La question des relations entre christianisme(s) et culture(s) dans les îles du Pacifique est à la fois un thème classique de l'anthropologie et un point sensible qui suscite réflexions, débats et controverses. Elle touche en effet implicitement à la définition de la culture, voire de l'authenticité culturelle, à partir de laquelle les anthropologues abordent ces sociétés. Décrire le christianisme contemporain en Océanie, surtout les églises les plus récentes où l'articulation entre culture locale et foi chrétienne n'est souvent pas évidente de prime abord, c'est toujours prendre le risque d'apparaître comme quelqu'un qui choisit délibéremment d'ignorer la spécificité culturelle locale en se concentrant sur une sorte de religieux "hors sol". Le pentecôtisme est-il une religion totalement étrangère à la culture polynésienne? Peut-on identifier dans les pratiques des pentecôtistes polynésiens des correspondances avec une culture pré-chrétienne ou avec ce qu'on appelle aujourd'hui la "tradition chrétienne" (incarnée par les églises historiques, comme l'église protestante ma'ohi)? La conversion au pentecôtisme traduit-elle une occidentalisation, une forme d'acculturation, liée par exemple à l'urbanisation et à l'individualisation des modes de vie ? Ou le pentecôtisme participe-t-il aussi aux recompositions contemporaines de l'identité culturelle polynésienne?
Sur toutes ces questions délicates à manier, j'ai publié en 2004 dans le Journal de la Société des Océanistes un article intitulé "Le pentecôtisme en Polynésie française: innovations religieuses et dynamiques du changement socioculturel", qui est maintenant disponible en ligne en cliquant ici. Avec quelques années de recul, les positions prises dans cet article me paraissent aujourd'hui trop tranchées, elles manquent un peu de nuances, en voulant prendre trop systématiquement le contre-pied des analyses traditionnelles en termes d'opposition culture/importation, acculturation/authenticité. Bonne lecture !
Nb. Le tiki (sculpture polynésienne) en illustration est le logo de la Société des Océanistes, qui publie le journal du même nom.