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Yannick Fer - Page 21

  • Israel Kamakawiwo'ole, "la voix du peuple hawaiien"

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    iz.jpgJe vous propose un petit détour par la musique hawaiienne pour finir l'année 2008 en douceur. Né en 1959 sur l'île d'Oahu à Hawaii, l'année où cet archipel devenait le 50ème Etat des Etats-Unis d'Amérique, Israel Ka'ano'i Kamakawiwo'ole - surnommé Iz ou "Bruddah Iz" - est encore aujourd'hui, plus de dix ans après sa mort, la plus éminente figure de la chanson hawaiienne contemporaine et l'un des symboles de la lutte du peuple hawaiien pour défendre sa culture et son droit à l'indépendance. Sa mort en 1997, à la suite de difficultés respiratoires liées à une obésité maladive (il avait dépassé les 300 kilos, pour une taille d' 1m90) a donné lieu à des funérailles quasi-nationales, au cours desquelles ses cendres ont été dispersées au-dessus de l'Océan Pacifique. Dans une biographie officielle publiée en 2006 par Rick Carroll (Iz, Voice of the People), ce dernier écrit que la vie de Iz "a été à l'image de la vie dans les îles d'Hawaii durant les quarante premières années de son histoire en tant qu'Etat américain":

    "Comme toute une génération de Hawaiiens, Israël est né dans une version américaine de la Polynésie, dans une culture inventée faite pour attirer les touristes. Il a atteint l'âge adulte alors que d'autres Hawaiiens, plus âgés, cherchaient à faire revivre leur culture moribonde et à obtenir la souveraineté et la dignité en tant que peuple autochtone (native people)."

    En 1993, son deuxième album Facing Future a atteint les sommets des hit-parades hawaiiens et américains, et fait de lui une star, avec notamment sa chanson la plus connue, "Somewhere over the rainbow/what a wonderful world", dont voici une vidéo:

     

     

    waikiki.jpgNé à Honolulu, capitale hawaiienne et épicentre de l'industrie touristique avec Waikiki Beach, Iz a grandi au pied de la célèbre colline du Diamond Head (que l'on aperçoit à l'arrière-plan de toutes les photos de la plage de Waikiki), à Palolo Valley. Son grand-père maternel, dont il était très proche, était originaire de Ni'ihau, une petite île où  il l'emmenait pendant les vacances d'été et où ne vivent pratiquement que des Native Hawaiians: surnommée  "l'île interdite", elle est la propriété des familles Gay et Robinson, qui y exploitent un ranch et se sont efforcées d'y préserver par un relatif isolement la vie traditionnelle et la culture hawaiiennes.  La musique y occupe une place importante et Iz a très tôt été familiarisé avec cette ambiance musicale hawaiienne. A la maison, tout le monde chante, au rythme du 'ukulele et de la guitare:  "Le père et la mère d'Israel chantaient à l'église, à la maison, et pendant les fêtes organisées dans le jardin chaque fois que leurs amis s'y retrouvaient, c'est-à-dire souvent", écrit R. Carroll.

    bio iz.jpgLorsqu'il a 14 ans, sa famille part à Makaha, un village hawaiien relativement isolé et pauvre, sur la côte de Wai'anae (à l'ouest d'Oahu), qui est aussi fréquentée par les surfeurs chevronnés, attirés par des vagues de près de neuf mètres. C'est là qu'il forme, avec son frère Skippy, son premier groupe de musique, les Makaha Sons of Ni'ihau, qui publiera dix albums entre 1976 et 1991. Il débutera parallèlement une carrière solo en 1989. Selon son biographe, c'est aussi à Makaha qu'il s'approprie plus profondément encore les valeurs culturelles, tout en fréquentant l'église pentecôtiste dont son grand-père  paternel est pasteur. Car Iz a été à la fois un fervent défenseur de la culture hawaiienne et un chrétien "born again" ("né de nouveau", c'est-à-dire évangélique), comme il se définissait lui-même lors d'un concert filmé quelques mois avant sa mort.

    Une vidéo intéressante (et que vous trouverez ci-dessous), où il exhorte les Hawaiiens  à se mobiliser pour sauver la jeunesse de la délinquance et du chômage, défendre la culture et les droits politiques hawaiiens, en même temps qu'il évoque sa foi évangélique. Une association qui à Hawaii ne va pas de soi: comme dans beaucoup d'îles du Pacifique, les relations entre culture et christianisme ont d'abord été marquées par l'hostilité des missionnaires puritains vis-à-vis de la culture locale et plus particulièrement la hula, danse hawaiienne considérée par hula.jpgeux comme trop sensuelle. Dans la foulée de la renaissance  culturelle des années 1970, dont l'un des symboles a été justement la hula, cette danse a pourtant fait un retour aussi controversé que spectaculaire dans certaines églises chrétiennes, désormais devenues les porte-parole de l'identité culturelle hawaiienne. Dans une thèse d'anthropologie soutenue en 2003 à l'université d'Hawaii, Akihiro Inoue a consacré un chapitre passionnant à cette histoire. Il explique notamment comment les églises de la Hawaii Conference United Church of Christ (l'église protestante historique, issue au 19ème siècle des missions puritaines américaines) ont inventé une troisième sorte de hula, après la hula kahiko ou ancienne hula - accompagnée de tambours traditionnels et tournée vers l’adoration des divinités locales et de la nature - , la hula ‘auana ou hula moderne - dominée par les mouvements de hanches des vahine hawaiiennes et destinée à l'origine aux touristes:  c'est la hula chrétienne, ou "hula de mains", composée  uniquement de mouvements des mains, accompagnés de paroles inspirées de la Bible.

    Les églises pentecôtistes, présentes à Hawaii dès le début du 20ème siècle, ont été dans leur ensemble plutôt hostiles ou indifférentes à cette renaissance culturelle et, par exemple, n'ont pas accepté la hula comme expression légitime de la foi chrétienne. Mais à Hawaii comme ailleurs, le pentecôtisme est aussi très divers. Il n'est donc pas impossible que l'église du grand-père de Iz, fréquentée sans doute exclusivement par des autochtones hawaiiens et peut-être implantée de longue date dans ce village, ait autorisé une association plus étroite entre culture hawaiienne et pentecôtisme. Aujourd'hui, les mouvements évangéliques qui mettent le plus volontiers en scène la culture hawaiienne (souvent sous des formes assez stéréotypées) sont surtout les églises de la "troisième vague" pentecôtiste, comme la King's Cathedral (ancienne Fisrt Assembly of God de Island breeze.jpgMaui),  et les milieux charismatiques proches de l'organisation missionnaire Youth With a Mission au travers de sa branche Island Breeze (ci-contre), née en 1979 entre les îles Samoa et Hawaii dans le but d'utiliser les danses océaniennes comme moyen d'expression du credo évangélique et outil d'action missionnaire.

    Voici la vidéo où Iz exprime à la fois son engagement pour la culture hawaiienne et son identité de chrétien "born again", en préambule à une chanson en hawaiien:

     

     

  • Nouvelle-Zélande: victoire de la droite, échec des partis chrétiens

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    Dans une note de mars dernier, je vous parlais de la création du New Zealand Pacific Party, un parti polynésien se réclamant des valeurs chrétiennes fondé par un ancien député travailliste d'origine samoane, Taito Philip Field. À ses côtés, deux autres partis chrétiens étaient lancés dans la bataille en vue des élections générales:

    - Le Family Party, un parti très conservateur qui comprend notamment les anciens membres du parti Destiny New Zealand lancé en 2003 par la megachurch pentecôtiste Destiny Church (voir ma note du 11 octobre 2007).

    - Le Kiwi Party, où l'on retrouve de nombreux missionnaires de l'organisation évangélique Youth With a Mission (YWAM), dont les anciens députés Larry Baldock (ancien directeur national de YWAM aux Philippines) et Bernie Ogilvy (ancien directeur national en Nouvelle-Zélande). Le président du parti, Franck Naea, est lui-même un ancien président international de YWAM.

    urne.jpgIl restait à savoir quel écho ces trois partis trouveraient auprès des électeurs néo-zélandais et, plus particulièrement, combien d'électeurs polynésiens - regroupés essentiellement dans quelques circonscriptions des agglomérations d'Auckland et de Wellington - feraient passer leurs convictions religieuses avant des considérations politiques plus générales, les incitant plutôt à rester fidèles au Labour Party. Samedi dernier, les urnes ont livré leur verdict.

    Elles ont d'abord confirmé ce que les sondages annonçaient depuis plusieurs mois: après trois mandats successifs (depuis 1999), Helen Clark doit céder la place au National Party, un parti de centre-droit mené par John Key (deuxième photo en partant de la gauche), nouveau premier ministre, qui disposera au Parlement d'une majorité très confortable, renforcée par le soutien du parti conservateur Act New Zealand de Rodney Hide (photo de droite), du parti centriste United Future New Zealand et du Maori Party. Avec 6% et 8 élus, le Green Party (écologiste) de Jeanette Fitzsimons gagne un peu de terrain (1 point de plus qu'en 2005 et deux sièges suplémentaires), mais moins que prévu. Enfin, le Parlement comptera désormais 5 élus d'origine océanienne, ce qui est relativement peu mais constitue malgré tout un record. Quant aux partis chrétiens, ils ont tous perdu leur pari.

     

    Echec du New Zealand Pacific Party: pas de vote chrétien chez les Pacific Peoples

    tangata.jpgPour le parti de Taito Philip Field, l'équation était a priori assez simple: les Pacific Peoples, Polynésiens vivant en Nouvelle-Zélande, sont aujourd'hui 266,000 (6,9% de la population). Ils sont très attachés au christianisme, beaucoup plus pratiquants que l'ensemble de la population néo-zélandaise et ont été parfois heurtés dans leurs convictions chrétiennes par des lois votées au cours des dernières années par le gouvernement travailliste: légalisation de la prostitution, union civile ouverte aux homosexuels et plus récemment, la loi réprimant les punitions corporelles sur les enfants - dénoncée par des réseaux chrétiens militants comme "anti-famille". Mais convictions religieuses et vote chrétien restent deux choses distinctes et le New Zealand Pacific Party n'est pas parvenu à opérer la conversion des premières au second.

    Dans la circonscription de Mangere, un quartier polynésien au sud d'Auckland dont il était le député sortant, T.P. Field a recueilli seulement 22% des voix sur son nom et 10% en "party vote" (le Parlement néo-zélandais est élu à la proportionnelle et chaque électeur choisit un candidat et un parti). Il est loin derrière le candidat du Labour, Su'a William Sio, qui remporte le siège avec 52% des voix. Il faut dire que S. W. Sio est lui aussi Samoan, lui aussi titulaire d'un titre traditionnel samoan de matai (chef de famille) et lui aussi chrétien fervent. Lors de son entrée au Parlement, en avril 2008, il débutait son discours inaugural sua-william-sio-mppage.jpg(maiden speech) en expliquant comment, avant de rejoindre le Parlement, il avait tenu à se rendre à Samoa pour recevoir la bénédiction des anciens de son village et des diacres de l'église protestante - hiérarchie familiale et hiérarchie ecclésiale étant étroitement liées dans le système villageois traditionnel de Samoa.

    Autrement dit, entre deux Samoans chrétiens, les électeurs polynésiens ont choisi celui qui représentait de surcroît le parti ayant toujours accordé une attention particulière aux Pacific Peoples. Il y aura probablement dans les années à venir de plus en plus de mobilisations pour la défense des "valeurs chrétiennes" parmi les Polynésiens de Nouvelle-Zélande, mais l'échec électoral du New Zealand Pacific Party semble indiquer que ces mobilisations ne s'appuieront pas sur un parti politique, mais tout simplement sur les réseaux d'églises. Entre autres, parce qu'elles ne sont pas vécues comme des revendications politiques, mais sur le registre du droit à la différence culturelle, le christianisme se trouvant incorporé à une définition de l'identité distinctive des Pacific Peoples, dans le cadre d'une société multiculturelle.

     

    Kiwi Party: les "smackers" n'étaient pas au rendez-vous

    smacking.jpgLe Kiwi Party avait démontré ces derniers mois ses capacités de mobilisation, en déposant en août 2008 une pétition signée par 310,000 Néo-zélandais en faveur d'un référendum sur la révision de la loi sur les châtiments corporels, baptisée "anti-smacking" (anti-fessée) par ses opposants. Comme le notait le New Zealand Herald dans un article du 25 octobre dernier, cette loi reste un "hot topic", un sujet brûlant qui selon les sondages passionne - et divise - au-delà des seuls réseaux militants et a refait surface au cours de la pré-campagne électorale. Pourtant, après 18 mois d'application de la loi, seuls 8 parents ont été poursuivis, ce qui a fait dire à John Key que cette loi était correctement utilisée. Les leaders du Kiwi Party, qui ont beaucoup joué sur le registre populiste du bon sens citoyen contre les politiciens forcément loin des réalités du terrain espéraient sans doute retrouver une bonne partie des pétitionnaires parmi leurs électeurs. Mais ils n'ont obtenu dans tout le pays que... 11,659 voix. À Tauranga, une ville de l'île du Nord où il a été élu local, Larry Baldock ne dépasse pas 2%. Encore une fois, un constat s'impose: les réseaux chrétiens sont capables de mobiliser des dizaines de milliers de personnes sur une cause particulière illustrant la défense des "valeurs familiales", mais lorsqu'il s'agit d'élections ces questions ne remplacent pas un programme politique  plus élaboré, couvrant tous les aspects de la vie sociale et économique du pays.

     

    Family Party: des chrétiens minoritaires mais très militants

    Enfin, avec seulement 0,33%, le Family Party ne récolte pas plus de suffrages que son prédécesseur - le Destiny Party - lors des précédents scrutins. Cette minorité chrétienne conservatrice, dont le noyau dur est essentiellement constitué par les fidèles de l'église Destiny Church, rencontre davantage de succès sur le terrain religieux - avec son credo de "remise en ordre" des vies personnelles - que sur celui de la politique.

     

    Illustrations (de haut en bas): de gauche à droite, Helen Clark, John Key, Jeanette Fitzsimons et Rodney Hide ; "Tangata o te moana" (Pacific Peoples), affiche d'une exposition du musée national Te Papa (Wellington) ; Sua William Sio ; manifestation anti-smacking.

  • Bloggeurs et témoins de Jéhovah aux îles Australes

    loveblogging.jpgPour rester en contact avec leur famille, envoyer des nouvelles à leur église d’origine ou aux donateurs qui les soutiennent financièrement ou simplement tenir un journal de leurs activités, les missionnaires se mettent eux aussi au blogging. Sur son site Internet, le réseau missionnaire (évangélique charismatique) Youth With a Mission, présent dans plus de 170 pays, a même mis en place une plateforme de blogs, baptisée YWAM Connect, qui permet d’accéder aux pages personnelles de ses "équipiers". Généralement destinés à un cercle relativement restreint, ces blogs n’en sont pas moins accessibles à tous les internautes et naviguent du même coup à la frontière incertaine entre vie privée et information publique. Ce qui en fait une source d’informations particulièrement intéressante pour les chercheurs, en leur donnant parfois accès à ce que les anthropologues appellent "les secrets de la tribu".

    Un exemple : en 2006 et 2007, plusieurs notes publiées sur le blog d’un couple missionnaire des assemblées de Dieu américaines en poste à Tahiti exposaient les vives dissensions qui agitaient alors les dirigeants des assemblées de Dieu polynésiennes, divisés notamment sur le rôle respectif des missionnaires étrangers et des pasteurs locaux. Des enjeux d’autorité et de légitimité, pour reprendre les termes du sociologue Max Weber, qui restent souvent confinés aux réunions internes. En août 2007, le couple a quitté Tahiti pour le Vanuatu, en ayant pris soin auparavant d’effacer les notes en question...
    témoins haapiti.jpgToujours en Polynésie, d’autres blogs permettent de suivre depuis quelques mois les tentatives missionnaires des témoins de Jéhovah dans l’archipel des Australes, au Sud de Tahiti. Les premiers témoins de Jéhovah, deux couples américains venus de Los Angeles, sont arrivés à Tahiti en 1958 et une congrégation s’est constituée en 1959 à Papeete. Le renfort de "pionniers spéciaux" venus de France a contribué à partir des années 1960 à l’expansion progressive de ce mouvement : au recensement de 1962, 132 personnes se déclaraient témoins de Jéhovah à Tahiti, 20 personnes à Raiatea (îles Sous-le-Vent). Ils étaient 464 en 1971. Au cours des années 1980, l’église a connu une progression rapide et spectaculaire. Elle représente aujourd’hui autour de 2% de la population polynésienne, soit environ 5200 membres. On la trouve surtout à Tahiti, dans plusieurs îles de la Société ainsi qu’aux îles Australes, en particulier à Rurutu, dans le village d’Avera.


    rurutu.jpgC’est dans cette île de 2300 habitants que vivent les bloggeurs : une famille alsacienne arrivée en décembre 2007 pour prêter main forte à l’église locale et une femme polynésienne, Mauivaitu. Pourquoi ont-ils créé des blogs? Pour les missionnaires alsaciens, il s’agit essentiellement d’envoyer photos, vidéos et nouvelles à leur église. Dans sa note de lancement, Mauivaitu explique quant à elle que son but est de "pouvoir communiquer d'avantage avec [sa] petite soeur qui vit maintenant à 18000 km et qui [lui] manque terriblement. Et, dans un deuxième temps, avoir des contacts avec [ses] frères et soeurs spirituels du monde entier".

    Entre des photos des enfants et des vidéos de balade autour de l’île, on visite la nouvelle "salle du royaume" construite sur les hauteurs du village, qui comprend aussi un studio abritant la famille alsacienne. Le voisin, qui prête sa machine à laver, est un témoin de Jéhovah, ce qui laisse supposer qu’il est celui qui a fait don du terrain. Les membres de l’église se réunissaient jusque-là dans une petite maison, dans une des rues du village. On peut également se faire une idée de leur nombre. Faute de statistiques officielles, il est souvent difficile d’évaluer précisément le nombre de membres réguliers de ces églises minoritaires. Une photo, prise en septembre 2008, montre environ 60 adultes, majoritairement des femmes, soit 2,6% de la population totale de l’île, un peu plus – entre 4 et 5% - si on y ajoute les enfants. Rurutu est un des bastions du protestantisme historique (l’église protestante ma’ohi), très nettement majoritaire, mais compte aussi de petites communautés adventiste, catholique et mormone.

    Mais le document le plus intéressant est incontestablement une note très détaillée publiée en janvier 2008 par Mauivaitu et intitulée "Prédication à Rimatara". Rimatara.jpgRimatara est une petite île (8,6 km2) du même archipel, où vivent un millier de personnes. Là aussi, c’est le protestantisme qui domine, mais le compte rendu que fait Mauivaitu de ses cinq jours de campagne missionnaire sur l’île, du 31 décembre au 4 janvier, mentionne aussi plusieurs Adventistes. Accessible uniquement par bateau jusqu’en 2007, l’île est désormais reliée à Rurutu et Tahiti par les avions d’Air Tahiti, grâce à l’ouverture récente d’un aéroport. Des élèves de Rimatara sont en outre internes au collège de Rurutu. Les témoins de Jéhovah en croisent donc quelques-uns qu’ils ont déjà eu l’occasion d’approcher à Rurutu, de retour sur leur île pour les vacances de fin d’année. Leur méthode consiste essentiellement à faire du porte-à-porte en distribuant des brochures. Mais d’autres éléments d’information permettent de compléter cet aspect le plus connu de leurs activités missionnaires et de mieux cerner l’étape préalable à une implantation officielle  celle où l’église progresse à bas bruit, de maison en maison, d’une famille à l’autre. De cette note, on peut ainsi retenir quatre principaux enseignements:
    - Une organisation hiérarchisée. Les témoins de Jéhovah de Rurutu sont rejoints dans l’avion par le "surveillant de circonscription", venu de Tahiti.

    - Le jeu des relations personnelles. Les témoins de Jéhovah ne plantent pas un chapiteau sur la place du village mais empruntent plutôt, de façon plus discrète, des réseaux de relations, en retrouvant des personnes avec lesquelles elles ont établi un contact et en élargissant leur cercle d’influence à la famille et aux amis. Les migrations inter-îles jouent ici un rôle essentiel, en particulier ceux qui se sont convertis lors d’un séjour hors de l’île et y introduisent ensuite leurs nouvelles croyances.

    - Des "visites téléphoniques". Un week-end passé sur l’île en septembre et des contacts pris à Rurutu ont abouti à la mise en place de "visites téléphoniques", des conversations et des séances d’étude par téléphone. C’est ainsi que Mauivaitu rencontre à plusieurs reprises des personnes qu’elles n’a encore jamais vues, mais avec qui elle s’entretient régulièrement par téléphone, comme cette commerçante: "Nous passons dans la boutique pour faire des achats et je réalise que la mamie qui la tient est aussi une de mes visites téléphoniques".

    - "Etudier la Bible". Classés parmi les mouvements sectaires par un rapport parlementaire français de 1996, les témoins de Jéhovah tourdegarde.jpgsont plutôt considérés en Polynésie française comme une des expressions du christianisme. Si beaucoup de Polynésiens dénoncent leur prosélytisme intensif et le dogmatisme dont ils font preuve lors des discussions de porte-à-porte, ils sont aussi nombreux, tout en appartenant à d’autres églises, à accepter d’"étudier la Bible" dans le cadre des leçons à domicile proposées par les témoins de Jéhovah. L’envie d’en savoir plus, d’approfondir ses connaissances sur la Bible leur ouvre ainsi la porte des maisons polynésiennes, même si ces leçons particulières débouchent assez rarement sur des conversions.

    Le lundi, l’équipe de Rurutu rencontre par exemple une femme adventiste mariée à un protestant. La forte progression des couples mixtes (du point de vue religieux) en Polynésie française produit de plus en plus souvent des interrogations sur la "vraie religion". Ça tombe bien, les témoins de Jéhovah ont apporté dans leur cartable la leçon 13, "Comment reconnaître la vraie religion" et prennent rendez-vous le jeudi suivant pour une séance d’étude ! Des séances apparemment intensives, qui peuvent durer jusqu’à deux heures, si l’on en croit le compte rendu. La mise en place de ces rendez-vous est d’ailleurs le principal objectif des tournées de porte-à-porte.


    blogosphere.jpgVoilà, il ne reste plus qu’à éplucher les milliers d’autres blogs du même style qui, partout dans le monde, remplacent progressivement les lettres missionnaires. Que les historiens se méfient: les informations publiées sur ces blogs sont bien plus volatiles que les recueils de lettres sur lesquels ils ont l’habitude de s’appuyer et peuvent à tout moment disparaître sans laisser de traces.

     

    Photos : salle du royaume à Moorea (Malogne-Fer) et vue aérienne de Rimatara (Tahiti Pacifique).