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ségolène royal

  • Ségolène et la Polynésie : quelques mots sur l'élection présidentielle

    Quelques mots sur les résultats de l'élection présidentielle en Polynésie française. Je vous en avais parlé dans une note du 30 avril 2006, "Oscar Temaru et Ségolène Royal ou le salut par les femmes": la candidature de Ségolène Royal, soutenue par l'Union pour la démocratie (UPLD) de l'ancien président indépendantiste Oscar Temaru, a suscité en Polynésie française une mobilisation inédite: comités Désirs d'avenir, meetings, marches, site Internet... et même une version polynésienne d'un air connu, que vous trouverez ci-dessous en version karaoke, pour tous ceux qui parlent tahitien ou qui souhaitent s'y initier!

     


    Ségolène ROYAL karaoke de TAHITI NUI
    Vidéo envoyée par heinui
    La candidate socialiste avait recueilli au premier tour de l'élection présidentielle, dans l'ensemble de la Polynésie française, 41,64% des voix (contre 45,18% à Nicolas Sarkozy et 7,14% à François Bayrou). Au second tour, elle a obtenu 48,11%, tandis que le taux de participation atteignait un niveau inédit, à 74,68%. Dans la circonscription Ouest des prochaines élections législatives (les communes de l'Ouest de Tahiti, Moorea-Maiao, les Iles Sous-le-Vent et les îles Australes), elle devance même d'une courte tête (50,06%) le candidat de l'UMP.

    Elle est en tête dans l'ensemble des Iles Sous-le-Vent (50,13% et 50,59% à Bora Bora, l'île dirigée par l'actuel président du gouvernement local, Gaston Tong Sang), aux îles Marquises (51,15%) et aux Tuamotu Ouest (52,82%). Sur l'île de Tahiti, plusieurs communes dirigées par les alliés locaux de l'UMP ont également basculé: Hitiaa, Paea, Papara. Nicolas Sarkozy obtient quant à lui ses meilleurs scores dans la commune de Pirae, dont le maire est Edouard Fritch (gendre de Gaston Flosse, Tahoeraa Huiraatira) avec 70,15% et à Punaauia (côte Ouest) avec 59,49%. Trois des cinq îles des Australes ont placé Ségolène Royal en tête et Raivavae lui offre un score impressionnant de 63,36% - Rurutu (dont le maire est actuellement ministre de l'agriculture) et Rapa restant à droite. On peut donc s'attendre à des élections législatives très disputées et à des élections municipales décisives en 2008. Sans parler d'un possible renouvellement de l'Assemblée locale, car une dissolution après l'élection présidentielle était évoquée depuis plusieurs mois.

    Comme le rappelait encore récemment Jean-Marc Regnault, spécialiste de l'histoire politique polynésienne, dans le magazine Tahiti Pacifique, les résultats des élections nationales y sont traditionnellement influencés par des préoccupations locales et par les consignes de vote des tavana, les maires. Ce système politique local s'appuie sur des réseaux familiaux (famille élargie du maire et "chefs de famille" lorsqu'ils conservent une autorité suffisante) et des relations de clientèle (octroi d'aides ou d'avantages contre une fidélité électorale) qui incluent notamment les églises.

    Les subdivisions paroissiales comme les 'amuira'a protestants, en particulier, ont longtemps servi de relais aux maires qui s'en remettaient à l'autorité des diacres responsables de ces  'amuira'a pour obtenir, en échange d'un soutien matériel et financier aux activités paroissiales, un vote en leur faveur. Comme l'explique Gwendoline Malogne-Fer (dans un article à paraître prochainement dans un livre coordonné par Jean-Marc Regnault et Jean Baubérot sur le thème des relations autorité-églises outre-mer), ces pratiques ont amené l'église protestante historique (église protestante ma'ohi) à interdire à ses diacres, évangélistes et pasteurs de se présenter aux élections, à moins d'avoir au préalable démissionner de leurs fonctions ecclésiales. Beaucoup de ces responsables d'église, par ailleurs engagés au côté du parti de Gaston Flosse, se trouvaient en effet en contradiction avec les positions défendues par leur église, sur la question nucléaire en particulier (opposition aux essais nucléaires pratiqués par l'armée française à Moruroa et Fangataufa), puisque les consignes de leur parti politique les empêchaient de participer aux manifestations initiées par leur église.

    Dans les îles éloignées qui craignent souvent d'être "oubliées", comme à Rapa (l'île la plus éloignée des îles Australes, où N. Sarkozy recueille 85,76%), la dépendance accrue vis à vis du gouvernement local renforce encore la force de ces obligations et il est fréquent que le maire incite ses administrés à "bien voter" pour assurer à la commune l'obtention de subventions.

    Pour autant, Jean-Marc Regnault souligne que dans certaines communes, l'électorat apparaît, dès 1995, peu "discipliné" : à Papeete, Arue et Punaauia. Et les consignes de vote des maires perdent peu à peu de leur efficacité - phénomène qu'il observe  dès 1993 dans la circonscription Ouest. L'électoral polynésien est aujourd'hui plus "volatil" et la chute de ce qu'on a appelé le "système Flosse", appuyé sur un contrôle serré des votes par quartier, l'a confirmé en 2004. Cette évolution reflète les transformations de la société polynésienne, perceptibles aussi dans le domaine religieux, avec une émancipation relative des individus vis à vis des structures collectives d'autorité - familles ou autorités ecclésiales - et la volonté de plus en plus répandue d'affirmer une liberté de choix personnelle pour, comme on dit "faire sa vie". Cette tendance, qui conduit à changer d'église, peut aussi bien conduire à changer de vote.

    Enfin, trois autres éléments peuvent expliquer ces résultats du second tour des élections présidentielles en Polynésie française, jugés encourageants pour les soutiens de Ségolène Royal et décevants par ceux de Nicolas Sarkozy:

    - La division des alliés locaux de l'UMP, entre les fidèles de Gaston Flosse et ceux du président Gaston Tong Sang, ce qui a incité celui-ci à déclarer, selon Les Nouvelles de Tahiti: "ces résultats nous invitent surtout à nous mettre ensemble pour faire face aux prochaines échéances électorales, sinon, on va à la catastrophe".

    -  Un intérêt plus fort que précédemment pour les élections nationales et plus spécifiquement pour les débats autour des valeurs devant servir de fondement à la vie sociale, c'est-à-dire à la fois les valeurs de la république - auxquels la grande majorité des Polynésiens sont très attachés - et des valeurs mises en avant par Ségolène Royal telles que la solidarité, l'ordre juste, l'importance de la famille, la jeunesse qui rencontrent en Polynésie française un écho particulier.

    - Enfin, ce que j'évoquais dans ma note d'avril dernier: l'idée qu'en France, comme en Polynésie française, le "temps des femmes" est venu, parce qu'elles jouent déjà un rôle important dans la société et parce qu'elles seraient porteuses d'un renouveau de la pratique du pouvoir, plus pragmatique, plus à l'écoute, plus proche des préoccupations quotidiennes. 

  • Oscar Temaru et Ségolène Royal ou le salut par les femmes

    Oscar Temaru, le président indépendantiste de la Polynésie française, a annoncé le 28 avril que lui et son gouvernement ont « décidé de parrainer la candidature de Ségolène Royal aux fontions de président de la République française ». En référence aux récents succès féminins en Allemagne et au Chili, il a évoqué – rapporte l’agence Tahiti Presse - un "vent de féminisme » et estimé que Ségolène Royal apporterait une « nouvelle gouvernance » à la France.
    Le parti indépendantiste qu’il préside, le Tavini Huiraatira, a souvent été considéré comme peu favorable à la cause des femmes, notamment parce que la lutte contre la domination française s’accommode mal d’une lutte des femmes contre la domination des hommes ma’ohi (autochtones), et que dans l’imaginaire colonial les femmes sont facilement soupçonnées d’être trop conciliantes : en se mariant avec des métropolitains, en réussissant mieux à l’école française ou en nouant des relations plus suivies avec les administrations (en particulier les services sociaux et de santé qui assurent le suivi des enfants, dont elles ont la charge). Mais avec l’entrée en vigueur de la loi sur la parité en politique – mieux appliquée en Polynésie française qu’en France métropolitaine – on a vu apparaître sur la scène politique polynésienne des militantes indépendantistes qui témoignent de ce que l’engagement en politique est désormais, dans tous les camps, aussi une affaire de femmes. Plusieurs figures féminines occupent aujourd’hui le premier plan de la scène politique polynésienne, comme Béatrice Vernaudon (députée UMP) ou Nicole Bouteau (leader du parti autonomiste No Oe e Te Nunaa).
    Gwendoline Malogne-Fer, dans une thèse de sociologie consacrée aux femmes dans l’église évangélique de Polynésie française (église protestante historique, rebaptisée église protestante ma’ohi en 2004) et dans un article publié en 2005 dans la revue en ligne REVER s’est intéressée à la féminisation du pouvoir en Polynésie française et aux représentations des différences de genre qui l’accompagnent. Elle montre bien comment le thème d’un « salut par les femmes » est mis en avant par les dirigeants d’église comme par les dirigeants politiques.
    Alors que des femmes au sein de l’église ont revendiqué l’accession au pastorat (accordée en 1997) au nom d’une égalité de compétences, les dirigeants d’église et les hommes politiques misent plutôt sur la différence de genre, avec des conséquences assez paradoxales, que l’on retrouve bien dans les réactions suscitées en France métropolitaine par la candidature de Ségolène Royal. C’est en effet en grande partie parce qu’elles n’ont pas (encore) accès au pouvoir le plus officiel et que l’on ne leur reconnaît pas spontanément une autorité « naturelle » que les femmes ne peuvent être que proches des gens, modestes, à l’écoute, etc… On attend donc d’elles qu’elles transforment ces faiblesses en atouts et « inventent autre chose » afin de réformer des institutions que l'on ne sait plus comment transformer, ce qui place ces femmes dans une situation souvent difficile et les oblige à toujours faire plus et mieux que leurs homologues masculins.
    Enfin, lorsque les femmes deviennent pasteures, la question que ne tardent pas à poser les paroissiens habitués au modèle du « couple pastoral » (homme pasteur, épouse de pasteur travaillant bénévolement auprès de son mari et des femmes de la paroisse) est bien sûr : "et son mari ?" Pourquoi a-t-il « laissé sa place » à son épouse, et quel rôle va-t-il pouvoir jouer ? Autrement dit, le même type de questions que l’on voit agiter en France par certains commentateurs politiques habitués à conjuguer le pouvoir au masculin…
    (photo G. Malogne-Fer, d.r.)