéliques de Wellington, issue du mouvement darbyste des Open Brethren (les «frères larges»). Son histoire remonte à 1913, lorsque l’assemblée de Vivian Street décide de se tourner vers les familles déshéritées du centre-ville, une mission qui a donné naissance à une église dix ans plus tard et construit un bâtiment en 1928. Dans les années 1950, elle déménage à Elisabeth Street, au pied du mont Victoria. Son nom officiel est alors the Elisabeth Street Church, mais on la désigne plus couramment par l’abréviation «E Street». En 2002, la croissance de l’église conduit à un nouveau déménagement, sur Hania Street, le E disparaît et l’église ne garde finalement que le nom de «The Street».

    e40ba633aa3dfdaaec700cec66326ab7.jpg Dans la vallée qui conduit vers Johnsonville et Porirua, au nord de Wellington, l’église The Rock est l’une des plus «trendy»* de Wellington. D’orientation évangélique charismatique, elle tire son nom (outre la référence biblique implicite) du lieu où elle s’est installée, une ancienne carrière. Cela pourrait tout aussi bien indiquer le style de musique que l’on peut y écouter. Son mode d’organisation est assez proche de celui de The Street, avec une équipe pastorale (on est prié d’appeler les membres de l’église non par leurs titres mais par leurs prénoms), des Life Groups (ou cellules de maison), des groupes de jeunes, des sessions de formation et une évangélisation qui se veut encore une fois relationnelle, au risque de restreindre l'espace social de recrutement – en l’occurrence les classes moyennes pakeha. Le fondateur de l’église, Anthony Walton (issu du mouvement pentecôtiste néo-zélandais des New Life churches), est aussi l'ancien leader de Future New Zealand, un parti politique chrétien allié jusqu'en 2007 aux centristes de United New Zealand (il était aussi jusqu’en 2007 le Deputy leader (n°2) du parti United Future New Zealand né de cette alliance, jusqu’à leur rupture suite à un désaccord sur l’anti-smacking Bill). The Rock a parrainé l’émergence récente, au centre-ville de Wellington, d’une église baptisée Blue Print, basée dans un café et qui se présente comme «a church for the un-churched, a movement for the lost and disenfranchised»*.



    1. Raymond Miller (ed.), New Zealand government and politics, 4ème édition, Oxford University Press, 2006:395-96.
    * "tendance" ; "une église pour les sans-église, un mouvement pour les perdus et les sans-droit".

    Photos: Y. Fer et G. Malogne-Fer (d.r.) 


  • "No Label" Churches: Evangelicals in Wellington Central (New Zealand)

    b4d4c73da6a741c8559a7d244f9e526c.jpgSunday, December 16 2007. At 5 pm, Arise Church presents its “Christmas Production” at the Opera House on Manners Street, in Wellington Central. The room is full, mothers with young children have been installed on the balcony and the stalls are mainly occupied by young Pakeha (New Zealander from European descent), with some Pacific People too. The service is arranged as a kind of concert-show: a set of rock music, Christmas songs and choreographies, before the young Senior Pastor John Cameron jumps on stage for a short (30 minutes) but energetic sermon. To make it short, Jesus Christ is bringing us the light to save us from darkness and this is the only gift which lasts longer than a Christmas night. Even if consumption doesn’t provide the “long-lasting peace” of the conversion, there was a happy winner some minutes before in the room, when John Cameron invited the public to look under their seats for a small coloured sticker, to win…a Mp3!
    But the first purpose of this event is to win new converts, with an insistent call to those who want to step forward and “give their heart to Jesus”. Launched in November 2002, Arise Church is one of the Evangelical Churches with no denominational label who strive to attract the New Zealand young generation to a Christianity apparently relieved of its constraining, institutional and “old fashion” components. Its services usually take place at the Paramount Theatre on Courtenay Place, one of the favourite places of Wellington nightlife.


    It’s also here, in the Wellington Central district, that the Greens, the New Zealand ecologists, gained their highest scores in the 2002 and 2005 elections (around 16 per cent). Despite friendly relations with some progressive Christians (like the left wing of the Methodist Church), the Greens are for many Evangelicals the symbol of the secularisation of the New Zealand society. They notably gave raise to the last mobilisation of the Evangelical networks with a Bill adopted in 2007 by the Parliament and called by its opponents the “Anti-Smacking Bill”, forbidding corporal punishment of children: a law seen as an “anti-family” law by the Christian Right who is now trying to get enough signatures on its petition to organise a referendum.
    Wellington Central has also, according to the 2001 Census, the highest rate of graduated people (with 36 per cent of its population aged over 15 having a University degree, 3 times bigger than the national average) and the highest rate of 20-30 years old (26,7 per cent) (1). So maybe not the good profile if you want to fill an Evangelical church…


    c8875e3a1955ce20535a2d209aaad142.jpg And yet, there are several Evangelical Churches encountering a real success there, adapting their expression (music and service’s style), their message and their organisation to youth’s expectations. Some of them have kept their classic denominational label, like the Elim Church (one of the oldest Pentecostal denominations, established in the beginning of the 20th century in Great-Britain). But many are “no label” Churches, a strategy also chosen by some youth missionary organisations – Youth for Christ for example has been renamed Incedo in New Zealand – to distance themselves from institutional Christianity. Equippers, a branch of the Apostolic (Pentecostal) Church of Great-Britain, is one of the latest launched in Wellington and holds its services in Wellington Central and in Porirua, a suburb where many Pacific People live.


    Another no label Church: Sunday, November 25, close to Courtenay Place, a service at the Street. No insistent call to conversion here, the services mostly strive to make people (both Church members and newcomers) feel comfortable and even the rock music band doesn’t attack eardrums. Evangelisation is relational: this Sunday, a man comes on stage to explain how he took the opportunity of a fishing trip to get in touch with two persons in his neighbourhood. They haven’t talked about religion yet, but certainlyc1a236b2db09610860567afc81802416.jpg time will come… It would be difficult to find a softer approach. The functioning of the Church itself is more relational than institutional. A disinstitu- tionalisation process, related to the evolution of the New Zealand society? Not only. The Street is not a new Church created to catch the mood: it is in fact one of the oldest Evangelical Churches in Wellington, stemming from the Open Brethren movement. Its story gets back to 1913, when the Vivian Street Assembly decided to turn to the inner-city deprived families, a mission work which gave birth to a Church ten years after and got its own building in 1928. In the 50s, the Church moved to Elisabeth Street, at the bottom of Mount Victoria. Its official name was then the Elisabeth Street Church, but it was more simply called the “E Street”. In 2002, the growth of the Church led it to move to Hania Street, the E disappeared and the Church finally kept only the name of “The Street”.


    e40ba633aa3dfdaaec700cec66326ab7.jpg In the valley leading to Johnsonville and Porirua, North of Wellington, the Rock church is one of the more trendy Churches of the area. Evangelical and Charismatic, this Church took its name (besides the implicit biblical reference) from the place where it was established, in a former quarry. It could also indicate the style of music that can be heard there. Its functioning is relatively close to The Street’s organisation, with a pastoral team (please don’t call them by their titles but by their first names), Life Groups, youth groups, training sessions and an evangelisation that is mainly relational, at the risk of tightening its social sphere of influence to one milieu – the Pakeha middle classes. The founder of the Church, Anthony Walton (coming from the New Zealand Pentecostal movement of New Life Churches) is also a former leader of Future New Zealand, a political party allied with the Centrists of United New Zealand until 2007 (he was also the Deputy leader of the alliance, called United Future) when they broke up after a disagreement on the “Anti-Smacking Bill”. The Rock is also supporting Blue Print, a new youth Church based in a café in Wellington Central, which presents itself as “a Church for the un-churched, a movement for the lost and disenfranchised”.



    1. Raymond Miller (ed.), New Zealand government and politics, 4th edition, Oxford University Press, 2006:395-96.

    Photos: Y. Fer et G. Malogne-Fer ©

  • West City Christian Centre, mega-church multiculturelle (carnet de route NZ 2)

    3b6b2113eecb6422d93c51272d07eb99.jpgLe 10 octobre 2007, le West City Christian Centre (WCCC) d’Auckland célébrait pour la première fois le Fidji Independence Day, jour anniversaire de l’indépendance fidjienne (acquise en 1970). Une manière de mettre en avant son identité multiculturelle, qui se retrouve notamment au sein des «life groups» mis en place par cette mega-church pentecôtiste. L’église en compte plus d’une trentaine, des petits groupes affinitaires où on se rassemble entre voisins, entre amis, par centre d’intérêt – familles avec enfants, jeunes mariés, business, études bibliques, «addiction group», etc. – mais aussi par identité culturelle : Maori, Tuvalu.
    Le West City Christian Centre compte en outre plusieurs groupes de danse, qui ont participé à l’animation de la soirée du 10 octobre: danses fidjiennes, indo-fidjiennes, tuvalu et rotuma (une île polynésienne incluse dans les îles Fidji).
    Alors que les communautés pentecôtistes de Pacific People ou de migrants asiatiques (en particulier coréens) ont souvent créé leurs propres églises – la plus importante étant les assemblées de Dieu samoanes – ici la diversité culturelle est intégrée à la dynamique des mega-churches, qui tout en rassemblant plusieurs milliers de personnes, organisent en leur sein une vie sociale fondée sur des relations de proximité et la multiplication des activités.

    Le West City Christian Centre était à l’origine la West City Assembly of God d’Auckland. Les assemblées de Dieu néo-zélandaisesb4a50ec48791a899c1cacdce6c712955.jpg  ont connu de nombreuses scissions depuis leur fondation au cours des années 1920. Leur histoire vient d’être retracée par Ian G. Clark, dans un livre paru en 2007, Pentecost at the Ends of the Earth. On y apprend que le pasteur d’origine indienne, Tak Bhana, qui dirige aujourd’hui le WCCC, a été recruté en 1988 suite à une «crise de leadership» ayant entraîné le départ du précédent pasteur. Au cours des dix années suivantes, l’église est devenue l’une des plus dynamiques et des plus grandes assemblées de Dieu de Nouvelle-Zélande. Mais en 1998, elle a finalement quitté les assemblées de Dieu pour devenir une église indépendante.

    bec9d64f362b796c5ca18cea60c4cd3b.jpgMusique rock, gospel ou groupes culturels, les cultes du WCCC sont un spectacle efficace et professionnel, dont on peut d'ailleurs acheter l’enregis- trement sur DVD. Les prédications du pasteur Bhana cherchent avant tout à être percutantes, comme ce dimanche soir 14 octobre où de 18h à 19h, le culte est axé sur la disparition des «peurs» : en une heure chrono, grâce à la prière et à la lecture de quelques versets-clés, vous allez vous débarrasser de toutes vos peurs, annonce-t-il, avant de conclure la réunion par le traditionnel appel à ceux qui veulent «donner leur cœur à Jésus»…. jusqu’au compte à rebours final, car la réunion se termine à 19h pile. Dans la salle, des Néo-zélandais de toutes origines et de tous âges, y compris des jeunes qui, dans leur ensemble, ont pourtant tendance à déserter les églises.
     
    40b4ea4022bec798b3c333bfe35d076d.jpgL’église compte deux auditoriums de plus de mille places, entourés comme il se doit de grands parkings. Elle a ses propres activités missionnaires, en Chine, aux îles Salomon et au Cambodge, où une église a été implantée. Début octobre, une douzaine de jeunes de l’église reviennent justement d’un séjour missionnaire au Cambodge, dont ils présentent un compte rendu en ouverture du  culte du 14 octobre.
    Le WCCC gère également le West City Christian College, qui comprend une école primaire et «secondaire» (Secondary School, jusqu’à 13 ans).

    Enfin, une mega-church se doit d’avoir son service multimédia, baptisé ici Running With Fire, qui produit des programmes pour la télévision (sur la télévision publique TV3 et sur une chaîne de télévangélisation du cable, Shine TV) et pour Radio Rhema, la station de radio évangélique néo-zélandaise. Le magazine Running With Fire, soustitré «Apostolic Equipping Nations», n’en est encore qu’au numéro 2. Après un texte de Tak Bhana sur le «pouvoir de la foi» où on le voit portant un tee-shirt rouge «Mountain movers», le magazine donne la parole à des animateurs d’autres mouvements, des mega-churches comme Willow Creek à Chicago ou de réseaux missionnaires internationaux : Pathfinders International, Bahamas Faith Ministries International.
    Le West City Christian Centre se situe sur le versant «libéral» ou «Charismatic» du pentecôtisme, ce qui le distingue à la fois des assemblées de Dieu ou de l’église apostolique, plus classiques, et d’autres églises pentecôtistes nettement conservatrices comme Destiny Church ou City Impact Churches, en première ligne des récentes mobilisations contre des lois jugées anti-chrétiennes (voir note précédente).