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  • Oscar Temaru et Ségolène Royal ou le salut par les femmes

    Oscar Temaru, le président indépendantiste de la Polynésie française, a annoncé le 28 avril que lui et son gouvernement ont « décidé de parrainer la candidature de Ségolène Royal aux fontions de président de la République française ». En référence aux récents succès féminins en Allemagne et au Chili, il a évoqué – rapporte l’agence Tahiti Presse - un "vent de féminisme » et estimé que Ségolène Royal apporterait une « nouvelle gouvernance » à la France.
    Le parti indépendantiste qu’il préside, le Tavini Huiraatira, a souvent été considéré comme peu favorable à la cause des femmes, notamment parce que la lutte contre la domination française s’accommode mal d’une lutte des femmes contre la domination des hommes ma’ohi (autochtones), et que dans l’imaginaire colonial les femmes sont facilement soupçonnées d’être trop conciliantes : en se mariant avec des métropolitains, en réussissant mieux à l’école française ou en nouant des relations plus suivies avec les administrations (en particulier les services sociaux et de santé qui assurent le suivi des enfants, dont elles ont la charge). Mais avec l’entrée en vigueur de la loi sur la parité en politique – mieux appliquée en Polynésie française qu’en France métropolitaine – on a vu apparaître sur la scène politique polynésienne des militantes indépendantistes qui témoignent de ce que l’engagement en politique est désormais, dans tous les camps, aussi une affaire de femmes. Plusieurs figures féminines occupent aujourd’hui le premier plan de la scène politique polynésienne, comme Béatrice Vernaudon (députée UMP) ou Nicole Bouteau (leader du parti autonomiste No Oe e Te Nunaa).
    Gwendoline Malogne-Fer, dans une thèse de sociologie consacrée aux femmes dans l’église évangélique de Polynésie française (église protestante historique, rebaptisée église protestante ma’ohi en 2004) et dans un article publié en 2005 dans la revue en ligne REVER s’est intéressée à la féminisation du pouvoir en Polynésie française et aux représentations des différences de genre qui l’accompagnent. Elle montre bien comment le thème d’un « salut par les femmes » est mis en avant par les dirigeants d’église comme par les dirigeants politiques.
    Alors que des femmes au sein de l’église ont revendiqué l’accession au pastorat (accordée en 1997) au nom d’une égalité de compétences, les dirigeants d’église et les hommes politiques misent plutôt sur la différence de genre, avec des conséquences assez paradoxales, que l’on retrouve bien dans les réactions suscitées en France métropolitaine par la candidature de Ségolène Royal. C’est en effet en grande partie parce qu’elles n’ont pas (encore) accès au pouvoir le plus officiel et que l’on ne leur reconnaît pas spontanément une autorité « naturelle » que les femmes ne peuvent être que proches des gens, modestes, à l’écoute, etc… On attend donc d’elles qu’elles transforment ces faiblesses en atouts et « inventent autre chose » afin de réformer des institutions que l'on ne sait plus comment transformer, ce qui place ces femmes dans une situation souvent difficile et les oblige à toujours faire plus et mieux que leurs homologues masculins.
    Enfin, lorsque les femmes deviennent pasteures, la question que ne tardent pas à poser les paroissiens habitués au modèle du « couple pastoral » (homme pasteur, épouse de pasteur travaillant bénévolement auprès de son mari et des femmes de la paroisse) est bien sûr : "et son mari ?" Pourquoi a-t-il « laissé sa place » à son épouse, et quel rôle va-t-il pouvoir jouer ? Autrement dit, le même type de questions que l’on voit agiter en France par certains commentateurs politiques habitués à conjuguer le pouvoir au masculin…
    (photo G. Malogne-Fer, d.r.)

  • Mormons en Polynésie (Mette Ramstad)

    Temple mormon de Nuku'alofa (Tonga)

    L’universitaire norvégienne Mette Ramstad, auteure d’une thèse passionnante sur les églises mormones à Hawaii, en Polynésie française et chez les Maori de Nouvelle-Zélande, interviendra le jeudi 4 mai de 15h à 17h à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS, bâtiment du 105 boulevard Raspail, salle 1) dans le cadre du séminaire de formation à la recherche dans l’aire océanienne (FRAO), ouvert à tous.
    Vous trouverez un compte rendu du livre qu’elle a publié en 2003, Conversion in the Pacific. Eastern Polynesian Latter-day Saints’ conversion accounts and their development of a LDS indentity, en cliquant sur « comptes rendus de lecture ».
    Elle a également réalisé de nombreuses vidéos de réunions mormones en Polynésie, qui témoignent de la mise en spectacle des cultures locales par ces églises, vidéos dont elle présentera des extraits le 4 mai prochain.
    Dès 1844, la toute jeune église mormone – église de Jésus-Christ des saints des derniers jours, fondée aux Etats-Unis en 1830 – a envoyé des missionnaires dans le Pacifique. De 1844 à 1852, ils sont aux îles Australes (Tubuai) et sur plusieurs atolls des Tuamotu (en particulier Anaa), où ils rencontrent de réels succès mais font face à l’hostilité résolue de l’administration coloniale française. De 1852 à 1870, les missions sont interrompues. Mais les missionnaires qui reviennent en 1870 ne sont plus tout à fait les mêmes Mormons ! Ils sont issus d’une scission, qui a donné naissance en 1860 à l’église réorganisée de Jésus-Christ des saints des derniers jours, que l’on appelle – pour faire court – église sanito en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, tandis qu’elle-même a désormais tendance à se désigner comme « communauté du Christ ».
    Les églises mormones se sont très bien implantées chez les Maori de Nouvelle-Zélande dès le 19ème siècle, au point que le mormonisme néo-zélandais a longtemps été quasi-exclusivement maori. A Hawaii, elles jouent un rôle important dans les secteurs culturels (avec le Polynesian Cultural Center) et universitaire (Brigham Young University). Dans l’ensemble du Pacifique, leur progression (rapide et spectaculaire) date surtout des années 1980, période au cours de laquelle l’édification d’imposants temples jusque dans les îles les plus reculées a suscité l’inquiétude des églises protestantes historiques, dont de nombreux fidèles ont alors rejoint les « elders » mormons.
    En Polynésie française, le poids de l’église mormone « canal historique » est estimé à 6,5%, 3,6% pour l’église sanito. A Tonga, le mormonisme rassemble plus de 15% de la population, soit le taux national le plus élevé au monde.

    Rendez-vous donc le 4 mai à 15 h., 105 boulevard Raspail.

  • Présentation : Polynésie, terres chrétiennes

    Ce qu’on appelle la Polynésie comprend un ensemble d’îles de l’Océan Pacifique comprises dans un triangle dont les trois points sont, au Sud la Nouvelle-Zélande, à l’Est l’île de Pâques (Rapa Nui) et au Nord les îles Hawaii. La Polynésie française, située grosso modo au centre de ce triangle, est elle-même constituée de cinq archipels : les îles du Vent (Tahiti et Moorea), les îles Sous-le-Vent (dont la plus célèbre est Bora-Bora), les îles Australes, les Tuamotu-Gambier et les îles Marquises.
    Ceux qui connaissent la Polynésie contemporaine, et plus largement l’Océanie, savent quelle place occupe le christianisme dans ces sociétés : une place incontournable. Bien sûr, ce n’est pas ce que retient l’industrie touristique lorsqu’elle vend des destinations comme Tahiti, même si tous les dimanches matins, des touristes – sur le conseil des guides touristiques - se rendent aux cultes des églises protestantes de Polynésie française, des îles Cook ou d’ailleurs pour écouter les chants traditionnels. Ce n’est pas non plus ce qui a attiré le regard des anthropologues qui pendant longtemps ont considéré la christianisation comme un danger mortel pour les cultures locales ou ont préféré l’ignorer pour étudier tout ce qui semblait avoir « survécu » ou risquait tout simplement de disparaître des mémoires.
    Dans ce blog, il sera donc question de la Polynésie d’aujourd’hui, chrétienne depuis plus de cent ans, et surtout de la dernière vague du christianisme en Océanie, le protestantisme évangélique et pentecôtiste (le pentecôtisme étant l’une des tendances du protestantisme évangélique), qui connaît depuis les années 1980 une progression rapide, aux dépens notamment des églises protestantes historiques.
    La Polynésie d’aujourd’hui, ce sont les 232000 Pacific Islanders qui vivent en Nouvelle-Zélande, Samoans, Tongiens et Cook Islanders (plus nombreux en Nouvelle-Zélande que dans leur pays d’origine), Tuvaluans, Niueans, … Auckland est la capitale de cette diaspora polynésienne, qui se concentre dans les quartiers sud d’Otara et Mangere. Car la Polynésie ce sont aussi des populations urbaines : 53% des habitants de Polynésie française vivent en ville, 48% aux Samoa américaines, 32% à Tonga.
    Étudier la Polynésie, ce n’est pas choisir une destination exotique à l'écart des courants qui animent le monde contemporain. C’est une manière d’aborder des phénomènes dont on mesure encore mal l’ampleur et les conséquences sur la physionomie du christianisme : migrations, "globalisation", expansion du protestantisme évangélique et pentecôtiste, montée de mouvements missionnaires africains, asiatiques ou océaniens qui ambitionnent de re-christianiser l’Occident… entre autres.