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polynésie - Page 18

  • L'autochtonie en protestantisme évangélique

    Le GTMS (Genèse et transformations des mondes sociaux), centre de recherches CNRS-EHESS, et le réseau québecois DIALOG (réseau d'échange sur les questions autochtones) organisent les 13 et 14 juin prochains un colloque international intitulé L'autochtonie en question : regards croisés France / Québec.
    Une trentaine d'intervenants sont annoncés, pour un tour d'horizon des questions liées aux identités et aux revendications autochtones contemporaines qui devrait combler un peu la relative faiblesse des réflexions sur ce sujet en France. La situation du Canada, où les chercheurs sont souvent plus attentifs aux travaux de langue anglaise et s'intéressent de près aux enjeux du multiculturalisme et aux questions soulevées par les populations autochtones amérindiennes et inuit, contraste bien sûr avec beaucoup de discours français encore enfermés dans une opposition binaire entre individu et communauté.
    J'interviendrai pour ce qui me concerne au cours de la séance du 14 juin au matin, pour décrire les formes que prennent la définition et la mise en scène des identités autochtones en protestantisme évangélique, à travers l'exemple de Youth With a Mission (Jeunesse en Mission, une des quatre plus importantes organisations missionnaires actuelles) en Polynésie. Il s'agira notamment de voir en quoi cette prise en compte des appartenances autochtones par un protestantisme traditionnellement centré sur la liberté individuelle du converti renvoie à un ensemble de transformations contemporaines des appartenances, affiliations et identités - qu'elles soient culturelles ou religieuses -, en particulier en contexte de migrations et d'intensification des échanges régionaux ou globalisés (élaboration d'une fraternité autochtone rassemblant Océaniens, Amérindiens, Inuits "nés de nouveau").

    Le programme de ces deux journées, qui auront lieu dans le grand amphithéâtre de l'EHESS, au 105 boulevard Raspail (Paris 6e) peut être téléchargé en cliquant ici. Pour voir l'affiche, cliquer ici.

    (Photo : église anglicane inuit de Puvirnituq, source : www.inuulitsivik.ca)

  • Oscar Temaru et Ségolène Royal ou le salut par les femmes

    Oscar Temaru, le président indépendantiste de la Polynésie française, a annoncé le 28 avril que lui et son gouvernement ont « décidé de parrainer la candidature de Ségolène Royal aux fontions de président de la République française ». En référence aux récents succès féminins en Allemagne et au Chili, il a évoqué – rapporte l’agence Tahiti Presse - un "vent de féminisme » et estimé que Ségolène Royal apporterait une « nouvelle gouvernance » à la France.
    Le parti indépendantiste qu’il préside, le Tavini Huiraatira, a souvent été considéré comme peu favorable à la cause des femmes, notamment parce que la lutte contre la domination française s’accommode mal d’une lutte des femmes contre la domination des hommes ma’ohi (autochtones), et que dans l’imaginaire colonial les femmes sont facilement soupçonnées d’être trop conciliantes : en se mariant avec des métropolitains, en réussissant mieux à l’école française ou en nouant des relations plus suivies avec les administrations (en particulier les services sociaux et de santé qui assurent le suivi des enfants, dont elles ont la charge). Mais avec l’entrée en vigueur de la loi sur la parité en politique – mieux appliquée en Polynésie française qu’en France métropolitaine – on a vu apparaître sur la scène politique polynésienne des militantes indépendantistes qui témoignent de ce que l’engagement en politique est désormais, dans tous les camps, aussi une affaire de femmes. Plusieurs figures féminines occupent aujourd’hui le premier plan de la scène politique polynésienne, comme Béatrice Vernaudon (députée UMP) ou Nicole Bouteau (leader du parti autonomiste No Oe e Te Nunaa).
    Gwendoline Malogne-Fer, dans une thèse de sociologie consacrée aux femmes dans l’église évangélique de Polynésie française (église protestante historique, rebaptisée église protestante ma’ohi en 2004) et dans un article publié en 2005 dans la revue en ligne REVER s’est intéressée à la féminisation du pouvoir en Polynésie française et aux représentations des différences de genre qui l’accompagnent. Elle montre bien comment le thème d’un « salut par les femmes » est mis en avant par les dirigeants d’église comme par les dirigeants politiques.
    Alors que des femmes au sein de l’église ont revendiqué l’accession au pastorat (accordée en 1997) au nom d’une égalité de compétences, les dirigeants d’église et les hommes politiques misent plutôt sur la différence de genre, avec des conséquences assez paradoxales, que l’on retrouve bien dans les réactions suscitées en France métropolitaine par la candidature de Ségolène Royal. C’est en effet en grande partie parce qu’elles n’ont pas (encore) accès au pouvoir le plus officiel et que l’on ne leur reconnaît pas spontanément une autorité « naturelle » que les femmes ne peuvent être que proches des gens, modestes, à l’écoute, etc… On attend donc d’elles qu’elles transforment ces faiblesses en atouts et « inventent autre chose » afin de réformer des institutions que l'on ne sait plus comment transformer, ce qui place ces femmes dans une situation souvent difficile et les oblige à toujours faire plus et mieux que leurs homologues masculins.
    Enfin, lorsque les femmes deviennent pasteures, la question que ne tardent pas à poser les paroissiens habitués au modèle du « couple pastoral » (homme pasteur, épouse de pasteur travaillant bénévolement auprès de son mari et des femmes de la paroisse) est bien sûr : "et son mari ?" Pourquoi a-t-il « laissé sa place » à son épouse, et quel rôle va-t-il pouvoir jouer ? Autrement dit, le même type de questions que l’on voit agiter en France par certains commentateurs politiques habitués à conjuguer le pouvoir au masculin…
    (photo G. Malogne-Fer, d.r.)

  • Présentation : Polynésie, terres chrétiennes

    Ce qu’on appelle la Polynésie comprend un ensemble d’îles de l’Océan Pacifique comprises dans un triangle dont les trois points sont, au Sud la Nouvelle-Zélande, à l’Est l’île de Pâques (Rapa Nui) et au Nord les îles Hawaii. La Polynésie française, située grosso modo au centre de ce triangle, est elle-même constituée de cinq archipels : les îles du Vent (Tahiti et Moorea), les îles Sous-le-Vent (dont la plus célèbre est Bora-Bora), les îles Australes, les Tuamotu-Gambier et les îles Marquises.
    Ceux qui connaissent la Polynésie contemporaine, et plus largement l’Océanie, savent quelle place occupe le christianisme dans ces sociétés : une place incontournable. Bien sûr, ce n’est pas ce que retient l’industrie touristique lorsqu’elle vend des destinations comme Tahiti, même si tous les dimanches matins, des touristes – sur le conseil des guides touristiques - se rendent aux cultes des églises protestantes de Polynésie française, des îles Cook ou d’ailleurs pour écouter les chants traditionnels. Ce n’est pas non plus ce qui a attiré le regard des anthropologues qui pendant longtemps ont considéré la christianisation comme un danger mortel pour les cultures locales ou ont préféré l’ignorer pour étudier tout ce qui semblait avoir « survécu » ou risquait tout simplement de disparaître des mémoires.
    Dans ce blog, il sera donc question de la Polynésie d’aujourd’hui, chrétienne depuis plus de cent ans, et surtout de la dernière vague du christianisme en Océanie, le protestantisme évangélique et pentecôtiste (le pentecôtisme étant l’une des tendances du protestantisme évangélique), qui connaît depuis les années 1980 une progression rapide, aux dépens notamment des églises protestantes historiques.
    La Polynésie d’aujourd’hui, ce sont les 232000 Pacific Islanders qui vivent en Nouvelle-Zélande, Samoans, Tongiens et Cook Islanders (plus nombreux en Nouvelle-Zélande que dans leur pays d’origine), Tuvaluans, Niueans, … Auckland est la capitale de cette diaspora polynésienne, qui se concentre dans les quartiers sud d’Otara et Mangere. Car la Polynésie ce sont aussi des populations urbaines : 53% des habitants de Polynésie française vivent en ville, 48% aux Samoa américaines, 32% à Tonga.
    Étudier la Polynésie, ce n’est pas choisir une destination exotique à l'écart des courants qui animent le monde contemporain. C’est une manière d’aborder des phénomènes dont on mesure encore mal l’ampleur et les conséquences sur la physionomie du christianisme : migrations, "globalisation", expansion du protestantisme évangélique et pentecôtiste, montée de mouvements missionnaires africains, asiatiques ou océaniens qui ambitionnent de re-christianiser l’Occident… entre autres.