Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Yannick Fer - Page 37

  • Le nouveau visage du christianisme océanien : un ouvrage collectif incontournable

    medium_ptc.jpgLe vice-président de l’État fidjien a participé le 13 juillet 2006, au Pacific Theological College de Suva, au lancement officiel d’un ouvrage collectif coordonné par Manfred Ernst et intitulé Globalization and the Re-shaping of Christianity in the Pacific Islands, consacré aux évolutions contemporaines du christianisme en Océanie : consolidation des églises mormones et adventistes, déclin des églises protestantes historiques, rapide progression des mouvements évangéliques et pentecôtistes.
    En 1994, M. Ernst avait publié une première étude, Winds of Change, un projet financé par la Pacific Conference of Churches qui rassemble les églises historiques d’Océanie, catholiques et protestantes. Les responsables de ces églises souhaitaient alors se donner les moyens de faire face à ces transformations, souvent perçues par eux comme une invasion d’églises et de croyances « étrangères », plus précisément nord-américaines. En dépit d’analyses parfois discutables des « nouveaux groupes religieux » (fondées notamment sur l’idée d’une incompatibilité irréductible entre les cultures chrétiennes locales « communautaires » et des mouvements décrits comme « individualistes »), Winds of Change est rapidement devenu une référence incontournable pour tous ceux qui s’intéressent au christianisme contemporain en Océanie.
    Le livre lancé le 13 juillet dernier, très attendu, constituera certainement une ressource documentaire et analytique encore plus précieuse. Il dresse, près de dix ans plus tard, un nouvel état des lieux, encore une fois grâce au financement de la Pacific Conference of Churches. Depuis, les « nouvelles » églises se sont solidement implantées dans le paysage religieux océanien et il devient chaque jour plus difficile de prétendre qu’elles n’ont « rien à voir » avec les cultures et les sociétés locales. Il faut donc s’attacher à comprendre en quoi elles accompagnent et/ou amplifient les changements sociaux et culturels que connaissent les îles medium_couv-globalisation.jpgocéaniennes, comment elles articulent la prise en compte des spécificités locales avec une « globalisation » religieuse débordant le seul cadre régional. Les responsables des églises historiques ont aujourd’hui compris que ces « nouvelles » églises pallient bon nombre de leurs propres déficiences : modèles d’autorité trop hiérarchiques et gérontocratiques, faible intégration des jeunes aux instances de décision, maintien d’un rigorisme hérité des missionnaires (tenues vestimentaires, musique, place des femmes), discours axé sur l’appartenance héritée à une communauté ethnico-culturelle plutôt que sur les besoins individuels, etc. Et il est sans doute vain d’espérer revenir au « bon vieux temps » où ces églises organisaient à elles seules la vie religieuse et sociale des populations océaniennes, mieux vaudrait réfléchir dès maintenant au principal défi des années à venir : les modalités de gestion du pluralisme religieux. La seconde partie du livre comprend des études détaillées de la situation religieuse dans quatorze pays du Pacifique, dont une consacrée à la Polynésie française, que j’ai écrite en collaboration avec Gwendoline Malogne-Fer. Le livre est en vente sur le site Internet de l'University of South Pacific et devrait être prochainement disponible sur les sites du type amazon.com. Il peut également être commandé en renvoyant un bon de commande.
     
    (Photo haut : un des bâtiments du Pacific Theological College)

  • L'autochtonie en protestantisme évangélique

    Le GTMS (Genèse et transformations des mondes sociaux), centre de recherches CNRS-EHESS, et le réseau québecois DIALOG (réseau d'échange sur les questions autochtones) organisent les 13 et 14 juin prochains un colloque international intitulé L'autochtonie en question : regards croisés France / Québec.
    Une trentaine d'intervenants sont annoncés, pour un tour d'horizon des questions liées aux identités et aux revendications autochtones contemporaines qui devrait combler un peu la relative faiblesse des réflexions sur ce sujet en France. La situation du Canada, où les chercheurs sont souvent plus attentifs aux travaux de langue anglaise et s'intéressent de près aux enjeux du multiculturalisme et aux questions soulevées par les populations autochtones amérindiennes et inuit, contraste bien sûr avec beaucoup de discours français encore enfermés dans une opposition binaire entre individu et communauté.
    J'interviendrai pour ce qui me concerne au cours de la séance du 14 juin au matin, pour décrire les formes que prennent la définition et la mise en scène des identités autochtones en protestantisme évangélique, à travers l'exemple de Youth With a Mission (Jeunesse en Mission, une des quatre plus importantes organisations missionnaires actuelles) en Polynésie. Il s'agira notamment de voir en quoi cette prise en compte des appartenances autochtones par un protestantisme traditionnellement centré sur la liberté individuelle du converti renvoie à un ensemble de transformations contemporaines des appartenances, affiliations et identités - qu'elles soient culturelles ou religieuses -, en particulier en contexte de migrations et d'intensification des échanges régionaux ou globalisés (élaboration d'une fraternité autochtone rassemblant Océaniens, Amérindiens, Inuits "nés de nouveau").

    Le programme de ces deux journées, qui auront lieu dans le grand amphithéâtre de l'EHESS, au 105 boulevard Raspail (Paris 6e) peut être téléchargé en cliquant ici. Pour voir l'affiche, cliquer ici.

    (Photo : église anglicane inuit de Puvirnituq, source : www.inuulitsivik.ca)

  • Da Vinci Code interdit à Samoa

    Les « droits fondamentaux de la personne humaine » face à l’autoritarisme des églises chrétiennes traditionnelles

    Le comité de censure des Samoa occidentales, nous apprend Tahiti Presse, a décidé ce week-end d’interdire que le film « Da Vinci Code » soit projeté dans l’unique salle de cinéma de l’archipel (le Magik Cinema d’Apia, la capitale) et loué en DVD. Selon la dépêche, cette décision fait suite à l’avis rendu par le « Conseil des églises chrétiennes », sollicité par le comité de censure. À ma connaissance, il n’existe pas aux Samoa de conseil rassemblant toutes les églises chrétiennes et il s’agit très probablement du National Council of Churches, qui rassemble les trois églises « traditionnelles » :
    - La Congregational Christian Church in Samoa (CCCS), appelée aussi lotu tahiti ("église Tahiti"), qui rassemble 35% de la population.
    - L’église catholique, soit 20% de la population.
    - L’église méthodiste (lotu tonga), soit 15% de la population.
    Les églises évangéliques et pentecôtistes, qui connaissent depuis les années 1980 une progression continue et importante, ont quant à elles créé une seconde structure fédérative, l’Evangelical Fellowship of Churches.
    Aux îles Samoa comme dans beaucoup d’îles polynésiennes aujourd’hui, les revendications de liberté individuelle s’opposent à des rappels à l’ordre communautaires (autorités villageoises) ou institutionnels (responsables d’église). Si en milieu urbain et a fortiori en situation de migration (plus de 100 000 Samoans vivent en Nouvelle-Zélande), il est plus facile d’affirmer la légitimité de choix personnels, dans les villages les changements d’affiliation religieuse en particulier suscitent encore de fortes résistances. En 2002, l’association Human Rights Without Frontiers évoquait notamment les tensions liées à la croissance des Assemblées de Dieu (7% de la population en 2001) et des cas d’expulsions de convertis.
    Le fait que des églises aient ainsi décidé d’interdire le film Da Vinci Code s’inscrit dans cette confrontation entre d’un côté des droits de l’individu à vocation universelle, une société de plus en plus plurielle, et de l’autre des églises porte-parole de la tradition chrétienne samoane qui considèrent qu’à Samoa, l’individu n’existe pas en dehors de son appartenance obligée à sa communauté d’origine et d’une soumission à ceux qui y exercent l’autorité. Cette confrontation est aussi générationnelle, l’archevêque de Samoa a d’ailleurs justifié l’interdiction du film en évoquant les jeunes, dont la foi, « moins ancrée que celle des classes les plus âgées, pourrait s’en trouver affectée ».
    Aux arguments des églises, le propriétaire du cinéma oppose le « droit fondamental de la personne humaine » de se faire une opinion, exprimant bien le fossé qui se creuse entre les jeunes générations et des églises dont le déclin relatif (au profit des Mormons – 13% de la population, des Adventistes – 4%, des évangéliques et des pentecôtistes) risque de s’accentuer dans les années à venir.