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Yannick Fer - Page 34

  • Deep Inside with the Holy Spirit : Surfeurs Chrétiens dans le Pacifique

    medium_CS_NZ_2.jpegAu début des années 1980, dans le sillage des différents mouvements de «sportifs chrétiens» qui voient alors le jour en terrain protestant évangélique nord-américain, de jeunes surfeurs australiens créent la première association de Surfeurs Chrétiens, destinée à évangéliser les milieux du surf, a priori bien éloignés des valeurs de modération et de la mise en ordre des vies personnelles prônées par le protestantisme évangélique. Mais les jeunes évangéliques, surtout ceux qui sont «nés dans l’église», ont aussi envie de se distinguer du rigorisme parental et de la société environnante trop «tièdes» en affirmant une identité chrétienne, radicale, moderne et sportive. C’est porté par cet effet de génération, puis par l’effet d’imitation lié à la médiatisation de plusieurs champions internationaux «chrétiens», que le mouvement, devenu Christian Surfers International (CSI) s’est implanté dès 1985 en Nouvelle-Zélande, puis aux Etats-Unis, en Afrique du Sud et en Grande-Bretagne (au cours des années 1990), en Europe et au Japon. En 2001, le mouvement brésilien  surfitas de Christo s’est affilié à CSI, suivi par d’autres associations sud-américaines. L’organisation évangélique charismatique Jeunesse en Mission (Youth With a Mission, l’une des plus importantes organisations missionnaires actuelles) a elle aussi fondé un «ministère» axé sur le surf, Surfers for  Missions International (SFMI), qui collabore avec CSI au sein du réseau mondial Surf Ministries International fondé en 1993.


    medium_logo_CS_NZ.2.jpegSelon son site Internet, CSI compte aujourd’hui des missions dans quinze pays et plus de 400 «ouvriers volontaires». Le mouvement vise surtout à exercer, par le biais de surfeurs professionnels médiatiques, une influence sur leur jeune public, en recourant à trois principales techniques :


    - L’organisation de compétitions internationales, sur le modèle de la Jesus Pro Am fondée en 1984 en Australie.
    - La formation des champions de surf « chrétiens » aux méthodes de communication-évangélisation, afin d’utiliser efficacement la couverture médiatique dont ils bénéficient.
    - La diffusion d’un ensemble de produits tels que tee-shirts, films, musiques, publications.


    medium_CS_Bible.jpeg En outre, CSI a développé une série d’activités destinées plus spécifiquement aux églises locales, selon une logique d’agence de moyens que l’on retrouve désormais de plus en plus en milieu protestant évangélique : ministères pour la famille, les jeunes, les médias, séminaires de formation, etc. Cette dynamique qui fonctionne en réseaux internationaux ouvre à chaque église des possibilités bien plus larges que ce qu’elle aurait pu mettre en œuvre dans le seul cadre de la congrégation locale.

    Elle témoigne enfin du fait que, pour les évangéliques, l’engagement ne s’arrête pas aux portes de l’église, loin s’en faut : tous les domaines de la vie sociale, économique, culturelle ou politique sont des terrains de mission car selon la formule utilisée par Loren Cunningham, fondateur de Jeunesse en Mission, «la course se joue à l’extérieur, dans le monde lui-même».

    Surfeurs Chrétiens à Tahiti

    En Polynésie française, le surf compte beaucoup de pratiquants amateurs et près de 300 licenciés. C’est un ancien équipier de Jeunesse en Mission, lui-même surfeur et shaper (affûteur de planches) réputé, qui est à l’origine de l'association Surfeurs Chrétiens Tahiti officiellement créée en 1998. L’année précédente, une campagne d’évangélisation menée à Tahiti par une équipe de SFMI, des équipiers locaux de Jeunesse en Mission et les Assemblées de Dieu de Polynésie française avait donné de premiers résultats encourageants. En 2001, l’association comptait 29 adhérents, dont 11 compétiteurs, un nombre modeste au regard du rôle au sein du surf polynésien et de l’impact médiatique que lui assure depuis 1999 la Sapinus Longboard Classique, une rencontre de niveau international qui a lieu chaque année sur la côte ouest de Tahiti. Le reste de l’année, les activités de Surfeurs Chrétiens Tahiti consistent, comme l’indiquent ses statuts, à organiser régulièrement «des animations de jeunesse avec projection de film de surf et concert de musique chrétienne sans alcool».

    Deep Inside : être loin dans le tube formé par une grande vague (lexique du surf)

  • Implantation pentecôtiste à Wallis et Futuna : migrations et missions en cascade

    Le dernier numéro (octobre 2006) de Pentecôte, la revue mensuelle des assemblées de Dieu françaises, publie un texte de Paulo Kavakava, converti wallisien qui y raconte ses premiers pas de missionnaire sur l’île de Futuna, en mars 2006. « L’église – précise-t-il – compte une vingtaine de personnes ». Les îles de Wallis et Futuna comptent aujourd’hui, selon ses estimations, « environ cinquante membres actifs ».
    L’implantation récente des assemblées de Dieu (principale dénomination pentecôtiste dans le monde) sur ces deux îles polynésiennes situées à 2100 kilomètres au nord-est de la Nouvelle-Calédonie et 3200 kilomètres au sud-ouest de la Polynésie française montre de manière tout à fait exemplaire les voies par lesquelles passe l’expansion mondiale du pentecôtisme.

    medium_Futuna.jpgLa population de Wallis et Futuna est très majoritairement catholique et le catholicisme, hérité des missions des pères maristes (arrivées à Wallis en 1837) y est fortement associé aux monarchies traditionnelles (un roi à Wallis, deux à Futuna) auxquelles la République française a ménagé de larges marges d’autonomie. On voit donc mal comment le pentecôtisme pourrait s’y implanter et défier les autorités familiales, coutumières, avec son message qui incite chaque individu à construire sa vie et à « gagner son salut » en se libérant des appartenances héritées et des obligations communautaires.
    Mais c’est oublier le rôle essentiel que jouent, en particulier dans le Pacifique, les flux migratoires dans le développement des nouveaux mouvements évangéliques et pentecôtistes. Wallis et Futuna connaissent en effet une situation similaire à celles de plusieurs petits pays du Pacifique anglophone, comme les îles Cook, Tuvalu ou Niue : un renversement démographique au profit des émigrés, plus nombreux que la population restée sur les îles d’origine. Depuis 1961, on estime que 17563 Wallisiens et Futuniens ont migré vers la Nouvelle-Calédonie, principalement dans la région de Nouméa, tandis qu’en 2003, on comptait 10088 habitants à Wallis et 4879 à Futuna.
    C’est au sein de cette population émigrée, moins directement soumise aux autorités communautaires de Wallis et Futuna, que les premières conversions au pentecôtisme ont eu lieu. A partir de là, deux dynamiques classiques de l’expansion pentecôtiste ont joué en faveur d’une implantation à Wallis et Futuna.
    - La première, c’est le rôle joué par l’évangélisation interpersonnelle. Etre pentecôtiste, c’est être missionnaire et les nouveaux fidèles s’efforcent donc très rapidement d’agir personnellement au sein de ce qu’un manuel pentecôtiste de « formation à la vie chrétienne » appelle leur « sphère d’influence » : amis, collègues de travail, famille. Dès lors, les relations maintenues entre l’île d’origine et les émigrés deviennent le vecteur d’une action missionnaire « douce », peu visible, qui prend par exemple la forme de discussions, de réunions de prière dans les maisons et prépare la seconde étape, plus institutionnelle et plus visible : l’organisation, sous la direction de pasteurs évangélistes professionnels appuyés par un groupe de fidèles de réunions publiques d’évangélisation.
    - La seconde dynamique, c’est celle des missions en cascade, que l’on retrouve dans tous les pays où le pentecôtisme se développe. C’est-à-dire que les nouvelles églises – et leurs nouveaux convertis enthousiastes – se tournent très vite vers de nouveaux terrains de mission, avant même bien souvent d’être elles-mêmes tout à fait stabilisées. Ce principe permet, comme l’a noté Bernard Boutter dans son étude des assemblées de Dieu de la Réunion, de faire passer les fidèles « de la situation passive d’évangélisés, à celle, active, de missionnaires ». Car les églises pentecôtistes, églises militantes tournées vers l’évangélisation, sont avant tout des églises du mouvement, où il faut continuellement « aller de l’avant », dans sa vie personnelle comme dans l’engagement collectif. Et elles trouvent dans cette espèce de fuite en avant un moyen de maintenir l’enthousiasme et la mobilisation de leurs fidèles. Cet enthousiasme est d’autant plus fort qu’il s’agit pour des émigrés de lancer la mission dans leur île d’origine.

    Revenons maintenant à Wallis et Futuna : c’est en 1999 qu’une assemblée de Dieu a été officiellement ouverte sur l’île de Wallis. En 2002, dans un article du magazine Tahiti Pacifique, Filihau Asi Talatini estimait à une trentaine le nombre de ses membres, soit un chiffre égal à celui avancé par le missionnaire wallisien Kavakava – ce qui semble témoigner d’une progression très limitée entre 2002 et 2006. Voici, selon le récit qu’en faisait en 2001 le pasteur Louis Levant, ancien président des assemblées de Dieu polynésiennes, les circonstances de cette implantation pentecôtiste à Wallis :
    « Ce qui s’est passé, c’est qu’en Nouvelle-Calédonie, il y a une grosse communauté wallisienne, et (…) de plus en plus de Wallisiens sont venus à l’Évangile dans le cadre des assemblées de Dieu (…). Et ce qui s’est passé, le roi de Wallis est tombé malade et il a dû être évasané [évacuation sanitaire, EVASAN]. Et dans le cadre des assemblées de Nouméa, il y avait quelqu’un de sa famille qui était donc pentecôtiste (…) et qui a demandé s’il voulait qu’on prie pour lui, si un pasteur des assemblées pouvait prier. Et c’est grâce à cette possibilité-là qu’on a eu un contact et ensuite, c’était les Wallisiens convertis de Nouméa qui ont ouvert la porte à Wallis ». (entretien du 20 décembre 2001, cité dans Pentecôtisme en Polynésie française, p. 50)
     
    Et c’est ainsi que le pentecôtisme est apparu à Wallis, puis que cette petite assemblée - qui ne compte pas plus d’une trentaine de membres après maintenant 7 ans d’existence - s'est lancée à son tour dans l’évangélisation de l’île voisine, avec notamment le concours d’un converti wallisien devenu lui-même missionnaire.
     
    A visiter : www.uvea-mo-futuna.com, un webzine consacré à l'actualité, à la recherche et aux échanges sur Wallis et Futuna.
     
     
    (Photo : église de Sausau, district de Sigave à Futuna . Photographe : Tony Wheeler, © Lonely Planet Images)
     
  • The New Face of Christianity in Oceania: A Major Reference

    medium_couv-globalisation.2.jpgOn July 13th of this year, the Fijian Vice-President participated at the Pacific Theological College in the official launch of a collective book edited by Manfred Ernst, Globalization and the Re-shaping of Christianity in the Pacific Islands, dealing with the contemporary changes of Christianity in Oceania: Mormon and Adventist Churches taking root, declining Historical Protestant Churches and rapidly growing Evangelicals and Pentecostals.
    In 1994, M. Ernst published a first study, Winds of Change, a project founded by the Pacific Conference of Churches that gathers Catholic, Historical Protestant and Anglican Churches in Oceania. The heads of these churches wanted to get information and analysis in order to understand and foil what they saw as an invasion of “foreign” (and more specifically American) Churches and beliefs. Despite some arguable points (notably the supposedly impossible conciliation between “community” local Christian cultures and movements described as “individualists”), Winds of Change became a major reference for those interested in the study of contemporary Christianity in Oceania. The very expected book launched in July will certainly be an even more precious source of information and analysis. Ten years after, it draws up a new inventory, once again with the support of the Pacific Conference of Churches. During these ten years, the “new” churches have deeply taken root in the Oceania religious landscape and it has become more and more difficult to think that they still have “nothing to do” with the local cultures and societies. So we need to understand in what extent they go with and/or contribute to social and cultural changes experienced by the Oceania Islands, how they articulate local specificities and a religious globalisation. The heads of the Historical Churches now understand that these “new” Churches compensate for many of their own deficiencies: too hierarchical structures of authority controlled by the old generation, small part given to the youth in the making of decision, an obsolete rigorism left by the missionaries (dresses, music, role of women), a discourse focused on the inherited belonging to an ethnic-cultural community rather than on individual needs, etc. To dream on the “good old time” coming back is vain, the time when these churches organised the religious and social life of Oceania populations and the urgent task is now to think on the main challenge of the next years: the modalities of religious pluralism. The second part of the book is made of detailed case studies of the religious landscape in 14 Pacific countries, Gwendoline Malogne-Fer and I wrote the chapter on French Polynesia. The book can be notably purchased on the website of the USP (University of the South Pacific) or with an order form.