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Rechercher : jeunesse en mission

  • Christianisme et exotisme

    Intervention le 18 mai 2006 : "Anthropologie du christianisme en Océanie : des églises traditionnelles aux nouvelles églises"

    Qu’ils soient chrétiens ou non, beaucoup d’Européens sont habitués à considérer le christianisme comme une part exclusive de leur patrimoine culturel. Le retrouver sous les tropiques, c’est faire l’expérience un peu déroutante d’une espèce d’exotisme à l’envers : quelque chose de soudain familier (déplacé ?) dans un contexte étranger, ou au contraire une version bizarrement étrangère de quelque chose qui devrait être familier, comme une chanson de Brassens chantée en japonais.
    Pour retomber sur nos pieds, nous avons alors deux tentations : déplorer le fait que des cultures authentiques se trouvent envahies par cette religion occidentale et plaindre les chrétiens non occidentaux de s’égarer si loin de leur identité « naturelle ». Ou pister au contraire dans ce christianisme exotique tout ce qui trahit son origine locale, tout ce qui révèle une culture préservée sous le « vernis » de la conversion.
    C’est entre ces deux écueils que doit naviguer l’analyse sociologique ou anthropologique des christianismes non occidentaux, face à un renversement de situation dont on aperçoit encore mal toutes les conséquences : le christianisme est désormais – et chaque jour davantage – une religion majoritairement non occidentale et si les missionnaires sont encore souvent occidentaux, les missions chrétiennes émergentes viennent d’Asie, d’Afrique et d’Océanie. Elles ambitionnent de re-christianiser l’Occident, où les effets conjoints des migrations et de la sécularisation donnent d’ailleurs de nouvelles couleurs au christianisme.

    C’est en partant de ce constat que j’interviendrai le 18 mai prochain au (FRAO, EHESS), sur le thème « Anthropologie du christianisme en Océanie : des églises de la tradition aux nouvelles églises ».Je reprendrai les étapes suivies par les anthropologues qui, après s’en être d’abord détournés, se sont au cours des vingt dernières années intéressés aux églises chrétiennes d’Océanie. Je décrirai aussi les « vagues » successives – mormones et adventistes, puis évangéliques, pentecôtistes – qui sont venues contester la « tradition chrétienne » élaborée progressivement dans le sillage des missions du 19ème siècle. Et j’essaierai de mesurer les enjeux, pour l’Océanie, d’un pluralisme religieux qui, accentué par la globalisation des échanges et les migrations, constitue peut-être, comme l’a écrit l’historien américain Charles Forman, l’un des défis importants que les sociétés océaniennes ont aujourd’hui à relever.

    Un plan de cette intervention peut être téléchargé ici

     

    (Photo : culte dominical, Church of Melanesia de Tagabe, Vanuatu. Source : COE)
  • Les protestants évangéliques et pentecôtistes en Nouvelle-Calédonie : un champ de recherches encore inexploré

    Très peu de publications, en sciences sociales, ont jusqu’à présent décrit et analysé la diversification contemporaine du protestantisme en Nouvelle-Calédonie et la progression dans ce pays des courants protestants évangéliques, charismatiques et pentecôtistes. Pourtant, bon nombre d’anthropologues ont inévitablement noté, au cours de terrains consacrés à des aspects plus « traditionnels » ou plus politiques de la société kanak, la conversion de tel informateur à une église récemment apparue dans le village, l’ouverture d’une assemblée de Dieu, des discussions sur le baptême du Saint-Esprit ou le parler en langues…
    medium_logo_addnc.jpgDans leur recensement de fin 1999, les assemblées de Dieu (actuellement la plus importante dénomination pentecôtiste dans le monde) recensaient 3500 membres (adultes baptisés) et 56 lieux de culte en Nouvelle-Calédonie, un repère qu’il faudrait pouvoir compléter par des estimations concernant les nombreuses autres dénominations aujourd’hui présentes. Youth  With a Mission, organisation missionnaire de tendance pentecôtiste qui a joué en plusieurs endroits du Pacifique un rôle important dans la diffusion du protestantisme charismatique, est elle aussi bien implantée en Nouvelle-Calédonie avec un centre permanent à Nouméa et des relations nouées surtout avec l’église libre, une dissidence évangélique issue de l’église protestante historique.
    Le pasteur Paul Cazalda consacre un chapitre à la Nouvelle-Calédonie dans son livre sur les missions des assemblées de Dieu françaises, Racontez ses merveilles, 40 ans de mission (1997, éditions Viens et Vois). On y apprend que le pentecôtisme s’est implanté en 1955 sous l’impulsion de Paul Augustin Rousseau, né en 1898 sur l’île de Mare et converti au pentecôtisme avant la seconde guerre mondiale, dans le Nord de la France où il fut ensuite pasteur, au sein des assemblées de Dieu de Lens et de Liévin. Revenu à Nouméa en 1955, il est épaulé par plusieurs missionnaires français, qui ouvrent en 1968 la première assemblée (baptisée « Viens et Vois ») dans le quartier Blanchot de Nouméa. Des missionnaires américains s’installent également dans les années 1960. Les assemblées néo-calédoniennes, qui se sont depuis développées en milieu kanak, ont gardé de leurs origines un rigorisme plus grand que celles de Polynésie française par exemple, en adoptant notamment le port du foulard pour les femmes pendant la sainte cène – une pratique longtemps distinctive des assemblées de Dieu du Nord de la France.
    Ces assemblées néo-calédoniennes ont joué un rôle important dans l’expansion du pentecôtisme en Océanie via les communautés immigrées venues travailler le plus souvent dans les mines de nickel :
    - Des familles polynésiennes s’y sont converties, que l’on retrouve ensuite parmi les fidèles des missionnaires américains à Tahiti à l’origine de l’église de la Bonne Nouvelle (Faa’a).
    - Ce sont aussi des immigrés ni-vanuatu qui ont contribué, après avoir été convertis par le pasteur canadien Killingbeck (qui les rejoindra ensuite au Vanuatu, alors Nouvelles-Hébrides), à l’implantation du pentecôtisme dans leurs îles d’origine, en initiant à leur retour des réunions de prière.
    - Enfin, un processus similaire a abouti, en 1999, au développement du pentecôtisme sur l’île de Wallis. Le roi de Wallis, hospitalisé à Nouméa, ayant à cette occasion reçu la visite d’un pasteur pentecôtiste recommandé par un membre de sa famille converti, a en effet autorisé l’ouverture d’une assemblée de Dieu. Celle-ci rassemblait en 2002, selon Filihau Asi Talatini (auteur d’un article dans le magazine Tahiti Pacifique), une trentaine de membres et sympathisants, sous la direction d’un couple kanak.
     
    (Ci-dessus : le logo des ADD de Nouvelle-Calédonie)

  • Petania : Adventistes en Polynésie

    L’église adventiste du septième jour comptait, en 1986, 183000 membres dans le Pacifique, dont près de la moitié en Papouasie Nouvelle-Guinée. En 2000, leur nombre dans ce seul pays a été estimé à 211 000. En Polynésie française, les adventistes sont surnommés « petania » (« Pitcairn » en tahitien), en référence aux habitants de l’île de Pitcairn qui ont été les premiers adventistes en Océanie, dès 1886, et au voilier Pitcairn dont l’escale en décembre 1890 à Tahiti marqua le début de la mission adventiste dans les îles de la Société. Leur histoire a été écrite par Jean-Michel Martin, qui a publié en 1990 un livre intitulé Bon vent, Pitcairn ! Un siècle de présence adventiste en Polynésie française, 1890-1990 (paru à Hambourg, éditions Saatkorn/Grindelbruck).
    Les premiers convertis venaient surtout de l’Église protestante. Le pasteur protestant Paul Deane, de père américain et de mère polynésienne (Raiatea), s’est converti en 1892 et a contribué dans les années qui ont suivi à la progression de l’adventisme à Tahiti et Raiatea. Sur cette île, la mission adventiste s’est implantée en 1894 dans le village principal de Uturoa, alors que la révolte contre la France – déclenchée par la prise de possession des Iles Sous-le-Vent en 1887 – était à son apogée et que l’Église protestante elle-même était désormais (depuis 1863) dirigée par des missionnaires français. L’adventisme est donc apparu en Polynésie française sous les traits d’une alternative rigoriste et nord-américaine au protestantisme historique passé sous influence française. A partir des années 1950, l’église est cependant présidée par des Français (de 1950 à 1984), puis par des Polynésiens.
    L’église est surtout implantée dans les îles de la Société, ainsi que dans quelques îles des Australes (Rurutu où la présence adventiste remonte aux années 1930, Tubuai et Rimatara), très peu dans les archipels des Tuamotu-Gambier et des Marquises. Selon les données statistiques très précises établies par la Conférence générale de l’Église, elle comptait en 2003 4537 membres adultes baptisés, soit une population totale (enfants et adultes non baptisés compris) d’environ 13000 personnes (6% de la population). Il s’agit pour beaucoup de membres de la classe moyenne, souvent fonctionnaires, que l’on désigne couramment comme « demis » et pour qui l’éducation – au sens large – est la clé de la réussite personnelle. L’église adventiste du septième jour a d’ailleurs développé à Tahiti une importante œuvre scolaire : plusieurs écoles primaires et un collège d’enseignement général et agricole.
    Enfin, l’église adventiste du septième jour a été parmi les premières églises polynésiennes à ouvrir une librairie, qui diffuse notamment les publications des éditions françaises « Vie et Santé » – bien au-delà du seul cercle des fidèles adventistes – et une station de radio, « La voix de l’espérance », en janvier 2001.


    (Photo : chapelle de l’église adventiste du 7ème jour à Arue, côte Est de Tahiti. Inaugurée en décembre 1998, elle est construite sur le même terrain où fut érigée en 1893 la première chapelle adventiste polynésienne. Source : mairie d’Arue).