L’église adventiste du septième jour comptait, en 1986, 183000 membres dans le Pacifique, dont près de la moitié en Papouasie Nouvelle-Guinée. En 2000, leur nombre dans ce seul pays a été estimé à 211 000. En Polynésie française, les adventistes sont surnommés « petania » (« Pitcairn » en tahitien), en référence aux habitants de l’île de Pitcairn qui ont été les premiers adventistes en Océanie, dès 1886, et au voilier Pitcairn dont l’escale en décembre 1890 à Tahiti marqua le début de la mission adventiste dans les îles de la Société. Leur histoire a été écrite par Jean-Michel Martin, qui a publié en 1990 un livre intitulé Bon vent, Pitcairn ! Un siècle de présence adventiste en Polynésie française, 1890-1990 (paru à Hambourg, éditions Saatkorn/Grindelbruck).
Les premiers convertis venaient surtout de l’Église protestante. Le pasteur protestant Paul Deane, de père américain et de mère polynésienne (Raiatea), s’est converti en 1892 et a contribué dans les années qui ont suivi à la progression de l’adventisme à Tahiti et Raiatea. Sur cette île, la mission adventiste s’est implantée en 1894 dans le village principal de Uturoa, alors que la révolte contre la France – déclenchée par la prise de possession des Iles Sous-le-Vent en 1887 – était à son apogée et que l’Église protestante elle-même était désormais (depuis 1863) dirigée par des missionnaires français. L’adventisme est donc apparu en Polynésie française sous les traits d’une alternative rigoriste et nord-américaine au protestantisme historique passé sous influence française. A partir des années 1950, l’église est cependant présidée par des Français (de 1950 à 1984), puis par des Polynésiens.
L’église est surtout implantée dans les îles de la Société, ainsi que dans quelques îles des Australes (Rurutu où la présence adventiste remonte aux années 1930, Tubuai et Rimatara), très peu dans les archipels des Tuamotu-Gambier et des Marquises. Selon les données statistiques très précises établies par la Conférence générale de l’Église, elle comptait en 2003 4537 membres adultes baptisés, soit une population totale (enfants et adultes non baptisés compris) d’environ 13000 personnes (6% de la population). Il s’agit pour beaucoup de membres de la classe moyenne, souvent fonctionnaires, que l’on désigne couramment comme « demis » et pour qui l’éducation – au sens large – est la clé de la réussite personnelle. L’église adventiste du septième jour a d’ailleurs développé à Tahiti une importante œuvre scolaire : plusieurs écoles primaires et un collège d’enseignement général et agricole.
Enfin, l’église adventiste du septième jour a été parmi les premières églises polynésiennes à ouvrir une librairie, qui diffuse notamment les publications des éditions françaises « Vie et Santé » – bien au-delà du seul cercle des fidèles adventistes – et une station de radio, « La voix de l’espérance », en janvier 2001.
(Photo : chapelle de l’église adventiste du 7ème jour à Arue, côte Est de Tahiti. Inaugurée en décembre 1998, elle est construite sur le même terrain où fut érigée en 1893 la première chapelle adventiste polynésienne. Source : mairie d’Arue).
Yannick Fer - Page 38
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Petania : Adventistes en Polynésie
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Christianisme et exotisme
Intervention le 18 mai 2006 : "Anthropologie du christianisme en Océanie : des églises traditionnelles aux nouvelles églises"
Qu’ils soient chrétiens ou non, beaucoup d’Européens sont habitués à considérer le christianisme comme une part exclusive de leur patrimoine culturel. Le retrouver sous les tropiques, c’est faire l’expérience un peu déroutante d’une espèce d’exotisme à l’envers : quelque chose de soudain familier (déplacé ?) dans un contexte étranger, ou au contraire une version bizarrement étrangère de quelque chose qui devrait être familier, comme une chanson de Brassens chantée en japonais.
Pour retomber sur nos pieds, nous avons alors deux tentations : déplorer le fait que des cultures authentiques se trouvent envahies par cette religion occidentale et plaindre les chrétiens non occidentaux de s’égarer si loin de leur identité « naturelle ». Ou pister au contraire dans ce christianisme exotique tout ce qui trahit son origine locale, tout ce qui révèle une culture préservée sous le « vernis » de la conversion.
C’est entre ces deux écueils que doit naviguer l’analyse sociologique ou anthropologique des christianismes non occidentaux, face à un renversement de situation dont on aperçoit encore mal toutes les conséquences : le christianisme est désormais – et chaque jour davantage – une religion majoritairement non occidentale et si les missionnaires sont encore souvent occidentaux, les missions chrétiennes émergentes viennent d’Asie, d’Afrique et d’Océanie. Elles ambitionnent de re-christianiser l’Occident, où les effets conjoints des migrations et de la sécularisation donnent d’ailleurs de nouvelles couleurs au christianisme.C’est en partant de ce constat que j’interviendrai le 18 mai prochain au (FRAO, EHESS), sur le thème « Anthropologie du christianisme en Océanie : des églises de la tradition aux nouvelles églises ».Je reprendrai les étapes suivies par les anthropologues qui, après s’en être d’abord détournés, se sont au cours des vingt dernières années intéressés aux églises chrétiennes d’Océanie. Je décrirai aussi les « vagues » successives – mormones et adventistes, puis évangéliques, pentecôtistes – qui sont venues contester la « tradition chrétienne » élaborée progressivement dans le sillage des missions du 19ème siècle. Et j’essaierai de mesurer les enjeux, pour l’Océanie, d’un pluralisme religieux qui, accentué par la globalisation des échanges et les migrations, constitue peut-être, comme l’a écrit l’historien américain Charles Forman, l’un des défis importants que les sociétés océaniennes ont aujourd’hui à relever.
Un plan de cette intervention peut être téléchargé ici
(Photo : culte dominical, Church of Melanesia de Tagabe, Vanuatu. Source : COE) -
Hakka et protestants à Tahiti : nouvel article en ligne
Je viens de rendre un des mes articles accessible en ligne, par le biais du système HAL : "Le pentecôtisme en Polynésie française : une histoire hakka", un article paru en 2004 dans la revue Perspectives Chinoises. Ceux qui connaissent déjà l'histoire des migrations chinoises savent que les Hakka hors de Chine forment une diaspora très importante. En Polynésie française, l'immigration a débuté en 1865, organisée par les autorités coloniales pour satisfaire les besoins de main d'oeuvre d'une entreprise de plantation.
Voici le résumé de cet article :
Si le pentecôtisme est aujourd’hui présent en Polynésie française comme dans l’ensemble des États du Pacifique sud, il y a suivi un chemin singulier, en s’implantant d’abord (au cours des années 1960) au sein de la communauté des immigrés chinois de culture hakka. Longtemps perçu par l’église protestante historique comme un “ protestantisme à la chinoise ”, il a d’abord donné naissance à plusieurs églises hakka, qui ont chacune élaboré des combinaisons différentes entre identité culturelle, intégration à la société polynésienne et adhésion au christianisme. Mais, de scission en scission, c’est finalement dans une église transculturelle (les assemblées de Dieu de Polynésie française) que se sont retrouvés une bonne part des convertis hakkas et de leurs enfants. L’histoire croisée du pentecôtisme et de la communauté hakka en Polynésie française témoigne ainsi, de manière tout à fait exemplaire, de la constitution progressive d’une société plurielle (multiculturelle et multiconfessionnelle), en tension entre l’appartenance de tous (ou presque) au christianisme et les identités culturelles de chacun.
Vous pouvez le lire en cliquant ici ou sur "Une histoire hakka" dans la colonne de gauche. Bonne lecture.