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Rechercher : jeunesse en mission

  • Jeunesse en Mission : retour en images sur 50 ans de militantisme évangélique (1)

    historical_outreach.jpgCette première note inaugure notre "série de l'été": une plongée dans les albums photos de l'organisation évangélique Jeunesse en Mission (JEM, Youth With a Mission ou YWAM en anglais), dans le prolongement de mon dernier livre, L'offensive évangélique. Voyage au coeur des réseaux militants de Jeunesse en Mission (voir note précédente).

    Il est assez rare que ce type d'organisation, entièrement tournée vers l'action et peu encline à la nostalgie - ou même à l'archivage - prenne le temps de revenir sur son passé. Pour  marquer la célébration de ses 50 ans (elle a été fondée en 1960 par Loren Cunningham), YWAM a néanmoins mis en ligne sur un site dédié une série de trois diaporamas (pour les voir cliquer ici) tirées d'archives photographiques conservées pour la plupart sur le site de partage smugmug.com. C'est l'occasion de revenir en images sur les premières années d'un des plus grands réseaux missionnaires actuels, qui s'est notamment implanté dans le Pacifique dès les années 1970 (1967 en Nouvelle-Zélande).

    A. YWAM et les hippies

    van volkswagen.jpgOn retrouve dans les récits des premiers missionnaires de YWAM (les "YWAMers") les mêmes histoires de voyage en vans Volkswagen rafistolés, poussés sur les routes de l'Asie que suivaient à la même époque les Hippies. Pour les jeunes évangéliques des années 1960-70, YWAM marque en effet une rupture générationnelle avec les contraintes des églises "à la papa", une envie de prendre l'air sans être soumis à l'autorité des pasteurs et en échappant aux normes de la société consummériste.

    Mais la photo ci-dessous, prise dans les années 1960 au carrefour de Haigth et Ashbury Streets - l'épicentre du mouvement hippie à San Francisco - souligne aussi le profond décalage entre jeunes hyppies et  jeunes évangéliques de YWAM, qui entendent surtout sauver leur génération de la "perdition morale".

    YWAM vs hippies 60s.jpg

    C'est pour combler ce décalage qu'un des futurs leaders de YWAM, Floyd McClung, se lance en 1970 dans un périple en Land Rover sur le Hippie Trail, la route qui mène vers l'Orient. Les premiers pas sont difficiles, mais YWAM en tirera un principe essentiel, décliné sur tous les registres de la culture jeune McClung 1976.jpgcontemporaine: ce que F. McClung (ci-contre, en 1976) a appelé le "principe spirituel d'identification" et qui consiste à adopter une partie du style de vie et des codes culturels des groupes visés par l'action missionnaire, non pour les éradiquer mais pour les "convertir" en une nouvelle culture, incluant un credo évangélique conservateur. Autrement dit, une libération radicale des modes d'expression et une ouverture aux cultures contemporaines mises au service d'un retour aux "valeurs morales chrétiennes". En 1973 F. McClung s'installe à Amsterdam, autre lieu de rassemblement du mouvement hippie, sur une péniche baptisée "L'arche".

    YWAM Amsterdam-péniche.jpg

    Dans cette stratégie d'adaptation culturelle, la musique a joué un rôle déterminant, surtout avec l'élaboration à partir de 1974 (premier recueil "J'aime l'éternel" édité par Linda Mc Gowen à Jeunesse en Mission Lausanne) d'un nouveau style de chants, rapidement adopté par les églises protestantes qui s'efforçaient de trouver un ton plus "jeune" pour séduire les nouvelles générations.

    musique 78.jpg

    B. Premières campagnes missionnaires

    La première campagne de YWAM - un "service d'été" - emmène 146 jeunes volontaires aux îles Bahamas en 1964. Il n'y a à l'époque aucune formation préalable (la première école d'évangélisation est lancée en 1969).

    Bahamas 1964.jpg

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    L'action missionnaire s'appuie essentiellement sur les relations personnelles que les jeunes YWAMers établissent avec les populations des pays visités, au détour des rues ou à l'occasion de spectacles/prédications qui s'efforçent d'attirer l'attention des passants. Des rencontres et des réunions de prière (en particulier autour de la guérison) sont ensuite organisées au domicile des personnes qui se montrent intéressées.

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    Dès 1972, avec les Jeux olympiques de Munich, les grands événements sportifs fournissent un autre terrain à l'activisme de YWAM, qui peut ainsi toucher des populations originaires de pays où l'action missionnaire est interdite, notamment au-delà du rideau de fer. Ci-dessous, deux photos prises lors des Jeux olympiques de Montreal, en 1976.

    JO Montreal 1976.jpgJO MOntreal 1976 -2.jpg

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Au cours des années 1970, YWAM arpente ainsi tous les continents et implante des centres en Amérique latine, en Afrique, dans le Pacifique. Toutes les cultures et tous les domaines de la vie sociale sont concernés par cette entreprise missionnaire, y compris la politique comme le rappelle la dernière photo ci-dessous , dont la légende indique qu'elle a été prise à l'occasion d'une "réunion de prières pour les femmes, au Pentagone" (women's prayer meeting at the Pentagone).

    Afrique 1967.jpgporte-à-porte Japon ?.jpg

     

     

     

     

     

     

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    Prochain épisode: Les premiers pas de Youth With a Mission dans le Pacifique.

  • L'offensive évangélique : les réseaux militants de Jeunesse en Mission

    couv-offensive.jpgMon nouveau livre sort ces jours-ci en librairie: L'offensive évangélique. Voyage au coeur des réseaux militants de Jeunesse en Mission. Le voyage dont il est question nous emmène des États-Unis à la Chine continentale, en passant par les îles polynésiennes, la Nouvelle-Zélande et Paris.

    Jeunesse en Mission (Youth With a Mission ou YWAM en version anglaise) est une organisation missionnaire internationale de tendance évangélique charismatique, fondée au début des années 1960 en Californie par Loren Cunningham, qui était alors pasteur des assemblées de Dieu (une église pentecôtiste), responsable des activités de jeunesse dans le district de Los Angeles. Aujourd'hui présente sur tous les continents, elle s'est rapidement implantée dans le Pacifique, d'abord en Nouvelle-Zélande puis à ywam.jpegHawaii (ou elle a ouvert en 1978 à Kona - Big Island - le premier campus de son université, connue aujourd'hui sous le nom de l'Université des nations) et enfin dans la plupart des îles océaniennes. Son développement en France , à partir des années 1970, a été plus laborieux, même si Jeunesse en Mission a trouvé à l'église réformée de Belleville (elle aussi de tendance évangélique charismatique) une base à partir de laquelle il était possible de tisser des réseaux. Quant à la Chine, c'est désormais la "nouvelle frontière" des réseaux missionnaires évangéliques et une des priorités stratégiques de YWAM.

    Il y a à mon avis au moins quatre bonnes raisons de s'intéresser à Jeunesse en Mission.

    1 La première, c'est que YWAM a été depuis les années 1970 l'un des fers de lance d'une nouvelle offensive évangélique, qui est née d'une double réaction: d'une part, l'allergie des générations d'après-guerre vis-à-vis des contraintes IMG_1468.JPGtraditionnelles de la vie d'église et d'autre part, un refus assez radical des nouvelles valeurs issues de la libéralisation des moeurs. Autrement dit, une sorte de credo libertaire (non à l'autorité institutionnelle) et conservateur (non à la déchristianisation des sociétés occidentales). Où et comment se recrutent les militants évangéliques qui participent aujourd'hui à cette offensive? Quelles sont leurs méthodes d'action? Le livre explore cette première série de questions en précisant notamment les origines de YWAM, ses relations avec la contre-culture des années 1960, puis son système de formation et le mode de fonctionnement de ce type de réseau évangélique, illustration exemplaire de la mondialisation religieuse. Il décrit aussi la diversité des terrains sur lesquels se déploie l'activisme missionnaire de YWAM, depuis la "psychologie chrétienne" jusqu'aux surfeurs, en passant par l'aide humanitaire.

    2 La seconde raison de s'intéresser à YWAM est son influence au sein du protestantisme actuel. YWAM a en effet directement contribué à plusieurs évolutions importantes. Il y a eu d'abord les chants, avec la diffusion des recueils "J'aime l'Eternel", qui ont encouragé l'arrivée des guitares électriques et des batteries dans de nombreuses églises protestantes et ont souvent été la principale référence des églises soucieuses de IMG_1449.JPG"faire jeune" jusqu'à la concurrence récente des chants édités par la méga-église australienne Hill Song. Surtout, il y a le lancement dans les années 1980 à Londres du mouvement des Marches pour Jésus, qui au-delà de sa dimension festive marque une volonté de "reprendre autorité sur la ville", en occupant symboliquement l'espace public au nom de Dieu. Cette manifestation, organisée dans plus d'une centaine de pays chaque année, puise son inspiration dans une théologie couv-dawson.jpgdu combat spirituel, dont j'ai déjà eu l'occasion de parler sur ce blog et lors d'un entretien sur la RSR (à écouter ici). Elaborées par des théologiens nord-américains soucieux de "reconquérir" les territoires urbains, la rhétorique du combat spirituel et les pratiques de Spiritual Mapping (cartographie spirituelle) qui y sont liées incitent à rechercher les "esprits tutélaires" des lieux pour engager une guerre de libération spirituelle des territoires. YWAM a activement contribué à leur diffusion, par ses enseignements et par les publications de responsables de premier plan comme Floyd McClung ou John Dawson (actuel président international de YWAM).

    3 Le troisième point digne d'intérêt, ce sont les prolongements politiques du credo charismatique de YWAM. La politique fait en effet partie de ses champs d'action missionnaire et des "YWAMers" ont même été élus au Parlement néo-zélandais, comme le raconte un des chapitres du livre, consacré à la Nouvelle-Zélande.kiwi party.jpg J'avais évoqué le Kiwi Party, le parti politique fondé par ces deux anciens responsables nationaux de YWAM (respectivement aux Philippines et en Nouvelle-Zélande), Larry Baldock et Bernie Ogilvy, dans une note de novembre 2008, à l'occasion des élections législatives néo-zélandaises. La conclusion du livre revient en outre sur le profil religieux de Sarah Palin (voir aussi sur Rue89 et Le Monde), qui reprend en la radicalisant la même posture libertaire/conservatrice (droite chrétienne libertarienne), et entretient avec les étiquettes confessionnelles et les églises les mêmes relations que beaucoup de YWAMers de sa génération.

    4 Enfin, le quatrième thème qui me paraît important, est la manière dont YWAM, au travers du mouvement Island Breeze (fondé en 1979 par le Samoan Sosene Le'au), met en scène les cultures autochtones comme mode d'expression de la foi chrétienne Pacific_23.jpget moyen d'évangélisation. En reprenant notamment les danses océaniennes, bannies des temples par les premiers missionnaires et jusqu'à aujourd'hui, par la plupart des églises protestantes des îles du Pacifique, Island Breeze a séduit beaucoup de jeunes, dans les îles et en Nouvelle-Zélande, parmi les Pacific Peoples issus des migrations polynésiennes ou chez les Maori (peuple autochtone de Nouvelle-Zélande). J'avais déjà abordé cette question dans une communication lors d'un colloque organisé en mai 2009 par l'Université de la Réunion (à lire ici). Un chapitre du livre revient donc sur l'histoire de ce mouvement, entre folklore évangélique et "réveil culturel".

    Pour consulter la table des matières de ce livre, cliquez ici. Pour un aperçu plus complet du livre, sur Google Books, cliquez ici.

  • Histoire des missions chrétiennes en Océanie (2): missions polynésiennes

    c3a123368d1ded6be2b130a97e79a7ae.jpgVoici comme promis un aperçu du second versant de l’histoire des missions chrétiennes en Océanie, qui met en scène des missionnaires océaniens ayant contribué, d’abord en appui des missions européennes puis au nom d’églises océaniennes devenues autonomes (jusqu’aux années 1980 dans certaines régions), à la diffusion du christianisme dans les îles du Pacifique.

    Les missionnaires d’Océanie, le plus souvent polynésiens, sont au départ décrits par les observateurs européens non comme des missionnaires à part entière mais comme des native teachers, auxiliaires des missions européennes qui débutent essentiellement (mises à part quelques incursions catholiques isolées) à la fin du 18ème siècle avec l’arrivée à Tahiti de la London Missionary Society (LMS) protestante.
    Au 20ème siècle, ils prennent progressivement en charge des églises locales dans l’ensemble des îles du Pacifique, instaurant avec les populations locales des relations faites d’échanges culturels et parfois de rapports de domination.

    Missions polynésiennes en Papouasie Nouvelle-Guinée
    abca847c20791e73dd77be68babe8f0e.jpg Selon les statistiques de la LMS, presque la moitié des missionnaires et de leurs épouses sont morts ou ont été tués entre 1871 et 1885. Ils viennent des îles Loyauté, des îles Cook, de Niue (à partir de 1874), des îles de la Société (1878) et de Samoa (1884). La Wesleyan Methodist Mission envoie elle aussi en Papouasie Nouvelle-Guinée des missionnaires tongiens (les Tongiens qui avaient auparavant, à partir de 1835, déjà contribué à l’implantation du méthodisme à Fidji et Samoa), des Samoans et des Fidjiens. Ils arrivent en Nouvelle-Guinée à partir de 1875, en Papouasie à partir de 1891, aux Salomon en 1902, puis dans les montagnes des Highlands au cours des années 1960. Dans les années 1970, cette mission méthodiste s’associe à l’église unie de Papouasie Nouvelle-Guinée et Salomon pour envoyer des missionnaires chez les aborigènes des territoires du nord de l’Australie.
    Les principales difficultés rencontrées par ces missionnaires océaniens sont liées à des maladies inconnues en Polynésie et à Fidji, comme la malaria. Leurs relations avec les populations locales sont ambivalentes : plus faciles que les relations entre missionnaires européens et Mélanésiens, mais pas sans tensions. Plusieurs auteurs évoquent en particulier des tensions avec les Tongiens et les Samoans, pour deux raisons:
    - D’abord, des préjugés culturels. Beaucoup de missionnaires tongiens et samoans étaient au début du 20ème siècle convaincus de leur supériorité physique, mentale et culturelle sur les Mélanésiens, un sentiment renforcé par la conviction d’apporter « la lumière à des peuples dans l’obscurité ».
    - Ensuite, les pasteurs samoans bénéficient, dans les villages samoans, de beaucoup d’autorité, d’attention et de dons de la part des membres d’église. Certains d’entre eux s’attendaient à pouvoir instaurer ce type de relations avec les populations de Papouasie Nouvelle-Guinée, et ont suivent suscité des résistances.
    Il semble en revanche qu’il y ait eu moins de tensions avec les Fidjiens, les mariages entre hommes fidjiens et femmes mélanésiennes étant assez courants, en particulier chez les missionnaires veufs.
    Et puis ces missionnaires ont contribué à introduire de nouvelles habitudes : ils ont enseigné de nouveaux chants, que l’on peut entendre encore aujourd’hui dans ces églises, chants en grande partie inspirés par ceux des églises de Polynésie. Ils ont introduit de nouvelles méthodes de culture, de nouvelles utilisations des plantes, du pandanus, de la fibre de coco. Ils ont diffusé de nouveaux sports comme le rugby et le cricket. Ils ont influencé le style des habitations. Sur l’île de Misima par exemple, au sud-est de la Papouasie Nouvelle-Guinée, on trouve des maisons de style tongien. Le plus souvent, c’est le style fidjien qui a été adopté.

    Histoire de Turaliare Teauariki, missionnaire des îles Cook en Papouasie (1963-1975)
    8883699f5f8e5491d63082f95c08d460.jpg T. Teauriki est l’un des derniers missionnaires polynésiens envoyés en Papouasie par une église protestante historique. Son récit a été publié en 1996 par Doug Munro et Andrew Thornley dans un livre intitulé The Covenant Makers, Islander Missionaries in the Pacific (PTC et University of South Pacific, Suva, Fidji).
    En 1962, T. Teauariki est pasteur à Penrhyn, dans les îles du nord des Cook. Il est devenu pasteur à l’âge de 35 ans, après une formation au Takamoa College de Rarotonga – l’école pastorale de la Cook Island Christian Church (CICC), issue de la LMS.
    Quand son épouse et lui partent en 1963, il n’y a plus eu de missionnaires des îles Cook en Papouasie depuis 40 ans et ils y sont les seuls missionnaires océaniens non samoans. Le voyage jusqu’au village reculé de Rouku, dans la région de Morehead River, comprend plusieurs étapes, au cours desquelles il leur est systématiquement rappelé que là où ils vont, les « gens sont sauvages et il y aura des difficultés et des maladies ».
    Après trois mois de formation à Rarotonga, ils prennent le bateau jusqu’aux Samoa puis l’avion pour Sydney, où T. Teauariki suit des cours à l’Australian School of Pacific Administration, l’école de formation des officiers gouvernementaux australiens (Son épouse reçoit une formation en puériculture et infirmerie). Troisième étape, à Port Moresby: un missionnaire blanc en poste depuis 20 ans leur enseigne la langue Motu. À nouveau, on les met en garde: trois pasteurs locaux ont dû quitter la région, « ils ont dit que les gens étaient très sauvages et qu’il y avait beaucoup de dangers ». Quatrième étape, Daru, capitale de la province occidentale, au sud, où des gens de la Morehead River leur apprennent leur langue. Enfin, arrivée à Morehead, où ils sont accueillis par le Patrol Officer australien – c’est lui qui a demandé à l’église locale, la Papua Ekalesia, d’envoyer un couple missionnaire pour le village de Rouku, où ils se rendent en pirogue.
    «Dès le départ – écrit T. Teauriki –, j’ai décidé de vivre près des gens. Quand j’ai vu leur mode de vie, j’ai laissé de côté toutes les leçons que j’avais prévu de leur enseigner parce que j’ai vu que ça ne voudrait rien dire pour eux. Au départ, je n’ai pas essayé de leur donner une éducation chrétienne. J’ai juste essayé de devenir amis avec eux. Je leur ai rendu visite dans le bush parce que c’est là qu’ils étaient toujours. Je m’asseyais avec eux et j’écoutais les hommes parler entre eux pour mieux apprendre leur langue. Je passais mes journées dans le bush. Le matin et le soir, j’avais des prières familiales à la maison et certains d’entre eux venaient et s’asseyaient avec nous. Mais ça ne les intéressait pas longtemps et parfois ils partaient avant la fin
     
    Il voulait leur apporter «la vie», il réalise qu’il doit surtout apprendre à vivre avec eux et comme 776ee61087c27090646efafa9991c0b2.jpgeux: «personne ne m’a prévenu que ma première idée était fausse»… Plusieurs caractéristiques de la vie à Daru lui paraissent devoir être «civilisés» et on voit concrètement comment les missionnaires polynésiens intro- duisent des changements dans les modes de vie:

    - "propreté". « Donc nous avons mangé avec les gens même si la nourriture était sale et que rien n’était lavé. Nous les avons invités à manger avec nous. Au début, Mama [son épouse] voulait que je les emmène à la rivière laver leurs mains avant de manger, mais j’ai dit que nous devions être patients et les laisser manger avec les mains sales ».
    - Accouchement et soins des bébés. Son épouse invite les femmes à accoucher chez elle plutôt que dans le bush (de peur que les esprits d’un enfant mort-né ne hantent le village), quelques unes acceptent mais la plupart refusent. Elle leur apprend à laver régulièrement les bébés.
    - Tressage et couture. - Son épouse vit avec les femmes, mais évite le bush de peur des serpents. Elle leur apprend à fabriquer des objets tressés en pandanus, fibres de coco et autres plantes, ainsi que la couture, un grand classique de l’action missionnaire en direction des femmes.
    - Pacification. Quand il visite les autres villages, accompagné par un Daru qui a vécu cinq ans à Port Moresby, voici comment T. Teauriki se présente :
    «Je leur disais que j’étais envoyé là par la Papua Ekalesia et que j’étais venu de Rarotonga pour apporter l’évangile. Je disais que j’étais réellement envoyé par Dieu, par le biais de l’église, et que je leur apportais la Bible. Je leur disais qu’eux et moi étions un seul peuple et que Dieu nous a fait un, et que j’étais venu pour les aider à ne faire qu’un seul peuple avec leurs voisins des autres villages.»
     
    Il a par la suite occupé plusieurs postes, dont celui de superintendent du district de Daru, en 1966 après un intérim assuré par un Samoan (époque où les missionnaires polynésiens accèdent aux responsabilités occupées jusque-là par des Occidentaux). En 1969, on annonce que la Papua Ekalesia a décidé de ne plus faire appel à des missionnaires océaniens et qu’ils n’ont plus droit qu’à un seul séjour de 6 ans. Il rentrent fin 1975, le successeur de T. Teuariki) à la tête du district de Morehead est un Papou.
    Son récit est écrit dix ans plus tard, en 1985. Il termine en évoquant les liens établis entre Cook Islanders et Papous:
    «Nous avons été heureux de voir que beaucoup de Papous dont les ancêtres ont reçu les premiers missionnaires des îles Cook souhaitent maintenir un lien avec notre église. En 1982, environ 50 d’entre eux sont venus visiter Rarotonga. En 1984, 147 sont venus. Il est maintenant prévu d’en envoyer encore 147 en décembre 1985. Chaque fois, ils restent deux semaines, comme invités de notre église
     

    Pasteurs samoans à Tuvalu, 1865-1899
    656e5148fa23faaeebaf18f5821609cc.jpgDernière histoire de missionnaires polynésiens, cette fois en Polynésie, sur l’atoll de Tuvalu. L’introduction du christianisme sur cet atoll est attribuée à un Cook Islander de la LMS, Elekana, diacre de Manihiki, qui fait naufrage en 1861 au sud de Tuvalu. Formé ensuite au Malua College, il fait partie de l’expédition de 1865 avec le missionnaire Murray et deux «teachers» samoans. À son arrivée, Murray remarque qu’il y a déjà une chapelle, que les Tuvalu ont une bible en anglais et connaissent trois chants dont deux en anglais, sans doute du fait d’un Hawaiien ayant résidé sur l’île.
    Aucun missionnaire européen n’a jamais résidé durablement à Tuvalu, la mission a été prise en charge par des missionnaires polynésiens, essentiellement samoans.
    On retrouve à Tuvalu les mêmes récits qu’en Papouasie Nouvelle-Guinée sur les attentes des pasteurs samoans vis à vis des paroissiens de Tuvalu, avec l’instauration d’un véritable régime LMS samoan : l’église de Tuvalu est un district de Samoa et les pasteurs samoans accumulent plus d’autorité et de richesses que les chefs locaux. La volonté des Tuvalu de  dé-samoanise » leur église ne se réalise qu’après la seconde guerre mondiale : en 1947, un pasteur tuvalu demande à l’église213942c4a8ade5c8ca4a10999ae423e8.jpg samoane de rapatrier ses pasteurs, retrait qui débute six ans plus tard.L’église indépendante de Tuvalu, Ekalesia Kelisiano Tuvalu, qui rassemble aujourd’hui 93% de la population, est fondée en 1969.
     
     
     
     
     
     
    Illustrations
    En-tête: Mathias Kauage, The first missionary (1977, National Gallery of Australia).
    Noir et blanc: "Young People with  Maiva Shields", Port Moresby 1881-1189, l'une des premières photos de la côte papoue, prise par  un missionnaire de la LMS, le Rev.  W.G. Lawes (Peabody Museum).
    Cérémonie papoue et Tuvalu (Vaitupu Island et Niulakita Island): superbes photos de Peter Bennets.
    Homme à la pirogue (Papouasie occidentale, Fly River): pacificislandtravel.com