La manifestation de samedi 19 décembre contre les conditions d'indemnisation des victimes des essais nucléaires prévues par la loi Morin, à l'appel de l'église protestante ma'ohi et avec notamment le soutien du parti indépendantiste d'Oscar Temaru - le Tavini Huiraatira - est sans aucun doute l'événement politico-religieux le plus marquant de ce mois de décembre 2009 (nb. mise à jour du 20.12: 2000 personnes y ont participé). Mais durant cette semaine, c'est d'abord la lutte contre les sectes qui a fait la une de l'actualité en Polynésie française.
La Miviludes à Tahiti : oui au "retour en Eden", non à la déscolarisation
La Miviludes, mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, était ces derniers jours en visite à Tahiti, où ses responsables ont rencontré les services de l'État et tenu plusieurs conférences de presse. Les premières déclarations de son président, Georges
Fenech, qui semblait se focaliser sur les témoins de Jéhovah en estimant que "6000 Polynésiens sont concernés si on tient compte des 4000 Témoins de Jéhovah", avaient paru un peu décalées de la réalité locale et des perceptions courantes de ce mouvement en Polynésie française, où il est généralement considéré comme assez inoffensif. Certains lecteurs de la Dépêche de Tahiti faisaient surtout remarquer le curieux télescopage entre les propos de G. Fenech et un autre titre du même journal, évoquant les félicitations adressées par le gouvernement polynésien au professeur Wu Sen Jen, qui enseigne depuis plusieurs mois les techniques de l'agriculture biologique aux agriculteurs de Polynésie française. Ce professeur, à qui le gouvernement vient de promettre l'attribution d'un terrain sur la presqu'île de Tahiti, appartient en effet à l'église de Tahiti du Nouveau Testament, appelée localement "église du Mont Thabor" - le nom d'inspiration biblique donné à son église située sur une colline d'Arue, à l'Est de Papeete.
Née au début des années 1980 d'une dissidence au sein d'une église pentecôtiste chinoise de Tahiti - l'église Alléluia - cette église est la branche locale de la New Testament Church fondée dans les années 1960 par une ancienne actrice de Hong Kong, Kong Duen Yee (décédée en 1966) , et dirigée depuis 1973 par Elie Hong, basé à Taiwan et considéré par les membres de l'église comme le "prophète de toutes les nations". Elle associe des éléments d'inspiration pentecôtiste avec une série d'enseignements et de pratiques spécifiques - notamment sept "fêtes bibliques" inspirées de l'Ancien Testament et
le "témoignage du sang" (le pardon et "la purification par le sang de Jésus-Christ"), qui s'ajoute à ceux de l'eau (baptême par immersion) et du Saint-Esprit (parler en langues). Ces spécificités sont issues des publications de Kong Duen Yee et des directives de Elie Hong, qui dirige l'église en s'appuyant sur une organisation très hiérarchique et relativement fermée.
En Polynésie française, l'église a en outre développé des activités commerciales, dont les plus connues sont Araka Fish, réputée dans la communauté chinoise pour ses poissons séchés et
salés, une ferme perlière dans les Tuamotu et "l'île d'Eden", un atoll de Tikehau où l'église de Tahiti s'est lancée depuis plusieurs années dans l'agriculture biologique. "Le prophète nous a conduits à revenir en Eden, revenir à la nature", m'expliquait en effet, en février 2002, une porte-parole de l'église:
C'est pourquoi nous aimons beaucoup la nature, nous aimons beaucoup tout ce qui est naturel, produits naturels, préserver la nature, l'environnement. Alors ces dernières années, le prophète nous a conduits à faire une culture non toxique, sans engrais chimique, sans produit chimique, sans pesticides. Alors nous faisons nous mêmes notre propre compost, nous avons des vers de compost, enfin nous faisons beaucoup de choses naturelles. C'est sûr qu'on ne peut pas être à 100% épargnés (par la pollution), mais on veut tendre vers cela, (...) tendre vers ce qui est bon, vers ce qui est meilleur, vers ce qui est parfait. On fait des compost, on élève des vers de terre.
Lors d'une dernière conférence de presse (dont rend compte l'agence tahitienne de presse) G. Fenech a donc dû préciser le point de vue de la Miviludes sur les activités de l'église du Mont Thabor: d'accord pour le "retour en Eden" et l'agriculture bio, qui sont apparemment jugées inoffensives, mais l'église est néanmoins dans le collimateur de la Miviludes, G. Fenech parlant même d'un "cas d'école"... Une expression particulièrement appropriée, puisqu'il lui reproche notamment une dizaine d'enfants déscolarisés et évoque en outre des "éléments discutables de la vie de la communauté d'Arue, au sein de laquelle 'on peut repérer cinq ou six critères de rupture sociale' ".
Les illustrations de l'église du Nouveau Testament sont tirées de son site Internet, www.zion.org
Un nouvel article, publié en 2007 dans la revue canadienne 
l'identité polynésienne. La plupart des chorégraphies évoquent des divinités naturelles - le roi de la mer Tinorua face à Arenui, "la grande vague jalouse" (groupe Kei Tawhiti) -, des sacrifices légendaires («six jeunes filles qui renaissent sous la forme d'oiseaux", groupe Ahutoru Nui) ou le dieu créateur polynésien
Le christianisme a-t-il sa place dans la représentation de l'authenticité culturelle et de la tradition polynésiennes ? En juillet 2007, l'attribution d'un premier prix au groupe
groupe "n'est plus en catégorie patrimoine, mais s'inscrit de facto en catégorie création" et l'écrivaine polynésienne
Les catégories "patrimoine" et "création" ont été depuis abandonnées au profit d'une simple distinction entre anciens lauréats (concours heiva nui) et débutants (concours heiva). Tamariki Oparo, la troupe de danse de 
hommes de Rapa, Paparua et Aitaveru, le fils du chef et son serviteur, qui une fois convertis et formés à Tahiti, contribueront à l'implantation du christianisme sur leur île. Ont-ils été enlevés ? Dans son journal, le missionnaire John Davies évoque un malentendu et écrit que l'équipage les traita "avec gentillesse". Pour John Mairai, qui
Déjà vainqueur en 2006, dans la catégorie "patrimoine" ,Tamariki Oparo a reçu cette année le deuxième prix dans la catégorie "heiva nui". Ses spectacles se singularisent en mettant en scène une authenticité culturelle "sauvage", proche des origines de la danse selon Pierrot Faraire, avec des gestuelles guerrières en partie inspirées des danses maori de Nouvelle-Zélande. La troupe a su ainsi jouer sur la représentation que les Rapa ont d'eux-mêmes mais surtout, sur la manière dont on imagine Rapa à Tahiti. Les précédents spectacles, tout en étant basés sur des récits légendaires, laissaient de temps en temps apparaître des références bibliques implicites, notamment aux dix commandements. Cette fois, en incorporant l'histoire missionnaire au patrimoine culturel de Rapa, Pierrot Faraire a montré que la dissociation entre culture et christianisme n'a pas grand sens pour les Rapa et que les premiers temps du christianisme sur cette île restée "traditionnelle" sont aujourd'hui devenus un récit mythique, qui s'ajoute à une longue tradition orale et peut même parfois se confondre avec des légendes plus anciennes.