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christianisme - Page 18

  • Fidji : État chrétien ou démocratie pluraliste ? Les églises chrétiennes face au coup d’État

    medium_Bainimarama.jpgLa république des îles Fidji, ancienne colonie britannique indépendante depuis 1970, a connu le 5 décembre 2006 un nouveau coup d’État mené, après des mois de tension, par le commandant de l’armée contre le gouvernement de Laisania Qarase qu’il avait pourtant contribué à installer, après avoir contrecarrer le coup d’État de 2000. Le commandant Josaia Voreqe Bainimarama a évoqué la corruption comme motif de ce renversement, mais le principal point de discorde porte sur le projet, soutenu depuis 2005 par le gouvernement Qarase, d’une Commission Unité et Réconciliation chargée de dédommager les victimes du coup d’État de 2000 et d’amnistier ses meneurs. Autrement dit (et paradoxalement) Bainimarama se veut le garant de la démocratie et de l’unité du pays contre les tenants d’une suprématie autoritaire des Fidjiens d’origine autochtone.


    Clivages ethniques et religieux
    Les coups d’État perpétrés à Fidji depuis 1987 ont en fait tous à voir avec la coexistence dans ce pays – dans une proportion proche de 50/50 – de Fidjiens d’origine autochtone («ethnic Fijians») à 99% chrétiens et de Fidjiens d’origine indienne («Indo-Fijians»), dont la présence remonte à la fin du 19ème siècle, lorsque les Britanniques sont allés chercher en Inde la main d’œuvre pour les plantations de cannes à sucre. Ceux-ci sont très majoritairement hindous, avec environ 15% de musulmans et quelques chrétiens – des missions protestantes, pentecôtistes (Assemblées de Dieu) ou catholiques ont cherché depuis l’origine et sans grand succès à obtenir des conversions parmi les Indiens. Certaines églises chrétiennes, comme l’église méthodiste, qui rassemble 36% de la population (66% des Ethnic Fijians), défendent une conception de l’identité fidjienne fondée sur la terre (les Indo-Fidjiens n’ont pas le droit d’être propriétaires fonciers), les traditions et le christianisme. En mars 2006, un sénateur de l’opposition affirmait même être en possession d’une lettre adressée par le président de l’église méthodiste à George Speight, leader du coup d’État de 2000, dans laquelle il l’assurait de son soutien au nom de la « voix des indigènes » (Fijilive, 16-3-2006) : ce coup d’État s’opposait en effet à un gouvernement accordant selon lui trop de pouvoir aux Indo-Fidjiens.

    État chrétien et «réconciliation»

    medium_7442-09at.jpg Dans un article publié en mars 2005, intitulé «Roots of Land and Church : the Christian State Debate in Fiji» (International Journal for the Study of the Christian Church), l’anthropologue Jacqueline Ryle rappelle que l’idée de faire de Fidji un État chrétien occupe les débats publics depuis les deux coups d’État militaires de 1987 et celui de 2000. Ces coups d’État, écrit-elle, «ont eu lieu au nom du vanua (la terre et la tradition) pour sauvegarder les intérêts de la population fidjienne contre la puissance économique et intellectuelle (educational) de la population indo-fidjienne». L’association entre vanua, lotu (l’église, c’est-à-dire les églises chrétiennes et plus spécifiquement, la première d’entre elles : l’église méthodiste fidjienne) et matanitu (le gouvernement) est présentée comme fondatrice de l’identité fidjienne, par opposition à la logique démocratique occidentale qui ouvrirait la voie à une domination indo-fidjienne. D’un côté, le système des chefs de villages, avec le Grand conseil des chefs de Fidji qui se voit comme le seul porte-parole légitime des «ethnic Fijians» et de l’autre une société multi-ethnique et multiconfessionnelle : la société fidjienne a du mal à sortir de cette opposition. Beaucoup d’églises pentecôtistes fidjiennes, par exemple, penchent pour une réconciliation nationale appuyée sur un État chrétien qui supposerait en fait… la conversion des Indo-Fidjiens, l’idée étant que seule l’appartenance commune au christianisme pourrait permettre de surmonter les clivages ethniques.

    "La religion, écrit aussi Lynda Newland (dans Globalization and the re-shaping of Christianity in Oceania),  a joué un rôle important dans les trois coups d'État de Fidji. Parce que le méthodisme est la religion dominante à Fidji, en particulier parmi les Fidjiens autochtones, et parce que la plupart des chefs sont méthodistes, l'imagerie chrétienne est un moyen efficace de mobiliser les Fidjiens autochtones. (...) Par exemple, Rabuka (le colonel Rabuka, méthodiste et auteur d'un coup d'État en 1987) se présentait comme le Moïse du peuple élu (...) et a également déclaré qu'il souhaitait convertir les Indo-Fidjiens au christianisme car "nous allons aller sur cette voie ou c'est eux qui nous convertiront et nous deviendrons tous les païens".


    Le défi du pluralisme
    medium_7444-16at.jpg Comme l’a souligné l’historien américain Charles Forman, le pluralisme est un des défis majeurs que devront relever dans les années à venir les sociétés océaniennes. Intégration de populations d’origines diverses (Indiens à Fidji et ailleurs, dans des proportions moindres, communautés chinoises, philippines, ou encore communauté wallisienne en Nouvelle-Calédonie, etc.) ; multiplication des églises, notamment évangéliques ou pentecôtistes et dispersion des appartenances religieuses, y compris au sein des familles ; transformation des modes de vie liés à l’urbanisation ou aux migrations… Comment concilier la diversification de la société avec le militantisme religieux et les discours ethnico-nationaux ? Fidji ressemble de ce point de vue à un cauchemar pour beaucoup de sociétés océaniennes qui espèrent ne jamais en arriver à un tel blocage. Une partie des anthropologues eux-mêmes se trouvent pris au piège dans une fausse alternative binaire : la cause des autochtones fidjiens contre la démocratie «occidentale» - quitte à épouser une lecture ethnique et religieuse des identités (une lecture qui, on le sait, peut conduire au pire) – ou la démocratie même si elle doit amener une suprématie économique et politique des Indo-fidjiens ? Attention, terrain glissant… Fidji n’est d’ailleurs pas le seul pays où l’anthropologie est confrontée à ce type d’enjeux.

    Unanimité des églises contre le coup d’État
    Pour des raisons sans doute différentes – défense de la démocratie, de la suprématie des ethnic Fijians ou de la «réconciliation nationale» -, les églises chrétiennes fidjiennes ont condamné le dernier coup d’État, par des communiqués émanant des différentes associations inter-églises, telles que le Fiji Council of Churches ou l’Assembly of Christian Churches. Le nouveau premier ministre, lui même «lay preacher» (prédicateur laïc), qui a déclaré avoir le sentiment de travailler pour une «autorité divine» en aidant à nettoyer ce qu’il a appelé le «désordre de la corruption», ne les a donc pas convaincues. Le Fiji Council of churches a décrit le coup comme une «manifestation des forces obscures et du diable» (darkness and evil). Une telle rhétorique, qui rappelle le succès croissant dans le Pacifique des thèmes d’origine pentecôtiste du combat spirituel (pour la libération des territoires supposés aux prises avec des esprits tutélaires maléfiques), n’incite pas à l’optimisme.


    (photos des rues de Suva et d’un temple méthodiste : www.photooikoumene.org)

     

  • Deep Inside with the Holy Spirit : Surfeurs Chrétiens dans le Pacifique

    medium_CS_NZ_2.jpegAu début des années 1980, dans le sillage des différents mouvements de «sportifs chrétiens» qui voient alors le jour en terrain protestant évangélique nord-américain, de jeunes surfeurs australiens créent la première association de Surfeurs Chrétiens, destinée à évangéliser les milieux du surf, a priori bien éloignés des valeurs de modération et de la mise en ordre des vies personnelles prônées par le protestantisme évangélique. Mais les jeunes évangéliques, surtout ceux qui sont «nés dans l’église», ont aussi envie de se distinguer du rigorisme parental et de la société environnante trop «tièdes» en affirmant une identité chrétienne, radicale, moderne et sportive. C’est porté par cet effet de génération, puis par l’effet d’imitation lié à la médiatisation de plusieurs champions internationaux «chrétiens», que le mouvement, devenu Christian Surfers International (CSI) s’est implanté dès 1985 en Nouvelle-Zélande, puis aux Etats-Unis, en Afrique du Sud et en Grande-Bretagne (au cours des années 1990), en Europe et au Japon. En 2001, le mouvement brésilien  surfitas de Christo s’est affilié à CSI, suivi par d’autres associations sud-américaines. L’organisation évangélique charismatique Jeunesse en Mission (Youth With a Mission, l’une des plus importantes organisations missionnaires actuelles) a elle aussi fondé un «ministère» axé sur le surf, Surfers for  Missions International (SFMI), qui collabore avec CSI au sein du réseau mondial Surf Ministries International fondé en 1993.


    medium_logo_CS_NZ.2.jpegSelon son site Internet, CSI compte aujourd’hui des missions dans quinze pays et plus de 400 «ouvriers volontaires». Le mouvement vise surtout à exercer, par le biais de surfeurs professionnels médiatiques, une influence sur leur jeune public, en recourant à trois principales techniques :


    - L’organisation de compétitions internationales, sur le modèle de la Jesus Pro Am fondée en 1984 en Australie.
    - La formation des champions de surf « chrétiens » aux méthodes de communication-évangélisation, afin d’utiliser efficacement la couverture médiatique dont ils bénéficient.
    - La diffusion d’un ensemble de produits tels que tee-shirts, films, musiques, publications.


    medium_CS_Bible.jpeg En outre, CSI a développé une série d’activités destinées plus spécifiquement aux églises locales, selon une logique d’agence de moyens que l’on retrouve désormais de plus en plus en milieu protestant évangélique : ministères pour la famille, les jeunes, les médias, séminaires de formation, etc. Cette dynamique qui fonctionne en réseaux internationaux ouvre à chaque église des possibilités bien plus larges que ce qu’elle aurait pu mettre en œuvre dans le seul cadre de la congrégation locale.

    Elle témoigne enfin du fait que, pour les évangéliques, l’engagement ne s’arrête pas aux portes de l’église, loin s’en faut : tous les domaines de la vie sociale, économique, culturelle ou politique sont des terrains de mission car selon la formule utilisée par Loren Cunningham, fondateur de Jeunesse en Mission, «la course se joue à l’extérieur, dans le monde lui-même».

    Surfeurs Chrétiens à Tahiti

    En Polynésie française, le surf compte beaucoup de pratiquants amateurs et près de 300 licenciés. C’est un ancien équipier de Jeunesse en Mission, lui-même surfeur et shaper (affûteur de planches) réputé, qui est à l’origine de l'association Surfeurs Chrétiens Tahiti officiellement créée en 1998. L’année précédente, une campagne d’évangélisation menée à Tahiti par une équipe de SFMI, des équipiers locaux de Jeunesse en Mission et les Assemblées de Dieu de Polynésie française avait donné de premiers résultats encourageants. En 2001, l’association comptait 29 adhérents, dont 11 compétiteurs, un nombre modeste au regard du rôle au sein du surf polynésien et de l’impact médiatique que lui assure depuis 1999 la Sapinus Longboard Classique, une rencontre de niveau international qui a lieu chaque année sur la côte ouest de Tahiti. Le reste de l’année, les activités de Surfeurs Chrétiens Tahiti consistent, comme l’indiquent ses statuts, à organiser régulièrement «des animations de jeunesse avec projection de film de surf et concert de musique chrétienne sans alcool».

    Deep Inside : être loin dans le tube formé par une grande vague (lexique du surf)

  • The New Face of Christianity in Oceania: A Major Reference

    medium_couv-globalisation.2.jpgOn July 13th of this year, the Fijian Vice-President participated at the Pacific Theological College in the official launch of a collective book edited by Manfred Ernst, Globalization and the Re-shaping of Christianity in the Pacific Islands, dealing with the contemporary changes of Christianity in Oceania: Mormon and Adventist Churches taking root, declining Historical Protestant Churches and rapidly growing Evangelicals and Pentecostals.
    In 1994, M. Ernst published a first study, Winds of Change, a project founded by the Pacific Conference of Churches that gathers Catholic, Historical Protestant and Anglican Churches in Oceania. The heads of these churches wanted to get information and analysis in order to understand and foil what they saw as an invasion of “foreign” (and more specifically American) Churches and beliefs. Despite some arguable points (notably the supposedly impossible conciliation between “community” local Christian cultures and movements described as “individualists”), Winds of Change became a major reference for those interested in the study of contemporary Christianity in Oceania. The very expected book launched in July will certainly be an even more precious source of information and analysis. Ten years after, it draws up a new inventory, once again with the support of the Pacific Conference of Churches. During these ten years, the “new” churches have deeply taken root in the Oceania religious landscape and it has become more and more difficult to think that they still have “nothing to do” with the local cultures and societies. So we need to understand in what extent they go with and/or contribute to social and cultural changes experienced by the Oceania Islands, how they articulate local specificities and a religious globalisation. The heads of the Historical Churches now understand that these “new” Churches compensate for many of their own deficiencies: too hierarchical structures of authority controlled by the old generation, small part given to the youth in the making of decision, an obsolete rigorism left by the missionaries (dresses, music, role of women), a discourse focused on the inherited belonging to an ethnic-cultural community rather than on individual needs, etc. To dream on the “good old time” coming back is vain, the time when these churches organised the religious and social life of Oceania populations and the urgent task is now to think on the main challenge of the next years: the modalities of religious pluralism. The second part of the book is made of detailed case studies of the religious landscape in 14 Pacific countries, Gwendoline Malogne-Fer and I wrote the chapter on French Polynesia. The book can be notably purchased on the website of the USP (University of the South Pacific) or with an order form.